chapitre IX♡

C'était comme si plusieurs choses qui s'étaient mises à se bousculer dans ma tête. D'abord, plein de questions se posaient en même temps. Ensuite des scènes du passé revenaient me hanter lorsque je les ai vus se déchaîner l'un sur l'autre. Et puis, il y a eu mon inquiétude pour Evan. Je ne sais pas pourquoi, j'ai eu peur quand j'ai vu le poing arriver à toute vitesse sur son visage.

— Ça va mieux ? Me demande Joy après qu'on se soit posées.
Ouais ça va..., je réponds.

— T'aurais pas dû aller voir.

— Je sais...

— Alors pourquoi tu es restée ?

— J'étais inquiète pour lui, avoué-je difficilement.

— Pourtant il n'est pas vraiment...

— Je sais, Je la coupe. Mais c'était plus fort que moi.

— Eileen, dit-elle sérieusement. Ce n'est qu'un jeu, tu lui sers juste pour ses affaires bizarres. Sinon vous n'êtes rien tous les deux. Je suis sûre que tu ne comptes pas pour lui. Tu ne te fais pas d'illusions en le portant trop dans ton cœur et...

— Je sais, je sais, je sais ! Je la coupe de nouveau énerver. Mais...

— Tu sais ce qui s'est passé la dernière fois, me coupe-t-elle, Apprends de tes erreurs.

Ce qu'elle m'a dit a eu l'effet d'une claque en pleine poire. Mais c'est peut-être vrai. C'est bien ce genre de chose qui a failli causer ma perte la dernière fois. L'attachement. Être attachée à quelqu'un c'est quelque chose de dangereux, tu donnes presque une confiance aveugle à l'autre. Impossible de savoir quand la personne te rouera de coups.

— T'as raison...

— Je sais que j'ai raison, je ne me trompe jamais, répond-elle confiante.

Bien évidemment qu'elle ne se trompe jamais. À elle, je cède ma confiance ultime. Il va falloir que j'ignore mon attachement qui est né pour lui. Je vais devoir l'oublier ou l'effacer.

Après avoir quitté Joy, je reçois un message d'Evan qui me demande de venir le voir à l'infirmerie. J'étais sur le point de lui dire non, que j'étais occupée, mais instinctivement j'ai répondu oui. Oui, c'est tout ce que je sais dire. Autrement dit, c'est comme si le non ne figurait pas dans mon vocabulaire. C'est humiliant de ne pas savoir dire non, c'est comme si j'étais vouée à servir les autres. Courage Eileen, tu peux y arriver.
En entrant à l'infirmerie, je remarque tout de suite Evan, allongé sur un des lits.

— Pourquoi tu t'es battu ? Je demande une fois devant lui.

— Ça ne te regarde pas, dit-il.

— Pourquoi ?

— Ça ne te regarde pas ! Bégaie-t-il. Et toi ? Pourquoi t'as criée que j'étais ton copain ?

— Parce que tu l'es... ! Je bredouille, Puis il faut bien que ta supercherie soit réaliste.

— Quelle supercherie ? Soupire-t-il en bégayant, T'étais inquiète ?

— Comment ça ?

— Tout à l'heure et hier quand j'avais quelques égratignures.

— Pas du tout ! Pouffé-je. Pourquoi je serais inquiète d'abord ?

— Parce que tu m'aimes bien ? Chaton, dit-il avec un sourire en coin.

— N'importe quoi...Bon, laisse-moi de la place ! J'ai envie de m'asseoir, j'ai mal aux pieds, dis-je en poussant ses jambes.

— C'est mon lit, se plaint-il tout en me laissant de la place.

— Victime.

— Moi ? Pas du tout.

— Mon œil.

— Je suis un gentleman moi ! Dit-il fièrement.

— Mais oui, mais oui...

— Tu sais conduire ? Demande-t-il brusquement.

— J'ai des compétences en Mario kart.

— Ça devrait le faire, murmure-t-il en réfléchissant.

— Comment ça ? Tu veux que je conduise ?

— Bah...oui. L'infirmière ne veut pas que je conduise.

— Mais, je fais comment pour rentrer chez moi ?

— Tu nous ramènes chez toi. Je ne vais pas laisser une fille rentrer seul le soir !

— Quelle amabilité venant de toi ! Je glousse. Mais tu feras comment toi alors ?

— Je dormirai dans ma voiture.

— Ce n'est pas vraiment l'endroit rêvé...

— Je sais, mais je n'ai pas le choix. Il n'y a pas d'hôtel près de chez toi ?

