Chapitre 3
Les jours passèrent, mais pas la douleur. J'avais toujours aussi mal. Un jour, un policier vint me voir. C'était ma première visite en dehors des infirmières et docteur.
- Bonjour Camille. Je suis Robert Martin. Je suis officier de police. Je voudrais qu'on discute un peu, toi et moi. Tu veux bien ?
J'acquiesçai.
- Bien. Le docteur m'a dit que tu te souviens de ce qu'il s'est passé, c'est vrai ?
- Oui.
- Tu veux bien me raconter ?
- Non.
- Pourquoi ? Tu as peur ?
- Oui.
- Tu as peur de quoi ?
- Anne va me détester. Et Joseph aussi.
- Pourquoi ? demanda-t-il.
- Parce que papa et maman vont aller en prison ! pleurai-je.
- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'ils ont fait, Camille ?
- Ils m'ont...
- Ils t'ont fait quoi ? N'aie pas peur. Anne ne sera pas fâchée contre toi.
- Promis ?
- Je suis sûr que non, m'assura-t-il.
- Où est-ce qu'ils sont ?
- Dans une famille d'accueil très gentille, qui s'occupe bien d'eux. Alors Camille, raconte-moi ce que tes parents t'ont fait.
- Ils m'ont tapée.
- C'est eux qui t'ont fait tout ça ?
Je hochai la tête.
- Pourquoi ?
- Parce que je suis tombée malade. J'ai vomi à l'école, et papa a dû venir me chercher. Puis, j'ai encore vomi dans mon lit. C'est ma faute.
- On ne choisit pas d'être malade Camille. Ça arrive à tout le monde. Comment ils ont fait ?
Je lui ai raconté la scène de manière assez détaillée, avec mes mots d'enfant. Il prenait des notes sur un petit carnet à spirales avec un stylo à bille. À la fin, il me dit :
- Camille, c'est très grave ce que tes parents ont fait. Ce n'est pas ta faute.
Puis il a ajouté :
- J'ai une dernière question pour toi : ils faisaient souvent ça ? Te frapper ?
- Tous les jours.
- Est-ce qu'ils s'occupaient de toi ? Te donnaient à manger, te faisaient des câlins ?
- Non. C'est Anne qui m'apportait du pain et de l'eau dans ma chambre le soir.
- Et tu mangeais où le midi ?
- À la cantine.
- Très bien. Je te remercie pour ton aide Camille. Tu es une petite fille très courageuse.
Il m'a saluée, et est parti. Je ne me sentais pas aussi forte que ce que disaient les autres. Au contraire, je me sentais faible. Et coupable. Je regrettais déjà d'avoir parlé à ce policier. Je n'aurais pas dû lui dire tout ça, mais qu'aurai-je pu faire d'autre ? Je n'avais que huit ans. Tout cela me dépassait. Je m'inquiétais encore quand le docteur vint m'annoncer que j'avais une autre visite.
- Anne ? demandai-je avec espoir.
- Non, je suis désolé. Mais je suis sûr que cela va quand même te faire plaisir.
C'est alors qu'elle est apparue. Jennifer Jacob. Ma maitresse.
- Bonjour Camille.
J'étais contente de la voir, mais aussi très déçue que ce ne soit pas mes frère et sœur. Jennifer s'assit sur la chaise où était le policier juste avant. Elle s'approcha de mon lit, lentement.
- Comment tu te sens ?
Je ne répondis rien. Je ne voulais plus rien dire.
- Bon... J'ai un cadeau pour toi. Mais puisque tu ne veux pas me voir, je vais m'en aller.
Elle fit mine de se lever, mais je la stoppai avant.
- Ah tu parles finalement ?
- C'est quoi le cadeau ? demandai-je.
- Eh bien, j'ai entendu dire que tu ne pouvais pas te passer de deux petites choses. J'ai pensé que tu aimerais les retrouver.
Elle prit dans son sac une couverture rose qui me semblait tout aussi familière que l'ours en peluche.
- Je les ai lavés plusieurs fois, et maintenant ils sont tout propres. J'ai aussi raccommodé ton doudou parce qu'il était un peu troué au niveau de la gorge. Il est comme neuf maintenant.
- Merci ! dis-je en les serrant contre moi de la main droite.
Elle m'aida à étendre la couverture sur moi. Je me sentais un peu mieux.
