Jour 60

Je vais aller la rejoindre. Je n'ai rien d'autre à faire, de toute façon. Rien, mis à part me morfondre dans ma douleur. Je vais y aller, je l'ai promis. A elle, et à moi-même.

Je dois le faire, aussi bien pour nous deux que pour Maêva. Parce qu'elle l'aurait voulu. Elle aurait voulu que je sois heureux, et si j'en suis incapable, je dois au moins vivre les choses qu'elle ne pourra plus vivre. Et demain ... Demain j'irai la voir. Parce que le risque de me faire reconnaître est moins fort que l'amour que je porte à ma sœur.

Parce qu'une sœur, c'est tout. Je ne l'aurais jamais vu grandir, parce que le monde en a décidé autrement, mais je peux continuer pour nous deux. Je le dois. Parce que je lui ai promis que la vie ne s'arrêtait jamais, quand elle pleurait la nuit. Je lui disais que rien ne pourrait nous arrêter, parce que l'amour est plus fort que tout, et que notre amour était le plus puissant. Parce qu'elle était ma vie, et qu'ainsi, même la mort ne pouvait pas la tuer, puisqu'elle vivrait toujours dans mon âme.

Je lui disais ces choses, et je séchais les larmes au coin de ses yeux bleus, et je la portais contre moi pour finir notre nuit ensemble. Comme nous avions toujours tout fait. Ensemble.

Mais est-ce que j'avais raison ? Est-ce qu'elle vit encore en moi ? Parce qu'elle était un rayon de soleil. Cette personne qui illumine toute une vie par un regard, un sourire. C'est son fantôme que j'ai vu chez Ella alors qu'elle était au téléphone. Cette raison pour laquelle je ressentais le besoin de la connaître, de capturer le moindre instant ou Maêva était là. Et c'est pour ça aussi que j'ai voulu tout arrêter à de nombreuses reprises. Parce qu'Ella n'est pas Maêva. Personne n'est Maêva. Et personne ne le sera jamais.

C'est peut-être ce que j'avais besoin de comprendre pour aller mieux.

Pour aimer sans danger.

Pour vivre.

Et pour la faire vivre.

***

Je déteste Ella. Enfin non, je l'aime. Enfin, non ! Bref, vous avez compris ...

Elle m'a très clairement ~piégé~.

Oui je suis dingue au point de faire des petites vaguelettes sur le côté de mes mots, mais sur le coup j'avais envie, même si c'est ridicule.

Bref.

Le rendez-vous n'était pas chez un éditeur comme je l'aurais pensé. Mais chez Mathéo. Mathéo.

Mon meilleur ami. Lui-même, qui m'avait ramené mon tabouret. Qui a du mentir à mes proches en disant au départ que je dormais chez lui, la fameuse nuit où j'ai pris un train. Lui qui savait tout de mes intentions mais ne m'a pas retenu, même si cela signifiait de ne plus jamais me revoir. Et je me hais. Je me hais de lui avoir infligé ça.

Il est marié à une amie d'enfance, Violette Deschanel, et a deux enfants. Deux filles. Esther et Juliette. Deux petites magnifiques, qui m'ont greffé un sourire sur le visage, et qui m'ont rappelé ma sœur d'une force qui devrait être interdite. Qui m'ont aussi rappelé pourquoi je voulais m'éloigner de mes connaissances, de leurs futurs enfants. Futures filles. Mais qui m'ont ouvert les yeux sur l'importance du temps. J'en ai passé trop loin d'eux. Et ma visite à Maêva ne se terminera pas par un retour accompagné de pensées douloureuses. Peut-être même que je ne rentrerais pas tout de suite.

Si Ella accepte de venir avec moi à Beauteaux. Au cimetière, puis au Verger de Paradis. Chez ma mère.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top