Chapitre-9 :
Présent- 7 avril 2018
Le soleil ne s'était même pas levé quand elle fit de nouveau le tour de l'hôpital. Elle s'était enfin familiarisée avec ces murs blancs et ses couloirs interminables. Meika s'arrêta brusquement dans une chambre. La décoration se démarquait des autres : de nombreux animaux étaient peints. L'explosion de couleurs contrastait avec la pâleur extrême d'un petit garçon. À côté de lui, elle reconnut le nœud papillon rose et se rappela d'avoir vu ce quarantenaire chez la psychologue. Il s'était rasé à blanc, pour accompagner son enfant. Ce dernier avait les joues creusées et la forme des os visible sur ses bras dénudés. Ses forces lui manquaient. La génitrice restait en retrait, la mine déconfite.
Le père éclata en sanglots en lui prenant sa main. La raison de sa venue chez cette spécialiste fut claire à présent. Toutes ces émotions formaient une boule à la gorge de Meika, elle eut l'impression d'envahir leur intimité. L'infirmier nommé Baptiste arriva avec un plateau à roulettes et lança des coups d'œil dans le couloir. Elle le reconnaissait maintenant, avec sa barbe brune et ses pupilles vertes.
— Hugo, tu es prêt ? demanda-t-il d'un ton prévenant. On en a déjà parlé, mais tu peux tout arrêter.
Il hocha faiblement la tête.
— Je vais t'expliquer à nouveau comment ça va se passer. Ton cœur va battre de moins en moins fort, expliqua-t-il en pointant l'organe du doigt. Tu n'auras pas mal, je te le promets. Tu auras la sensation de voler.
Les yeux du jeunot s'écarquillèrent.
— J'ai toujours rêvé de voler.
Ses boyaux ne resteront pas en place.
— Alors tu réaliseras ton rêve. Tu ne sentiras rien, c'est juste une petite aiguille.
Son visage était souriant, mais la fantôme voyait qu'il était inquiet et triste. Il le prit dans ses bras et
planta discrètement quelque chose dans son cou. Il déposa sa tête sur le coussin. Baptiste se leva et glissa l'objet dans la poche. Arrivé à la hauteur des géniteurs, il chuchota :
— Vous avez trente minutes. Merci de m'avoir fait confiance.
Il sortit sans plus de cérémonie. Meika ne tenait plus et étouffait dans cette pièce remplie de tension. Elle avait toujours eu du mal avec toutes ces émotions négatives.
Le personnel soignant s'agitait autour d'elle, elle avait pris l'habitude d'être traversée et ignorée par tous ces humains. Depuis ce matin, elle était tiraillée entre la sensation que l'élastique qui la retenait vers son corps était plus souple et l'impression qu'elle était encore plus prisonnière de cet état.
Rory arriva comme si de rien n'était, ses journées étaient ponctuées par ses apparitions. Après tout, ce n'était qu'avec lui qu'elle discutait.
— Où vas-tu à chaque fois ? questionna-t-elle en lui emboîtant le pas.
— Je vais dans mes maisons, comme tous les esprits.
Cela expliquait pourquoi le pourcentage de fantômes était aussi faible ici.
— Moi, je n'arrive pas à partir d'ici. C'est sûrement parce que je suis encore vivante, présuma-t-elle en passant à travers quelqu'un.
Cela faisait seulement deux jours qu'elle était là. Tout était flou dans sa tête et elle n'avait pas toutes les clés en main pour comprendre les codes de ce monde.
Rory fronça les sourcils et elle suivit son regard. Un étrange phénomène se produisit, une personne âgée semblait être engloutie par une âme. Un halo d'énergie entourait les deux amants. La veuve ne bougeait pas, elle restait assise sur sa chaise, ne sachant pas que son défunt mari se trouvait à côté d'elle.
Meika avait l'intuition que ce n'était pas normal. Elle s'approcha instinctivement, en espérant que sa simple présence le ferait fuir. Il s'arrêta un instant et en un clignement de yeux, il avait disparu. Elle se tourna vers Rory, persuadée qu'il comprenait ce qui venait de se produire.
— Son mari oublie et c'est comme s'il mangeait sa joie pour garder des souvenirs.
Sa réponse la sidéra, il n'était pas sérieux... Le monde des esprits n'étaient pas aussi sain qu'elle l'avait pensé. Les conséquences étaient désastreuses.
— C'est vraiment pas souvent que ça arrive, la rassura-t-il. Ça marche jamais, ils ont que des mauvais souvenirs.
