Chapitre-37 :
Présent- 28 juillet 2018
Avait-elle froid ? Ses jambes étaient recroquevillées contre son ventre et sa tête reposait sur ses genoux. La lueur au creux de sa poitrine semblait s'être atténuée au cours de ces quatre derniers jours. Wendie avait appris la faille et Meika ne parvenait plus à reprendre le contrôle de son corps, même pendant les précieuses premières secondes du réveil. Au contraire, elle n'avait pas vu la lumière du soleil depuis d'innombrables heures. La colère de sa colocataire s'était déchaînée à la sortie du rendez-vous avec la psychologue. Si bien qu'après la remontrance, elle avait eu le droit à une quarantaine.
Le noir était devenu habituel mais la peur qui lui lacérait les entrailles n'avait pas faibli, bien au contraire. Elle dormait beaucoup, pour éviter de penser. Son crâne bourdonnait à force de retourner les problèmes dans tous les sens. Elle avait des phases où la combativité était de mise mais la plupart du temps, le désespoir se creusait dans sa cage thoracique. L'équilibre dont parlait sans cesse Isaïah n'avait jamais été atteint et les conséquences sur son morale confirmaient son hypothèse : Rory était devenu suicidaire à cause de Wendie.
Une lumière vive l'éblouit et elle mit plusieurs secondes avant de prendre conscience d'où elle était. Une vague de chaleur l'accapara, lui procurant une étrange ivresse. Des émotions plus positives chassèrent le voile noir qui s'était épaissi depuis son isolement forcé. Sa mère se tenait à côté d'elle, adossée au bar avec son café.
L'adolescente n'aurait jamais imaginé que voir serait la plus belle chose au monde. Tous les sens physiques étaient en alerte, le moindre geste la comblait tellement, qu'elle en pleurerait.
— Je sais que tu détestes qu'on prenne des décisions sans te consulter mais avec ton père, nous avons décidé d'inviter Maria. Je sais que vous étiez séparées mais....
La colère de sa voisine se manifesta par une longue décharge électrique le long de son dos.
— Tu as fait quoi ?
Ce n'était pas la réplique de la propriétaire car cette dernière était obnubilée par le fait de revoir son ancienne petite amie. La génitrice la rassura et lui expliqua qu'elles étaient censées se revoir vite mais qu'elle n'avait plus de nouvelles. L'odeur de la nourriture l'enivrait.
— Puis, Gabriel et Mathilde veulent te voir, reprit-elle en se tournant un peu plus vers son enfant. Cela te dirait un après midi avec eux ? C'est plus sympa que l'hôpital ou ta chambre.
Meika était dans un état second et son enthousiasme sembla apaiser la hargne de Wendie car elle ne rechigna pas.
***
L'entrée fut assaillie par deux énergumènes qui se jetèrent dans les bras de leur baby-sitter. Depuis sa reprise de conscience, tout était intense.
— Tu nous as manqué, s'exclama Mathilde en resserrant son étreinte.
Elle leur sourit de toutes ses dents. Wendie resta en retrait, la laissant profiter de ses retrouvailles.
— Tu as apporté le violon ! s'écria Gabriel en désignant l'étui. Je vais en faire l'année prochaine.
Sa fierté se lisait dans ses pupilles vertes. Son nez tordu si caractéristique ne se remarquait même plus. Elle se remémora les dires de sa sœur, qui avait affirmé qu'ils le verraient comme un musicien et pas comme le garçon au visage déformé. Cette journée lui paraissait si loin à présent, toute l'innocence qu'elle possédait s'était envolée. Désormais, une masse sombre survivait à ses côtés. Le père de famille discuta quelques instants avec elle, il était toujours très expressif et ressemblait à son propre géniteur. Ses enfants avaient beaucoup de chance de l'avoir. Après le départ de tous les adultes, ils se répartirent les tâches. Les escaliers furent attaqués par une horde de coussins et de couvertures.
Son souffle se coupa. Les pinces à linge se fracassèrent sur le carrelage, Rory venait d'apparaître dans le coin du salon. Les émotions des deux femmes se mélangèrent. Il leur sourit et Gabriel s'interposa entre eux, sans comprendre pourquoi elle s'était figée au milieu du passage. Les deux femmes souhaitaient parler au nouveau venu mais la présence du brun leur en empêchait.
— On dirait ma sœur, remarqua-t-il en posant un oreiller dans la cabane.
Le bois grinça et la concernée s'énerva :
— Tu m'as promis de rien dire !
La nourrice se tourna vers elle et l'interrogea du regard.
— Qu'est-ce qu'il aurait dû m'avouer ?
La vue du rouquin la déstabilisait et changer de sujet était la meilleure chose à faire pour l'instant. Elle descendit entièrement les escaliers et s'y réfugia dessous.
