Le samedi matin était une bénédiction pour Ron. Il pouvait prendre son temps pour petit déjeuner et même Hermione ne le pressait pas. Harry lui parlait de la Coupe de Feu qu'il avait lui-même presque oublié.

« Tu as entendu parler de Rita Skeeter ? »

     Le rouquin ne fut pas étonné que même Harry, n'ayant connu le monde des sorciers qu'au début de sa scolarité (car pour Ron l'école ne commençait qu'à onze ans) ait entendu parler d'elle.

« Pire qu'une peste, tout le monde doit s'en méfier.

-Mais pourquoi c'est elle qui s'occupe de la presse du Tournoi ? »

     Ron s'étrangla avec son jus de citrouille. Il ne s'attendait pas à cette nouvelle et sa réaction le prouvait bien assez. Hermione arriva à ce moment-là et s'installant face à eux, fronça les sourcils en voyant Ron essayer de rester en vie.

« Qu'est-ce qu'il se passe, ici ?

-Je viens d'apprendre que c'est Skeeter qui va s'occuper du Tournoi pour la Gazette, l'informa Ron.

-Skeeter qui ?

-Mais tu n'écoutais pas hier, chez Hagrid ? demanda Harry, qui comprenait qu'il venait de l'apprendre à Ron.

-Hier ? Tu ne devais pas faire tes devoirs avec Allan, hier ? »

     Ron la regarda un peu honteux et prépara sa défense :

« Si, mais on n'a pas fini. »

     Soupirant, elle lui fit un regard entendu avant de lui répondre, d'un ton bienveillant :

« Tu devrais lui demander s'il veut travailler avec toi cet après-midi. »

     Ron jeta un coup d'œil vers la table des Poufsouffle. Il était là, dans son uniforme scolaire, en train de manger son petit déjeuner. Même ainsi il le trouvait beau. Il reporta son attention sur Hermione et hocha la tête. Il n'attendit pas plus longtemps et sortit de table pour se diriger vers les jaunes et noirs. Arrivé à la hauteur d'Allan, ce dernier releva la tête vers lui et lui offrit un sourire. Ron y répondit et s'empressa de lui demander avant qu'un silence gênant ne vienne s'installer :

« Tu es libre cette aprèm pour continuer le devoir ? »

     Allan hocha la tête sans hésiter.

« Rendez-vous à la tour d'astronomie après le déjeuner.

-D'accord. »

     A peine avait-il finit de formuler son accord que la Serdaigle -celle qu'il avait vu dans les bras d'Allan une semaine auparavant- arriva et s'empara d'une assiette. Le rouquin n'attendit pas une seconde de plus et s'en alla, rejoignant sa propre table et essayant de ne pas prêter attention au garçon.

*

     Ron ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'œil à la table des Poufsouffle. A chacune de ses bouchées il regardait Allan, sans savoir s'il espérait un échange visuel ou une ignorance totale. Hermione lui fit discrètement remarquer que son repas allait refroidir et cela le décida à se concentrer sur son assiette. Evidemment, la tentative fut vaine.

« Viktor Krum a définitivement choisi la table des Serpentard. »

     Fred, à moins que ce ne soit George, venait de faire en sorte que la moitié des Gryffondor se tournes vers la table verte argentée. Seule Hermione n'y prêta pas attention, soucieuse de son manuel de potion. Ron s'empressa de terminer son assiette et sortie de la Grande Salle. Il salua Harry qui lui souhaita un bon courage et ne put s'empêcher de jeter un ultime regard vers le Poufsouffle avant de quitter définitivement le lieu.

     La montée des escaliers fut difficile. Ron revoyait sans cesse Allan en train de manger sans faire attention à lui. Il n'avait pas vue la Serdaigle s'approcher de lui lors de ce repas mais il ne parierait pas sur le fait qu'elle l'ait laissé tranquille après. Peut-être même que c'était le Poufsouffle qui était allé à sa table après son départ pour aller la retrouver. Peut-être avait-il oublié leur rendez-vous et qu'il allait se retrouver seul à l'attendre. Ron montait les escaliers en nourrissant ces mauvaises pensées à chaque nouvelle marche. Il fut soulagé d'atteindre enfin la tour, bien que ses jambes lui recommandassent en urgence l'immobilité total.