— Non mais si tu veux je demande à ma mère que tu dormes chez moi.

— Je dérangerai, puis il y a ce bouffon là-bas, soupire-t-il. Sans vouloir te vexer.

— Je ne l'aime pas non plus alors insulte-le autant que tu veux.

— Il t'a touchée ? Demande-t-il sérieusement, les poings serrés.

— Non, ne t'en fais pas.

— Super, soupire-t-il de soulagement.

— Ce n'est pas plutôt toi qui es inquiet pour moi ?

— non, bégaie-t-il.

Je commence à rigoler, lui aussi.
En partant, je l'aide à se mettre debout. Il a un peu de mal à se relever. Une idée me vient :

— T'es fragile mon poussin ? Je ris.

— Tu me cherches ? Aïe ! Dit-il après s'être pris un meuble.

— Oups, ça va ?

— S'il te plaît, ne soit jamais infirmière.

— Bah pourquoi ? Je ne comprends vraiment pas...

Une fois à la voiture, je me retrouve face au volant. L'excitation me prend. Je vais pouvoir conduire une vraie voiture ! Je regarde Evan, les yeux pétillants de joie, mais je le vois se tenir partout où il peut.

— T'as peur ?

— Moi ? Peur ? Souffle-t-il. Pas du tout, tu rêves. Dit-il en croisant les bras.

J'appuie sur la pédale, mains au volant, je roule. Evan s'accroche en vitesse sur l'accoudoir. Je rigole en voyant ça. Au final, j'ai plutôt bien conduit malgré que j'ai grillé quelques feux rouges, failli percuter quelqu'un, me prendre un mur, une voiture. Je réussi à me garer devant chez moi avec un presque succès ! Je suis tellement fière. Je pense être prête pour le permis.
Je me retourne vers Evan après avoir détaché ma ceinture.

— Ça va ? T'es tout blanc.

— Ouais, ouais. Ça va...

— Génial ! T'as vu j'ai géré ! Je m'exclame en sortant de la voiture.

J'ouvre la porte de chez moi. Ma mère qui passe devant le couloir de la porte d'entrée. Elle me remarque, alors je lui demande si Evan peut dormir ici en lui expliquant la situation. Des étoiles se forment dans ses yeux et elle me répond positivement oui ! Je le préviens qu'il peut entrer. Il salut ma mère et on dit bonjour à mon beau-père, maintenant c'est au tour d'Austin. J'ai tellement peu envie de le voir. Surtout qu'ils se sont frittés aujourd'hui et je n'aimerais pas que ça recommence. Stephen, mon beau-père, appelle Austin qui descend aussitôt. Arrivé au rez-de-chaussée, il reste figé sur place. Evan lui lance un regard noir, ça fait peur. Je n'aimerais pas être à la place d'Austin. Celui-ci se met à sourire aussitôt en venant vers nous, ou plutôt Evan. Il pose soudainement son bras autour de ses épaules et s'exclame :

— Evan ! Mon pote ! Comment ça va ?

Ce dernier ne répond pas, trop choqué par l'enthousiasme de mon beau-frère. Moi aussi, ça m'étonne. Son sourire pourrait même effrayer les enfants.

— Austin ? Demande son père. Tu le connais ?

— Bah ouais, bien sûr ! S'exclame ce dernier. Depuis le lycée !

— Je ne savais pas, tu aurais pu l'inviter quand même, se plaint Stephen.

— C'est incroyable ! Quelle coïncidence que vous vous connaissiez ! S'exclame ma mère.

Moi et Evan on serre les dents. Quel hypocrite, celui-là. Mais maintenant je comprends mieux pourquoi Evan s'est énervé dès que j'ai parlé de lui. Mais maintenant, reste à comprendre pourquoi il le déteste.

Maman part en cuisine en criant qu'elle allait préparer l'apéro pour fêter ces retrouvailles. J'aurais aimé intervenir et dire qu'on était tous les deux fatigués pour nous sauver du blanc astral qui arrive.

— Alors ? Comment vous vous êtes rencontrés les garçons ? Demande Stephen.

— Quand il a.., commence Evan.

— Illuminer ma vie ! Interrompt Austin.

— Comme c'est beau ! S'exclame ma mère.

— Ça a dû vous faire plaisir de vous retrouver ! S'exclame Stephen.

— T'imagine même pas à quel point ! Répond Austin, N'est-ce pas ? Demande-t-il à Evan.

— Ouais, ment-il en serrant bien les dents.

