Chapitre-15 :
Présent- 7 mai 2018
Meika retrouva ses esprits et essaya de rattraper le pompier. La voiture était déjà loin. Dix-sept heures sonnait et Nathanaël allait au cours de danse. Il lui en avait parlé sur le trajet de l'allée. L'adolescente avait enfin pu tout lui raconter au sujet de Joël Pikerman. Il trouvait aussi cela fascinant. Elle se dirigea vers son appartement, la journée n'était pas terminée.
La vue de la porte d'entrée lui laissait un goût amer. Sa mère trompait son mari, Meika avait intégré cela. Pour l'instant, elle n'avait aucune emprise mais elle se promit qu'elle en discuterait avec sa génitrice après que tout soit rentré dans l'ordre. Elle se planta devant la photographie du baptême. Elle allait retrouver cet Isaïah Levy. Elle avait une idée de ce qu'elle allait faire mais avant, elle devait vérifier que le rouquin n'allait pas faire de bêtise.
Sa respiration se stabilisa. Rory parvenait à la suivre à la trace, cela ne devait pas être très compliqué de faire de même. Une salle avec des miroirs l'accueillit et elle sut qu'elle avait atterri dans le bon cours. Il était le seul garçon du groupe. Nathanaël s'échauffait tranquillement et l'ignorait complètement. Il se déplaçait avec rage, ses muscles se contractant sous l'effort. La musique apaisa Meika, cela faisait si longtemps qu'elle n'en avait pas écouté. Le violon lui manquait terriblement.
Sa colère devenait du carburant et ses cheveux roux tourbillonnaient à chaque mouvement. Il était ancré dans son corps alors que la chair de l'adolescente était inaccessible. Elle était bloquée mais à la fois tellement libre.
Rassurée, elle porta son attention sur son objectif du jour : voir l'homme de l'église. Cela lui donnait de la motivation, elle espérait comprendre ce monde, pourquoi Rory était ici, où était George et résoudre tous ces mystères.
***
Les maisons paysannes se démarquaient des autres, elles avaient gardé un charme, que Meika ne remarquait qu'aujourd'hui. Elle vit le clocher au loin et rentra dans la maison de Dieu avec un peu d'appréhension. Rien n'avait changé, elle n'y connaissait rien dans l'architecture des églises mais elle semblait banale. Les vitraux représentaient des grandes figures religieuses.
La déception la prit à la gorge, il n'y avait qu'une seule personne présente et c'était une femme. Les derniers rayons du soleil illuminaient la salle.
« Et si Rory avait raison de s'inquiéter ? »
Le corbeau empaillé n'était peut-être pas le seul objet qui pouvait repousser les fantômes. Si elle s'approchait de trop près, pourrait-elle rester coincée ? Elle se dirigea vers la seule croyante, son teint halé lui rappelait celui d'Isaïah. Cette dernière se leva sans un bruit et passa devant elle.
L'adolescente lui emboîta le pas, il n'y avait rien à voir ici. Un croassement fit écho dans les vieilles ruelles. Le corbeau survola les anciennes bâtisses et suivit le trajet de la fidèle. George était avec elle, il lui indiquait le chemin, le même qu'empruntait la veille femme. Elle courut la rejoindre, enthousiaste. Les rues slalomaient entre les bâtiments plus ou moins modernes, les échafaudages faisaient tache dans le décor. Ce village lui rappelait ceux de l'Italie, avec les demeures au flanc de la montagne et ses chemins alambiqués. La dame s'engouffra dans un appartement au rez-de-chaussée. Meika venait de rentrer dans un autre pays, les couleurs vives se détachaient du décor. Des objets atypiques dont elle ne connaissait pas le nom s'amassaient sur chaque meuble.
Meika fit le tour de la petite pièce et était émerveillée par tous ces bibelots. Un énorme chandelier, formé de sept bougies était allumé. Derrière se trouvaient de nombreuses photographies, dont un faire-part de décès, le même que celui de l'album.