- Qui vous l'a dit ?
- Ta sœur. Le jour où je t'ai trouvée dans ta chambre, elle m'a dit que tu y tenais beaucoup. Alors je les ai récupérés.
- Comment vous avez su que j'étais là ?
- Anne a fait tomber un petit papier sur lequel il était écrit : « Camille a besoin d'aide ». J'ai donc appelé un ami à moi qui est policier et, ensemble, nous nous sommes rendus chez toi dans le but d'avoir de tes nouvelles.
- Mais, et la classe ?
- J'ai annulé la classe. Les autres maitres et maitresses ont pris en charge tes camarades pour que je puisse aller te voir. Ils étaient tous très inquiets pour toi. Je savais que ce n'était pas facile pour toi à la maison, mais si j'avais su que c'était à ce point... Je suis désolée Camille.
- Ce n'est rien. Tout est ma faute.
- Bien sûr que non Camille !
- Si ! Tout est toujours ma faute. C'est à cause de moi s'ils étaient malheureux ! pleurai-je encore.
- C'est faux Camille. Tu n'as rien fait de mal.
- Si !
Voyant que cela ne servait à rien de débattre, elle changea de sujet. Elle me raconta ce qu'ils faisaient en classe. Elle me donna un livre qu'ils lisaient, et des fiches d'exercice.
- Puisque tu es coincée ici, je me suis dit qu'une occupation te ferait du bien. Je t'en apporterai tous les jours, si tu veux. Et chaque fois que je viendrai, tu pourras me lire un passage du livre. Qu'en dis-tu ?
- D'accord, marmonnai-je.
Elle posa tout sur la table, avec un crayon à papier et une gomme. Je passai la nuit à faire les exercices, bien que l'infirmière insistât pour que je dorme. J'avais trop de mal à respirer pour dormir aussi me concentrai-je sur la lecture du livre. Il s'intitulait Une Histoire Sombre, Très Sombre. Je le fini au petit matin, ainsi que tous les exercices. Le docteur vint me voir.
- As-tu déjà vu un médecin dans ta vie, Camille ? demanda-t-il.
- Je ne crois pas.
- Donc tu ne sais pas que tu as de l'asthme ? Et que c'est un asthme assez grave ?
- C'est quoi ? questionnai-je.
- C'est ce qui fait que tu as du mal à respirer. Est-ce que tu fais des allergies ?
- Je ne sais pas. Comment on fait pour savoir ça ?
- On passe des tests... Tu n'as pas vu de médecin donc tu ne peux pas le savoir, excuse-moi.
- Est-ce que ça peut se soigner ? m'inquiétai-je.
- Ne t'en fais pas. L'asthme se gère avec de la ventoline. C'est ce que l'on te donne depuis plusieurs jours. Est-ce que cela t'aide ? s'enquit-il.
- Pas vraiment.
- Bon, alors nous allons augmenter la dose, et te donner des traitements de fond en supplément. Ça devrait finir pas se calmer. Nous allons aussi surveiller ton sommeil.
Le jour suivant, il m'apprit que je faisais de l'apnée du sommeil et que je devais être branchée à une machine PPC la nuit. J'ignorais ce que c'était jusqu'à ce qu'on me l'apporte le soir. Cette nuit-là, je dormis mieux. Le bruit de l'appareil ne me dérangeait pas et, comme je ne pouvais pas bouger, il n'entravait pas mes mouvements. Les traitements firent effet, et très rapidement je sentis une différence. Le docteur me fit passer des examens pour les allergies. Les résultats furent clairs : je n'avais aucune intolérance alimentaire. Je ne craignais pas non plus le pollen, ni les acariens, et ni les poils d'animaux. Tout était parfait de ce côté. Quant à mon bras et mon nez, ils étaient en bonne voie de guérison. J'avais tout le membre supérieur gauche, de l'épaule aux doigts, emplâtré. Parfois, j'avais comme des échos de douleur. Une sorte d'onde de souffrance qui passait en quelques minutes. Cela faisait deux semaines que j'étais hospitalisée. Je n'avais aucune nouvelle d'Anne et Joseph. J'étais terrifiée à l'idée de les revoir mais, en même temps, ils me manquaient. J'allais les retrouver bientôt mais tout ne se passerait pas comme l'auraient voulu les adultes qui m'entouraient.
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