Durant toute la soirée c'était comme ça. Austin n'a pas arrêté de faire l'hypocrite, de faire semblant d'être le bestie d'Evan. Quant à lui, il était énervé mais n'a fait rien paraître. Les adultes ne le savaient pas mais pour moi et Evan, c'était un supplice. Alors qu'on allait dormir, Austin et Stephen monte pour se coucher. Il ne reste plus que moi, Evan et ma mère.

— Tu peux aller préparer un lit pour ton copain ? Me demande-t-elle.

— Oui, pas de soucis, dis-je en partant à l'étage.

— Evan ? L'interpelle-t-elle à lui une fois que j'étais partie. Oui ?

— Ça te dirait de venir avec nous pendant les vacances ? On part à la plage.

J'arrive aussitôt pour dire que c'est prêt ! Je dis bonne nuit à ma mère et monte avec Evan. Il se dirige vers la chambre d'Austin lorsque je l'interpelle pour lui dire :

— Tu dors dans ma chambre.

— T'es sûre ?

— Ouais, je n'aimerais pas qu'il y ait une tentative d'assassinat dans la nuit.

— Ouais, t'as raison, dit-il avant d'entrer dans ma demeure.

Le lendemain, Evan arrive à mieux marcher. Ma mère vient voir Evan et lui chuchote à l'oreille :

— Merci de sortir ma fille de la solitude, dit-elle en le prenant dans ses bras.

On part tous les deux dans sa voiture après que ma mère lui ait fait un clin d'œil dont je n'ai pas compris la signification.

— Pourquoi ma mère t'a fait un clin d'œil ? Je demande une fois dans sa voiture.

— Elle m'a invitée pour venir avec vous à la plage, avoue-t-il.

— Vraiment ? T'as dû refuser j'imagine après tout on est r-

— J'ai accepté, me coupe-t-il.

— Ah...Vraiment ?

— Oui, ça te dérange ?

— Non. C'est juste inattendu.

Je n'ai plus dit un mot.
Ça réponse m'a perturbée. Pourquoi a-t-il accepté ? Je sais ! Il n'a pas dû céder au sourire de ma mère. Maman a le don de faire craquer les gens, c'est ce qui fait son charme, mais lors je n'ai pas hérité de son don.

Pendant la pause, après des heures de cours interminables, Erika vient me voir. Je la vois près de mon casier. Intriguée, je la rejoins. Mais aussi car j'ai besoin de ranger et de poser quelques affaires.

— Salut, lance-t-elle.

— Salut, qu'est-ce que tu fais là ?

— Je voulais te parler enfin plutôt m'excuser pour les dernières fois. Avec Anouck et Kessy on n'a pas été très sympa. D'ailleurs, en parlant d'elles, je les trouve bizarres en ce moment.

— Comment ça ?

— Je ne sais pas. Dernièrement, on passe plus de temps ensemble et c'est vraiment louche. Surtout Kessy elle est distante et se met à sécher les cours.

— Elle ne le faisait jamais avant ?

— Non elle a des parents trop stricts pour ça. Et ne lui dit pas mais, elle a peur d'eux. Donc jamais elle n'aurait séché.

— C'est bizarre, et pour Anouck ?

— On traîne un peu ensemble mais elle est plus avec une autre fille. Je ne sais pas, c'est arrivé comme ça. Elle traîne avec elle depuis le début de l'année mais là elle a carrément changé de camp pour elle.

— T'es jalouse ?

— Oui j'avoue, je pensais qu'on serait inséparable, admet-t-elle déçue.

— Son amie ce ne serait pas une certaine Joy ?

— Si je crois ! S'exclame-t-elle. Comment tu sais ?

— C'était ma meilleure amie mais depuis la rentrée elle s'est faite deux nouvelles amies... dont Anouck.

— C'est pas cool. On a été mise à l'écart par nos meilleures amies.

— Tu sais, c'est normal.

— Comment tu peux dire ça ? Se plaint-elle.

— C'est normal, les amies ce n'est pas pour la vie. Ça fait mal de le savoir mais c'est la vérité. La réalité ce n'est pas éternel, c'est rempli de choses éphémères et l'amitié en fait partie.

— Comment tu fais ?

— L'habitude j'imagine et la prise de conscience.

Je me rends compte que voir Joy s'éloigner ne me fait plus rien maintenant. C'était une claque au départ mais elle s'adoucit avec le temps. Peu à peu, on apprend à se détacher de certains liens qui devenaient déjà trop fragiles.

— Les filles !!! Crie quelqu'un au loin.

— Tiens, salut Ambre ! Dit Erika après qu'on ce soit retournées vers la voix d'Ambre.

