Jour 74

Ella m'attendait réellement, son appartement était impeccable, ayant effacé toute trace de passage de son fils. De nouveaux dessins trônaient aux murs, une grenouille posant fièrement sur un gâteau, et un caneton en imperméable et bottes en caoutchouc. Sur le frigo, une voiture avec trois personnes à l'intérieur, œuvre de Christen lors d'une de séance de cours de dessin offerte par Ella.

Il se débrouille presque mieux que moi, le nain.

Nous avons mangé un hachis parmentier, recette du grand-père d'Ella, délicieux, jamais je n'en remangerai d'aussi bon. Parlant de tout et de rien, nous avons laissé les secondes s'écouler, au rythme des mots s'échappant de nos bouches, des rires nous secouant et le la douceur de nos silences.

Je l'ai aidée à débarrasser, et l'ai initiée à mon dessert favori : les marshmalats. Inventé avec Mathéo à notre adolescence, période du mariage à la nourriture, nous avions décidé un beau jour de faire cuire au four des marshmallows et des carrés de chocolats dans un ramequin. Le résultat est digne du paradis. Je vous fais exister une seconde pour vous dire de tester ce fruit des Dieux.

Vous n'existez plus.

Revenons-en à Ella.

Après avoir terminé la dégustation des fameux marshmalats sur son canapé, je lui racontais quelques anecdotes dont Mathéo et moi-même sommes les protagonistes, ayant fait tourner en bourrique tout le village.

« Tu es une mauvaise personne, Luke, riait-elle, pliée en deux.

- Mais tu m'aimes quand même ?

- Je serais folle de dire le contraire. Même si t'aimer est peut-être la vraie folie.

- Tu es folle, Ella. On le sait depuis toujours. »

Plaquant sa main sur mon visage, elle m'a repoussé en arrière en riant, essayant de me tuer – gentiment – à l'aide d'un baiser. Nous ressemblions sans doute à deux adolescents, mais peu importe. Notre relation a toujours été basée sur ce côté immature que nous arborons, faisant passer les vrais problèmes à l'arrière-plan.

Cessant sa tentative de meurtre, elle s'est étendue de tout son long sur le canapé, sa tête sur mon torse, regard rivé au plafond. J'ai caressé ses cheveux tissés dans l'or, et profité de sa chaleur contre moi.

Elle est tout ce que j'ai toujours cherché. Le réconfort, l'amour, la douceur, les rires, le temps suspendu. Son toucher me purifie, ses paroles m'adoucissent, et sa présence me guérit. C'est le pansement, les points de suture, c'est le remède à ma blessure mortelle. C'est le miracle que le destin a laissé sur le bord de mon chemin, l'éclair de la chance qui m'a frappé, et pour qui je mettrais le monde en feu.

Notre relation est courte, neuve, et fragile. Mais pure. Elle me soutient, et je serai toujours là pour elle en retour. J'étais tellement brisé, d'une force dont je n'avais même pas conscience, et je pensais être heureux. Je pensais être heureux, et faire face aux souvenirs m'a prouvé que non. Je ne suis pas heureux. Je ne suis pas entier. Je suis ouvert, et mon bonheur s'écoule dans une hémorragie invisible. Mais elle est là, à présent. Elle est là, et je sais qu'elle ne me lâchera pas. Elle est là, compresse la plaie, et me permet de respirer mieux que je ne l'avais jamais fait.

Alors aujourd'hui, je peux le dire. Je peux le dire, parce que c'est vrai.

Je vais bien.

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