L' amitié n'est qu'un prétexte à l'amour

- «Quelques fois les questions sont compliquées mais les réponses sont simples.», je lis à haute voix essayant de comprendre cette satanée de phrase collée sur mon casier.

Je regarde mon meilleur ami espérant que lui, il trouve une explication mais il semble tout aussi perdu que moi.

- Quelqu'un de ton club de lecture n' aurait pas écrit ça? lui demandé-je.

-Comment le saurais-je? répond-t-il en levant les mains en l' air.

- Au moins, explique-moi.

- Je trouve juste que c'est très poétique.

Je roule les yeux. Prise de rage, je décolle le bout de papier de mon casier et choisis d'y déposer mes affaires en grognant.

- C'est la Saint-Valentin, Eva. Calme-toi, rit Edgard.

- Tu sais que je m'en fous, tonné-je en tournant les talons.

Il essaie de me rattraper mais j' accélère le pas. Je ne suis vraiment pas d' humeur à parler à qui que ce soit. J' étais assez énervée depuis ce matin à cause de ce "D" que m' a collé mon prof de dissertation à un devoir sur lequel j'ai passé des nuits à travailler pour qu'un inconnu pense pouvoir jouer à ces trucs bidons d' admirateur secret avec moi.

Contrairement à Edgard, J'ai toujours haï disserter: toujours à trouver le sens caché d'une phrase sortie de la bouche de quelqu'un de célèbre ( peut-être par pur hasard) et à l'expliquer en plus d'un million de mots. Alors, c'est vraiment raté de vouloir me séduire avec une citation. Ouais, je sais, je sais: C'est la Saint-Valentin et les jeunes "normaux" font ces genres de choses mais j' ai toujours préféré qu'on soit direct avec moi. Tu m'aimes? Dis-le-moi. Pas besoin d'y aller par quatre chemins en faisant des actes romantiques comme m' acheter des fleurs, m' écrire sous un pseudonyme et tout le tralala qui vient avec alors que la parole peut tout raccourcir. Après, je t' enverrai balader bien sûr mais tu auras quand même essayé ...

- Eva?

Je me tourne vers un Edgard essoufflé. Il pose ses mains sur ses genoux, le dos courbé en essayant de reprendre son souffle. Je ne me rappelle même pas quand j'ai emprunté les couloirs menant sur la bibliothèque du collège.

- Que veux-tu Edgard? lui demandé-je les bras croisés sur ma poitrine.

- Tu poses toujours autant de questions? me demande-t-il à son tour.

- Et toi, tu n' y réponds jamais? répliqué-je.

Il s'en va dans un soupir, agacé, puis se redresse pour s'approcher de moi.

- Tu n' as pas besoin d' être si énervée. Ce n'est qu' une phrase. Des mots stupides, explique-t-il.

- Je sais, approuvé-je. Aussi stupide que celui qui les a écrits.

Mon ami a un sourire gêné.

- Dis, tu allais à la bibliothèque?

- Je ne sais pas comment je me suis retrouvée là, avoué-je. Tu sais que les lettres et moi ça fait deux.

- Tu parles comme s'il n' y avait que des livres de philosophie et de littérature à la bibliothèque, rit-il en s'asseyant sur le sol. Tu pourrais te régaler dans les livres de math qu'ils ont.

- D'abord, dis-je en le rejoignant par terre, je les ai tous déjà lus. Puis, je n'en consulte que quand j'ai un devoir.

Comme toutes les fois où nous nous retrouvons seuls, je laisse un espace entre nous. Je ne sais pas pourquoi mais je n' ai jamais voulu être trop proche d' Edgard depuis l' année dernière où nous nous sommes connus. Notre amitié est très jeune mais en si peu de temps, il a su remplacer ma soeur de coeur partie vivre à l' étranger la même année. Je le voyais comme le nouveau tout mignon qui a su vite s' intégrer à ce collège où ma mère a voulu que je fasse ma dernière année à cause de la distance qui jouait mieux en faveur de notre nouvelle maison, m' obligeant ainsi à laisser mon ancien collège. Et quand je pensais obtenir mon bac sans nouer une seule amitié ici, il est venu vers moi. Je devais bien sûr chasser ou plutôt garder tout au fond de moi ces sentiments naissants. Je me suis alors convaincue que ce n' était qu'une attirance mais dont je me suis libérée.