— Isaïah, ma chérie, je ne suis plus assez jeune pour me tenir pendant des heures sur le banc de l'église. Puis je préférais prier dans une synagogue, souffla la bonne femme en s'asseyant maladroitement sur une chaise. Je n'attends pas quelqu'un d'aussi introuvable que Dieu.
L'homme sortait de la cuisine, l'odeur de la nourriture qui s'en dégageait fit frémir les papilles gustatives de Meika. Il se posa sur le fauteuil, fixant le ciel à travers la petite fenêtre à la française.
« Ma chérie ? Y avait-il une autre personne dans la pièce ? » Ils étaient seulement tous les trois.
— Maman, j'ai foi en lui, il viendra. Merci, je vais m'y rendre, repose-toi.
Meika fronça les sourcils, ils semblaient avoir le même âge. Se pourrait-il qu'elle soit sa mère ?
Il fallait qu'elle réussisse à communiquer avec lui. Bouger le cadre pour se faire remarquer était impossible. Le vieil homme mit plusieurs minutes à enfiler des chaussures et c'était quand la porte se ferma que Meika sortit de ses pensées.
Elle ne s'attarda pas et partit à sa poursuite. Un tas de questions déferlait. Qui attendait-il ? Pourquoi avait-elle dit qu'il était aussi inaccessible que Dieu ? Ça ne pouvait être un humain, c'était un esprit. Aucun membre de la famille Levy ne l'avait vue, ils ne possédaient pas de don.
Le seul prénom qui lui venait en tête était celui de George. Le corbeau avait disparu des environs. Les deux personnes âgées n'avaient reçu aucun signe de sa part. Ils lui avaient envoyé un faire-part de décès, ils se connaissaient. Pourquoi George l'avait-il mis dans l'album ? Quel est le lien entre toutes ces personnes ?
Le vieil homme se voûtait, il mit sa main derrière son dos et avança péniblement. Elle se mit à sa hauteur et l'observa avec attention. Ses cheveux noirs étaient rasés, de même que sa barbe. Sa tenue était passe partout, on ne devinait pas ses origines.
Ils rentrèrent en silence dans l'église. Meika ralentit et essaya de repérer l'oiseau, en vain. Une lueur étrange l'interpella, elle provenait du plexus solaire du croyant. Elle était douce mais discrète, comme si une lampe torche se trouvait en-dessous de sa chemise bleue à carreaux. Il alluma une bougie, elle aurait pourtant parié qu'il était juif.
C'était le moment idéal pour faire un petit tour de magie. Ses parents l'avaient baptisée mais elle avait mis les pieds à une seule messe. Même si elle se considérait comme athée, les lieux sacrés lui avaient toujours fait de l'effet. Elle sentait aujourd'hui des vibrations qui lui parcouraient le corps. A la maison de Solange, elles avaient été si fortes, que ça lui avait marqué la peau, ici, ce n'était pas désagréable. Ses doigts se portèrent sur la flamme, la chaleur la chatouillait. Elle fit un courant d'air qui eut un impact immédiat sur la réalité : elle tangua sur le côté.
Sa psy serait contente : elle maîtrisait le feu. Ce n'était pas suffisant, les yeux de l'israélien demeuraient clos. Cet endroit n'était pas anodin, c'était sûrement pour cela qu'il attendait son ami ici. Elle souffla sur la bougie, qui s'éteignit à son plus grand étonnement.
— George ? appela-t-il en levant brusquement la tête. Wendie ? Tu as réussi à rentrer. As-tu laissé enfin Rory en paix ?
Meika se figea. Les deux vieillards connaissaient Rory. Était-elle la seule à ne rien savoir de toute l'histoire ? La famille Clerc avait trop de liens avec la sienne pour que ce soit une simple coïncidence. Une table d'ouija serait la bienvenue pour lui décliner son identité. Mais qui était cette Wendie et qu'est-ce qui se passait avec le rouquin ? La frustration grandissait, elle devait arracher des bouts d'informations et personne ne souhaitait lui apporter des explications claires et précises.
