Chapitre-41 :


Présent- 31 juillet 2018

Meika craqua ses doigts et se prépara à débuter les recherches sur son ordinateur. Sa grand-mère lui avait donné le village où George avait passé son enfance. Solange ne se souvenait plus de l'adresse exact et il ne lui restait qu'à écumer le paysage avec la magie des photographies satellites. L'image de la maison se profilait sur le bout de papier à sa droite. Elle avait malgré tout cherché dans les sites sur un éventuel Tonton Jojo ou alors si un membre de la famille Pikerman avait fait parlé de lui. Elle en doutait puisque d'après Solange, tous les potentiels cousins ou petits cousins devaient se trouver en Angleterre.

Les montagnes défilaient sur l'écran comme les aiguilles sur l'horloge. L'après-midi était entamé à moitié et elle avait la sensation qu'une semaine s'était écoulée depuis ce matin. Elle essayait de ne pas y penser. Ces recherches lui permettaient d'oublier les récents événements, la nuit servait pour ressasser tout cela. Tout de suite, elle avait un objectif bien précis en tête.

Ses parents ne comprenaient pas d'où venait ce regain d'énergie. Leur fille avait choisi de ne pas révéler la vérité, elle ne désirait pas leur ajouter cette charge. Ce soir, tout sera réglé et elle pourra passer le reste de ses vacances à se reconstruire et à réparer tous les dommages que Wendie a causés. Elle ne garantissait pas un retour total à la normal mais au moins, s'il n'y avait aucun fantôme à s'occuper, elle dormirait plus tranquillement.

Son attention baissait au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient. Un détail l'interpella. La vieille station service s'accompagnait d'une vieille bâtisse. Elle était entourée d'arbres et passait inaperçue. Elle zooma un maximum et déchiffra l'écriteau : Tont o o. Elle relit sa petite feuille de notes, son aînée avait bien précisé que des grands chênes encadraient la maison. Tout concordait, elle réprima un cri de joie et se précipita sur son téléphone pour annoncer à Baptiste qu'ils allaient jouer les apprentis chasseurs de fantômes. Quand il sonna à la porte, elle lui sauta dans les bras et lui fit part de ses trouvailles. Ses géniteurs n'eurent pas leur mot à dire.

Ils n'avaient pas eu le temps de parler seul à seul et même si Meika ne voulait en aucun cas discuter d'un certain rouquin, Baptiste lui ne comptait pas laisser tomber.

— Allons voir ton vieux papy, lança-t-il en appuyant sur l'accélérateur.

Dans la cabine, le cœur de Meika tambourinaient avec force.

— Nath' te dit bonne chance et il espère que tu le trouveras, reprit-il en jaugeant les réactions de la passagère du coin de l'œil. Je sais que là tu as juste envie d'en finir avec tout ça mais tu viens tout juste de retrouver ta liberté. Ce n'est pas rien ce qui t'es arrivée.

— Merci, clama-t-elle en entamant son discours sans se préoccuper du sujet initial, merci pour tout ce que tu as fait pour moi. Les sorties avec le violon, les nouvelles que tu as prises et surtout pour m'avoir sauvé la vie deux fois. Tu as fait des erreurs oui mais comme tout le monde.

Elle renifla et s'efforça de sourire malgré les larmes qui montaient.

— Je vis des choses de dingue, je ne sais pas comment je peux être encore là mais ce qui est le plus important maintenant, c'est que je trouve ce Joël au mille prénoms et que je lui balance tout ce que j'ai sur le cœur. Pour Nathanaël, je ne m'inquiète pas. Rory est parti, il va enfin pouvoir faire son deuil et il va se réconcilier avec son papa. Parfois, alors qu'il dansera, il aura envie de pleurer, il pensera au mal qu'il a fait par peur de perdre son protégé. De toute manière, je ne veux plus le voir, peut-être que je lui pardonnerai mais là c'est trop tôt.

Le silence s'imposait à présent, coupé par les indications du GPS. Une longue route coupait les champs et ils trouvèrent facilement le lieu. Tout tombait en ruine, les murs défraîchis et lézardés tenaient à peine debout. Le conducteur l'incita à être prudente.

— Je t'attends ici, céda-t-il, j'espère que tu vas le trouver.

Il avait conscience que c'était une réunion familiale où il n'avait pas sa place. Elle inspira profondément et ouvrit la portière. La végétation souffrait de la sécheresse et elle n'eut aucun mal à s'y faufiler. Abandonnée depuis un certain temps, personne n'avait dû y remettre les pieds. La porte d'entrée avait été rongée par l'humidité. Elle perdit l'équilibre quand elle voulut l'ouvrir avec un coup de pied. Elle tourna simplement la poignée et la poussa avec son épaule. Un croassement la stoppa dans son élan et un corbeau surgit par derrière.

Il se posa sur le sol et la fixa. Elle s'approcha de lui et tendit sa main. Son coup de bec la surprit. Elle fit un bond en arrière et il s'envola à nouveau. La jeune femme le suivit sans se soucier des ronces qui lui écorchaient les jambes. Elle espérait ne pas croiser de serpent, qui ferait une sieste dans l'herbe sèche.

La volaille sauvage traversa une fenêtre brisée. Quelques plumes noires sur le sol indiquaient que ce n'était pas la seule fois qu'il rentrait par là. Hésitant plusieurs secondes, elle se décida à agrandir la brèche. Un bâton entre les mains, elle frappa dessus de toutes ses forces. Baptiste lui demanda ce qu'elle fabriquait mais elle lui assurait que tout allait bien. Les bouts de verres se projetèrent à l'intérieur du logis et elle put tourner le loquet. Elle dût s'y reprendre plusieurs fois mais elle parvint à se faufiler à travers l'encadrement.