- Sais-tu que nous sommes pitoyables? Sa voix grave et enjoueuse à la fois me sort de mes réflexions.

- Pourquoi ça? fais-je, sceptique.

- C'est la Saint-Valentin et nous sommes célibataires, rit-il.

Je lui donne une petite tape amicale sur l'épaule.

- Je ne vois pas le rapport, dis-je dans un sourire.

Je m' attendais à ce qu'il réplique pour qu'on rit de nos blagues stupides comme à chaque fois mais il reprend son sérieux, nous plongeant dans un silence dérangeant. Quelques secondes après, j' entends son jeans qui se crispe sur le sol: il glisse vers moi pour étouffer les millièmes de mètres qui nous séparaient. Je le regarde du coin de l' oeil dans son mouvement mais ne dis rien.

- Eva?

- mhh?

- Non. Rien.

Le silence redevient aussi pesant qu' avant. Je ne me suis jamais retrouvée dans une telle situation avec lui. J'ai envie de prendre mes jambes à mon cou puis le recroiser demain matin au collège sans reparler de tout ça.

- Pourquoi tu n' arrêtes pas de me parler de la Saint-Valentin? je m' enqueris juste pour tuer le silence. Est-ce que ça compte autant pour toi?

- Non. Mais ça pourrait l' être, répond-t-il en plongeant son regard dans le mien comme s'il espérait y capter quelque chose.

- J' avoue que je ne reconnais plus mon ami, ris-je nerveusement. L' année dernière, je ne m' en souviens même pas si tu avais prononcé le mot.

- Je devais attendre le bon moment. Qui sait? L' amitié n'est peut-être qu'un prétexte à l'amour.

- Et elle est de qui cette citation? je ris sans même analyser la phrase.

- De moi, dit-il fièrement en feignant d'ajuster sa cravate invisible.

Il est tellement rigolo que parfois je n' arrive pas à cerner quand il est sérieux. Je m' en veux de m' être énervée contre lui tout à l' heure en voyant comment il me fait rire maintenant.

Je me racle la gorge et m' apprête à continuer la conversation:

- Moi, on comprend bien pourquoi je ne sors avec personne: j'ai peur de m' engager et tu sais bien que personne n' arrivera à supporter mon caractère de merde. Mais sérieusement, toi, pourquoi tu ne me présentes jamais à une fille?...Euh, je veux dire à ta copine, un truc du genre...tu vois ? Je suis ta meilleure amie, non ? Alors pourquoi je ne connais pas ta petite amie?

Je suis embarrassée par ma propre question et je n' arrive pas à le fixer comme si j'ai peur de la réponse. Ses mains se rapprochent de mon visage et du bout des doigts, il m' oblige à lui faire face. J' essaie tout de même d' écarter mon corps trop proche du sien, voulant éviter le pire. Je ne veux pas qu'une stupidité de notre part brise notre amitié. Il se met sur ses genoux et tenant mon visage entre ses mains, son regard muse sur mes lèvres.

- Quelques fois les questions sont compliquées...

Il ne finit pas sa phrase qu'il connecte déjà ses lèvres aux miennes, réveillant en moi tous ces sentiments que j'ai longtemps refoulés. D'un geste automatique, mes mains s' enroulent autour de son cou. Il met fin au baiser en me regardant, confus puis dit:

- mais...

- mais les réponses sont simples, le coupé-je avant de fourrer ma langue à nouveau dans sa bouche.

C'est à ce moment-là que j'ai compris que cette fameuse phrase venait de mon ami et que j' étais la réponse à ma propre question.

***
Je viens de découvrir le concours le Saint-Valentin 2020 de RomanceFR et je tente ma chance avec cette histoire écrite sur un coup de tête juste après la découverte 😄

Bonne lecture 😊 et surtout n'oublie pas de me laisser ton avis en commentaire...

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