     Il pénétra dans la tour et le vit alors. Il était là, l'ayant déjà aperçu, l'attendant en lui souriant.

« Comment t'as fait pour... ?

-Je connais pas mal de raccourcis. »

     Ron lui offrit un sourire en s'approchant. Il se laissa tomber sur le sol et déposa son sac à côté de lui, laissant la place à Allan.

« Ça fait haut. T'as toujours des endroits bizarres comme ça où travailler ?

-Je suis sûr qu'on ne nous dérangera pas, comme ça. »

     Ils s'installèrent côte à côte et sortirent leurs parchemins. Ron se sentait bien en sa compagnie.

« D'habitude je fais divination avec une amie de Serdaigle, mais je suis content de changer de partenaire. »

     Ron se tourna vers lui et le regarda longuement. Il ressentait un tel soulagement à cet instant qu'il voulut le remercier et aussi remercier Neville de s'être mis avec Harry.

     Ils travaillèrent une heure entière quand Allan commença à discuter :

« Qu'est-ce que tu penses de Viktor Krum ? »

     Immédiatement Ron se mit à sourire. Allan roula son parchemin et Ron l'imita après y avoir inscrit ses derniers mots.

« Je l'admire.

-Pour son jeu ?

-Pour quoi d'autres ? »

     Ils échangèrent un long regard et Allan, fuyant un instant ses yeux, laissa échapper un sourire. Ron décida de faire cesser le silence avant qu'il ne devienne trop long.

« J'aimerais savoir jouer comme ça, même si le poste d'attrapeur ne m'attire pas.

-Je t'imagine bien en gardien. »

     Ça lui faisait plaisir d'entendre ça.

« Je ne comprends pas pourquoi il a attrapé le Vif d'or si vite. »

     Le Gryffondor hocha vigoureusement la tête.

« Je suis bien content que l'Irlande ait gagné, bien sûr, mais ça me dépasse. »

     Ils entamèrent ainsi une longue discussion, ponctuée de rires, de récits et de plaisanteries. Ron aimait parler avec lui. Ça ne le dérangeait pas d'être assis sur ce sol depuis plusieurs heures, ni de sentir le vent qui s'engouffrait à intervalle régulier dans la tour et qui ébouriffait leurs cheveux. Il aimait le son de sa voix et il ressentait de la joie à le voir sourire. Il aimait particulièrement réussir à le faire rire. Ron avait l'impression que cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien. Il ne faisait pas attention au temps qui passait, il oubliait même où ils se trouvaient. Il écoutait et répondait avec un enthousiasme d'enfant, enchanté par les sujets abordés. Il remarqua qu'Allan passait de temps à autre la main sur une partie de son visage, surtout lorsqu'il réfléchissait. Il avait les yeux marrons, un marron qu'il n'avait jamais rencontré ailleurs.

« Ça m'avait fait peur, j'avais six ans, c'était la première fois que je voyais un téléphone. »

     Ron se tenait le ventre. Depuis plusieurs minutes il n'arrivait pas à arrêter son fou rire. Il tentait de reprendre son souffle lorsqu'il croisa le regard d'Allan. Il le laissa plonger ses yeux dans les siens et, perdant peu à peu son sourire, se sentit approcher de lui. Il ne quitta ses yeux que pour aller à ses lèvres et Ron, prenant conscience de leur corps qui se rapprochaient, ne prêtait attention à rien d'autre qu'à ce garçon. Il le vit ciller et l'imita. Il ne restait que quelques millimètres et il put sentir de nouveau son odeur. A cette sensation il ferma les yeux, savourant l'instant, attendant un contact. Mais soudain le son de la cloche résonna jusqu'à eux et fracassa l'intimité de leur moment.

     Le Gryffondor ouvrit les yeux et vit Allan, se proche de lui, ouvrir doucement ses paupières lui aussi. Il regardait le sol, un étrange silence venait de s'installer. Ron chercha son regard, il se sentait fébrile, légèrement tremblant. Il sentit son cœur se calmer quand il put revoir ses yeux. Ron lui sourit, Allan lui répondit. Il se sentit soulagé.