Il en savait plus que ce qu'il aimerait lui faire croire. Ils étaient revenus au service où elle était hospitalisée. Alors qu'habituellement, elle se sentait plus libre auprès de son corps, elle ressentait l'effet inverse. « On dirait qu'il me repousse. Je ne peux pas m'en approcher. », songea-t-elle avec amertume. Son véritable cœur se mit à battre plus vite. Ses parents n'étaient pas avec elles, ils n'avaient pas conscience que leur fille venait de s'enfoncer un peu plus dans le coma. Au fond d'elle, elle sentait ce changement.
Ses chances de revenir à elle étaient encore plus faibles. Le personnel s'activa, c'était la première fois que leur patiente réagissait ainsi et il ne savait pas si c'était une bonne nouvelle ou non. Sa respiration se voulait régulière, mais l'effervescence dans la pièce la maintenait dans une angoisse grandissante.
Elle ne supportait plus la proximité de sa chair. Elle devait partir sinon elle suffoquerait. Elle chercha Rory du regard, mais il ne cessait de faire des allers-retours entre les murs. Il paraissait inatteignable. Elle essaya de se remémorer ses conseils en matière de téléportation. Elle l'avait vu faire et il lui avait expliqué.
— Tu verras, c'est super drôle ! C'est comme dans un rêve, avait-il dit en tapant dans ses mains.
Ce dernier mot l'avait percutée directement. Elle maîtrisait ses rêves lucides depuis sa petite enfance. Son souffle devait se stabiliser à tout prix. La dernière fois, elle avait eu la mauvaise surprise de croiser cette chose, qui la suivait depuis sa tendre enfance quand elle avait tenté de se téléporter. Pourquoi devait-elle l'affronter ? Pourquoi alors qu'elle n'était pas endormie ? Elle secoua la tête et discerna les éclairages artificielles.
Elle se frotta les yeux, ils étaient trop secs. Elle repartit dans le noir, mais cette fois, l'enfant malade était devant elle, il lui souriait avant d'être fauché par le bus. Le choc résonna dans sa tête avec force.
« Ce n'est pas réel » répéta-t-elle pour se rassurer.
Un courant d'air souffla dans sa nuque, elle se retourna. L'ombre s'en allait vers une lumière. Elle était éblouissante et rassurante alors pourquoi ce monstre allait-il là-bas ? Une plume noire s'emmêla dans ses cheveux. Une autre tomba à ses pieds, cette pluie un peu spéciale se poursuivit et forma un chemin vers cette lueur.
C'était un songe, ça ne pouvait être autre chose. Ses doigts se dupliquèrent. La peur qui la saisissait se dissipa, c'était elle qui avait les rennes de cet univers. Rien ne pourrait lui faire du mal. Elle suivit les traces que le corbeau lui avait laissées et fut éblouie avant de voir apparaître des bougies. Elle regarda à nouveau ses paumes et avant qu'elles ne deviennent complètement nettes, elle sentit un poids qui lui agrippait les épaules. Pour la première fois, elle réussit à se propulser hors de l'établissement hospitalière et atterrit dans un village éloigné de tout. L'élastique qui la maintenait vers sa chair s'était totalement rompu.
Elle recula d'un bon, la vierge Marie se tenait à deux centimètres de sa figure. Elle se retourna, intriguée. La nef n'accueillait qu'un seul fidèle. Il priait, elle s'approcha de lui discrètement, même si personne ne pourrait l'entendre.
— J'ai lu dans les pensées du médecin, tu es dans un coma plus profond.
Meika sursauta, Rory l'avait suivie. Comment était-ce possible ? Elle vit son visage se décomposer quand il aperçut la silhouette du croyant. Avec cet air aussi effaré, il avait pris plusieurs années.
— Pars, tout de suite, ordonna-t-il en prenant instinctivement sa main.
Sa panique se propagea vers l'interlocutrice. La maison de Dieu se transforma en chambre d'hôpital.
Une église n'est jamais un bon endroit pour les âmes tourmentées.
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Beaucoup d'informations, en espérant ne pas vous avoir pas perdus. Alors je laisse quelques questions pour se remémorer un peu les événements.
Le nœud papillon rose est revenue. Qu'est-ce que l'enfant avait ?
On connaît un nouveau nom : Baptiste Leroy ? Qui était-ce ?
Les fantômes lisent dans les pensées, pourquoi cela ne marche pas sur Meika ?
Qui est cette ombre ? Est-elle réelle ?
Pourquoi Rory est-il paniqué ?
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