— Tu peux lui dire, c'est pas papa et maman.
Sa tête passa entre les couvertures et l'aînée se décida enfin à les rejoindre. Mathilde jouait avec la lampe torche, l'air abattu. Meika s'installa en tailleur et lui attrapa l'objet en douceur, tout en lui intimant de poursuivre.
— Il y a des ombres parfois, murmura-t-elle en attrapant un coussin pour le serrer contre elle.
Le dernier des Clerc était encore ici mais il n'osait pas s'approcher d'eux.
— Moi je les vois pas mais je sais que tu dis pas des bêtises, compléta-t-il d'un ton affirmé.
Il la soutenait avec ferveur, la confiance qu'il portait en elle était infaillible. L'enfant des Faullier ne distinguait plus ce sentiment de sécurité. Tout son monde avait volé en éclats. Sur qui pouvait-elle compter ?
— T'as vu, elle me croit pas, chuchota-t-elle en jetant un regard noir à son voisin.
Ses doigts passèrent dans ses cheveux et elle la rassura tant bien que mal.
— Depuis quand les vois-tu ?
Son inquiétude se lisait dans sa voix trop pressante.
— Depuis que Rory est...
La phrase mourut dans sa gorge et des larmes coulèrent timidement sur les joues de la fillette. Gabriel s'empressa de la prendre dans ses bras. Wendie n'eut pas le réflexe de faire de même et sa coéquipière avait de plus en plus de mal à reprendre les commandes.
— Il est avec vous parfois c'est ça ?
Le hochement de tête confirma l'hypothèse qui était à présent évidente.
— Il aimait bien quand je jouais du violon avec vous. Hein c'est ça qu'il t'a dit la dernière fois qu'elle est venue ?
Elle acquiesça, en se recroquevillant un peu plus.
— Est-il ici ? demanda Meika en jetant un coup d'œil au concerné.
Son corps était pratiquement transparent. L'ambiance devenait étouffante entre ces bouts de tissus.
— Oui, je crois, marmonna-t-elle en désignant l'entrée de la grotte.
Son don n'était pas encore très développé.
— Ça vous dit un petit concert ? proposa l'aînée pour passer à autre chose.
La tension s'évapora en un instant, leur attention s'était accrochée sur un sujet différent. Ils s'installèrent devant le canapé et le fantôme se plaça en tailleur à plusieurs mètres. Mathilde jetait des coups d'œil dans sa direction. Rory demeurait silencieux mais son visage était dénué de bonheur. Dans ses pupilles marron, il se lisait le désespoir. Était-il triste par rapport à Meika ? Il l'avait tout de même trahie.
Elle récupéra son instrument et se mit en position. Son archet dérapa et un son strident résonna dans la pièce. Elle mordilla ses lèvres et se força à respirer profondément. La mélodie de Believer débuta réellement. Les paroles sortaient dans un murmure inaudible.
— Pourquoi tu pleures ?
Le rouquin aurait très bien pu prononcer cette question mais c'était son ami qui l'avait fait. Elle sécha machinalement ses larmes en descendant de la scène improvisée.
— Oh ! C'était la musique de Maria, s'exclama Gabriel avec un grand sourire.
— Tu vas la voir ce soir ? se manifesta Rory.
Elle s'assit sur le canapé, en encadrant son crâne avec ses mains.
— Vous inquiétez pas, ce sont des séquelles du coma.
La salle de bain l'accueillit et l'eau ne suffit pas à lui rafraîchir les idées. Le miroir refléta sans mal la silhouette du cadet. Comment avait-il réussi à rester avec elle en sachant qu'il la condamnait ?Savait-il ce qu'il faisait ? Ses remarques furent en libre accès pour sa colocataire, qui se crispa.
— Pourquoi m'as-tu fait ça ?
Aucun autre mot n'arrivait à sortir et Meika faillit retourner dans sa prison immatérielle. Là, elle désirait des réponses, comprendre comment Rory avait pu la contempler en face. Était-ce prévu depuis le début ? Oui, bien sûr que oui mais combien de fois avait-il hésité ?
— Je voulais l'aider, murmura-t-il en baissant la tête.
La mâchoire de l'aînée se serrait pour l'empêcher de parler.
— Et maintenant ? Qu'est-ce que je fais ?
Un croassement venant de la petite fenêtre ouverte fit sursauter les deux protagonistes. Le regard du rouquin croisa celui de la lycéenne. Ses yeux ne donnaient aucun doute sur ses intentions. Une intense chaleur se répartit dans ses veines. La boule de feu au creux de son ventre n'était nul autre que l'espoir.
Je suis la méchante du roman et j'ai lu tellement d'histoires, que je connais déjà la fin de la mienne...
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Meika a revu Rory ! Et qu'est-ce que la venue du corbeau signifie ? Que va-t-il se passer ?
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