— Ça vous dit qu'on mange ensemble ce midi ? Propose Ambre.

— Oui, ce serait génial ! S'exclame Érika.

— Ouais pourquoi pas !

Alors qu'on était installées à la cantine, on commence à rigoler, à discuter. Une douce chaleur se propage en moi, celle qu'on ressent lorsqu'on est bien entouré, quand on n'est pas mis à l'écart. Quand on est bien intégrée. On discute, lorsque soudain Joy débarque en criant :

— Qu'est-ce que tu fous avec elle ?!

— Pourquoi tu réagis comme ça ?

— Mais bordel Eileen ! Elle t'a harcelée et toi, tu manges avec elle ? Mais qu'est-ce qui te prend ? Ça ne te ressemble pas, t'es trop na...

— La ferme ! Je crie d'un coup en la coupant. T'es qui pour me dire qui je suis et avec qui traîner ? Je le savais déjà qu'Ambre était ici, elle est dans ma classe ! Et tu ne vois pas que tu la mets mal à l'aise là ?

— Mais... elle t'a harcelée ! Crie-t-elle.

— Et alors ? Je l'ai pardonnée !

— Comment peux-tu dire ça ? Elle te manipule c'est sûr !

— Non pas du tout, elle a changé et toi aussi !

— Comment ça j'ai changé ? Demande-t-elle stupéfaite.

— Depuis la rentrée tu me remarque plus. Tu m'as mise à l'écart et après tu te plains que je te cache des choses ? Tu veux savoir un truc ? Je t'ai cachée un truc ! Kessy, je la connais, elle est venue me voir et m'a menacée aux chiottes !

— Quoi ? Mais pourquoi tu ne me l'as pas dit putain ?

— Parce qu'on n'est plus aussi proche qu'avant ! Fais-toi une raison ! Même Ambre à été plus présente que toi alors qu'elle m'a fait du mal !

— Mais...

Des larmes se forment sous ses yeux. Elles ne continuent pas sa phrase, elle part en courant. Je m'en veux de lui avoir crié dessus mais ça me pesait trop de le garder pour moi. Il fallait que ça sorte. Il fallait que je vomisse ce que j'avais à dire.

— Ça va aller ? S'inquiète Erika.

— Ouais... J'ai besoin de souffler.

— Tu veux qu'on t'accompagne ? Demande-t-elle.

— Non, j'ai besoin de rester seule, dis-je avant de partir.

J'entends des pas hésitant dans mon dos qui s'approche de moi mais je pars en furie vers la sortie. J'ai besoin de respirer.
Nos souvenirs d'enfance disparaissent, tout comme le lien qui nous unissait.
La fin peut-être d'une amitié de longue date. Le cœur serré, je commence à étouffer. Je m'effondre en larmes, la douleur est trop puissante. Des souvenirs d'enfance refont surface. Lorsqu'on apprenait à marcher ensemble, lorsqu'on faisait des galipettes dans l'herbe en été, quand on dessinait ensemble, quand on se coiffait, nos premières règles. Nos sorties au cinéma, nos bêtises d'enfants, quand on coloriait les murs, quand elle m'a sauvée pour la première fois, quand elle m'a défendue, nos rentrées ensemble, nos anniversaires fêtés ensemble...

En sortant de la cantine, je croise Joy assise dans un coin en train de pleurer. Je ne supporte pas la voir comme ça. Elle pleure rarement et les seules fois où elle le fait, je ne peux m'empêcher d'aller la prendre dans mes bras car j'ai horreur de ça.

— Alors c'est fini ? Pleure-t-elle.

— Je pense que oui. Les verres sont brisés...

— Alors comme ça je suis méchante ? Je te mets à l'écart ? Se plaint-elle.

— Oui, mais ce n'est pas de ta faute...Tu n'es pas méchante au fond...

— Et pour Evan ? Ça continue ?

— Oui.

— Je suis sûre de ce que j'ai dit ce jour-là, cette histoire va mal finir. À tous les coups il...

— Stop. Tu ne le connais pas et moi non plus. Il est peut-être différent...

— Et si ce n'est pas le cas ? Insiste-t-elle.

— Alors je m'en remettrai.

C'est comme le papier. Le cœur, une fois qu'il est froissé, il devient difficile de le remettre dans son état d'origine.
Les blessures mentales restent comme un tatouage à vie, vouées à nous hanter jusqu'à la mort.
Une fois que les larmes de notre corps n'existeront plus, quand le corps se sera vidé entièrement.

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