Le prêtre lui demanda si tout se passait bien. Le concerné se mit debout et lui assura que oui.
— Dîtes-moi, faîtes-vous la confession ?
Le religieux parut choqué, ce n'était pas dans les règles. Il s'adoucit et accepta, même si la situation n'était pas conventionnelle. Meika accourut vers les autres bougies et dans le dos du prêtre, elle les éteignit une à une. Un sourire niais lui parcourut le visage, c'était la première fois que le monde des esprits lui apportait un moment de tranquillité.
Isaïah saisit son message et il ne se fit pas prier pour rentrer dans le confessionnal. Elle se contenta de se placer à côté de la boite en bois.
— Perdre un enfant, c'est une épreuve qui doit être surmontée. On a su la dévier.
« Notre enfant a le droit d'exister, plus que dans notre cœur. » récita-t-elle.
Elle l'avait lu tellement de fois. Il y avait un double sens mais elle ne le trouvait pas. Peu importe s'il avait découvert que c'était elle, il lui racontait son histoire. Clair était dans aucun vocabulaire de son entourage.
— Et à partir de ce jour, mon corps n'est plus en accord avec mon esprit.
Seule la voix lui parvenait mais elle s'imaginait déjà l'expression de l'interlocuteur.
— J'ai volé la vie, de... mon père.
Elle eut un mouvement de recul, évoquait-il du père au sens religieux ou de son géniteur ? Son pied tapait nerveusement le sol.
— Il aurait pu vivre mais il s'est sacrifié pour moi, un ami lui est venu en aide.
Le membre du clergé ne décrochait pas un mot. Pensait-il que c'était un meurtre ? Meika soupira, elle disjonctait complètement. George avait aidé cette famille et le corbeau l'avait incité à la rencontrer. Toutes les ficelles se mélangeaient et impossible de trouver le bon bout pour commencer. Puis la patience borda la colère en lui chuchotant qu'il fallait prendre son temps, que tout n'arrivait pas en un claquement de doigts. Elle allait se donner les moyens pour trouver la solution après quelques confessions banales.
Les deux hommes se quittèrent. La nuit avait envahi le village, quelques lampadaires projetaient des ombres menaçantes sur les anciens murs de pierre. Isaïah s'arrêta à l'entrée et murmura :
— Alors George disait vrai. J'espère que tu sauras te protéger toute seule. Ton ange gardien ne reviendra peut-être plus jamais. Je préfère rester vague. Quand on est aveugle, on peut facilement se faire manipuler. Quand on est sourd, on peut éviter d'entendre des paroles mensongères. J'imagine qu'il te l'a déjà dit.
Meika observait le ciel, l'écho de ses paroles la ramenait dans ce salon, où crépitait encore le bois dans la cheminée et là où un fauteuil roulant avait perdu son occupant.
Le doute est un bon moyen de laisser quelqu'un dans l'ignorance.
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Bonjour, bonsoir, bonne matinée à vous ! J'ai eu un peu de mal à écrire ce chapitre, j'ai essayé de le rendre un peu plus explicite. Si vous avez des remarques ou des conseils pour l'améliorer, je suis preneuse.
Meika a décidé de laisser tranquille notre cher Nathanaël pour partir à la rencontre de ce mystérieux Isaïah. Beaucoup de détails peuvent interpeller et notre héroïne n'a pas eu le temps de se pencher dessus, tout allait trop vite.
Déjà, on se rend compte que non seulement Isaïah connaît réellement George mais aussi Rory. Le monde est petit j'ai l'impression.
Le corbeau a l'air d'être plus présent, il essaie de guider Meika vers les autres. Est-ce vraiment George ?
Isaïah essayait tant bien que mal d'expliquer son passé sans en dévoiler trop, de peur que de mauvaises oreilles écoutent aux portes.
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