Elle déglutit face à l'étage effondré en plein milieu du salon.

— George ?

Son prénom résonna dans la pièce. Était-ce bien lui, cette masse qui venait à sa rencontre ? Ses mains tremblaient alors que la température frôlait les trente sept degrés. Ses yeux noirs se posèrent sur sa petite fille. Ses traits étaient aussi flous que ceux de Wendie. Sa voix lui permettait d'être sûre que c'était bien lui.

— Je voulais tellement te voir mais maintenant, je me rends compte que j'ai pratiquement toutes les réponses.

Rien d'extraordinaire ne se produisait, George était juste là.

— Mon grand-père a mis autrefois des protections tout autour et je me suis retrouvé coincé à l'intérieur. A ma mort, j'ai pu rester seulement quelques heures auprès de vous. Je suis relié à ce lieu, alors quand je suis arrivé, il m'était impossible de repartir.

— Tu étais aussi enfermé dehors chez mamie, tu avais mis une protection pour éviter que les esprits ne rentrent dans la maison, compléta-t-elle en fixant l'oiseau noir, qui semblait dormir.

— Le corbeau m'a permis de garder un œil sur le monde extérieur et surtout sur toi.

La cadette ne savait pas quoi faire de son corps alors elle demeura figée. Un maigre sourire était perceptible sur le visage indescriptible de son interlocuteur.

— J'ai cru pendant des mois que tu étais un lâche, surtout quand j'ai cru que tu avais sacrifié un enfant. Mais tu as aidé Isaïah à retrouver sa fille, tu as toi-même accepté de déléguer ta vie pour sauver celle de Rory.

— J'en suis un, je n'ai fait que deux pauvres bonnes actions dans ma vie. Le reste n'a été que destruction et malheur. Mon âme n'a été que vengeance pendant des décennies, ne te méprends pas en pensant que je suis un héros.

Pour la première fois, il avait haussé le ton.

— J'ai abandonné ma famille au profit d'une quête qui n'avait aucun sens. J'ai souhaité lutter contre la mort comme si c'était mon ennemie. Le sentiment d'injustice vient du fait que nous n'acceptons pas la réalité telle qu'elle est.

Son regard essaya en vain de capter celui de sa petite-fille.

— Ma folie est née de cette soif d'une justice malsaine, qui prend racine dans mes propres peurs, celles de ne pas accepter de mourir. J'ai vu une grande partie de ma vie les traces d'anciens vivants. J'ai désiré du plus profond de mon cœur donner une seconde chance à ceux qui en avaient soi-disant le mérite.

— Tu ne l'as fait qu'une seule fois...

— J'ai compris directement que c'était absurde quand mon vieil ami Henry est mort par ma faute mais regarde, je me suis caché de vous pendant un demi-siècle, effrayé à l'idée de faire souffrir encore quelqu'un d'autre. J'ai renouvelé l'expérience quand Isaïah m'a supplié de l'aider.

Meika avait un étrange sentiment au creux de sa poitrine.

— Regarde-moi s'il te plaît.

Elle se mordilla la lèvre et répéta la phrase, dite six mois plus tôt :

— Les yeux expriment ce que le cœur veut dire, contrairement à la parole qui ne répète que ce que l'autre veut entendre.

— Utilise tes yeux pour parler et rien d'autre, compléta-t-il. As-tu compris ce que je voulais dire ?

Elle croisa son regard et vit à quel point il était lumineux. C'était loin des pupilles bleus ternies par le temps, qu'elle voyait à chaque repas de famille. Il n'avait jamais paru aussi vivant.

Cette phrase, elle l'avait en mémoire mais elle prenait sens qu'aujourd'hui. Elle pouvait déceler les mensonges des Clerc juste en observant leur visage, leur regard fuyant et la culpabilité qui se creusait au coin des lèvres à chaque sourire. Meika désirait entendre des paroles réconfortantes et le pompier lui en donnait. Elle n'arrivait pas à se retenir de pleurer. On pouvait manipuler quelqu'un par les mots mais les micro-expressions trahissaient chaque être humain.

— On fait quoi maintenant ?

Depuis des années, ils n'avaient jamais été proches. Elle savait au fond d'elle que c'était leur dernière discussion.

— Je regrette de ne pas pouvoir t'apprendre à apprivoiser ce don. J'espère seulement que tu ne vas pas t'y perdre. Le monde est vaste Meika, il n'y a rien de plus beau que de voir la richesse qui le compose. Mais n'oublie pas de vivre, d'accord ?

En étant un esprit, toutes les possibilités s'ouvraient à elle. Malgré tout, son grand-père était la preuve qu'il fallait utiliser ses facultés avec prudence. Une sagesse encore plus grande que celle d'Isaïah émanait de lui. Il était en paix avec lui même et il n'avait plus à se préoccuper d'elle. Il était temps pour lui de partir.

— On ne le dit pas souvent mais sache que je t'aime depuis le jour où tu es née.

— Tonton Jojo, souffla-t-elle en fixant ses pieds. Mon ami imaginaire, c'est étrange car c'est un peu le cas ici.

Son rire fit écho dans la salle, il était chaud et rassurant.

— Je reviendrais te voir dans tes rêves, promit-il en souriant encore.

Les poings de la jeune femme se seraient sous le stress. Son âme disparaissait et elle sentait la pièce se refroidir.

— Merci, souffla-t-elle.

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Meika a enfin rencontré George, on sait maintenaient ce qu'il lui a dit et surtout pourquoi il n'a pas pu venir l'aider.

Je vous attends à l'épilogue !

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