Jour 1

Je l'ai aperçue ce matin, près de ma fenêtre, sur le trottoir d'en face. Elle parlait à son téléphone, collé à sa joue rose, en de grands gestes de mains et de sourires timides. Elle semblait attendre quelque chose, ou quelqu'un. Moi, je n'avais rien à faire, mes tâches ménagères étaient terminées, la tonne de travail qu'il me restait aussi, et je ne comptais rendre visite à personne. Alors je me suis contenté de rester là, à la fixer, à l'observer. A lui voler son intimité. Elle était belle, n'empêche. Avec ses dents blanches, pas parfaites, mais jolies, ses pommettes saupoudrées d'un rose tendre, de gêne ou bien d'autre chose. Elle portait un chemisier rose sans manches et un pantalon droit blanc, accordé à son sac à main, ainsi que des talons d'un rose moins prononcé que son haut, qui laissait apercevoir un soutien-gorge noir si l'on regardait bien. Ses cheveux blonds étaient rassemblés en deux tresses collées partant du haut de sa tête, agrémentées de quelques fleurs blanches reposant sans doute sur des épingles à cheveux. Elle était grandie par ses talons, mais ne devrait pas dépasser le mètre soixante-cinq.

Après une dizaines de minutes où je me suis contenté de l'observer par ma fenêtre, elle a raccroché et s'est adossée à l'arbre derrière elle, abandonnant son sourire et sa bonne humeur, ainsi que sa posture droite, et les paillettes dans son regard. Elle tritura une chaîne dorée autour de son cou, que je n'avais pas encore remarqué, et ferma les yeux. Je me suis senti plus coupable de l'observer alors qu'elle se tenait ainsi, si ... pure, sans tous les artifices qu'elle portait sans doute inconsciemment alors qu'elle tenait sa conversation téléphonique. Elle paraissait tellement vraie, que j'avais l'impression de l'épier alors qu'elle se déshabillait. J'ai donc détourné le regard, et quand je n'ai pu m'empêcher de l'observer à nouveau, deux secondes plus tard, elle avait disparu, et l'impostrice était réapparue.

Elle s'adressait à un homme baraqué, qui venait de descendre du camion de déménagement posté devant l'immeuble de l'autre côté de la rue. Elle recommença à faire de grand geste, pointant le bras dans ma direction – celle de l'immeuble, mais c'était réconfortant de croire et d'imaginer autre chose. Le gars hocha la tête et répondit quelque chose avant de remonter dans son engin et de se garer ailleurs. Pendant ce temps, la femme pure était revenue, et je m'émerveillais de voir à quel point elle pouvait être différente selon si on la regardait ou pas. Elle a tapoté sur son téléphone, répondu à un appel, et avant de l'avoir achevé, elle avait traversé la route pour entrer dans l'immeuble voisin.

J'ai scruté la route toute la journée, elle n'est pas ressortie avant le soir, lorsque les déménageurs ont cessé leurs allers-retours, et qu'elle les a salué avec un sourire fatigué, qui m'a sauté aux yeux sous la lumière des lampadaires. 

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