Chapitre 1 - Faith

Comme le disait un super héros célèbre (Hancock) : Le destin ne fait pas tout, on a toujours le choix. Holly, ma sœur aînée, faisait face à une situation délicate, un choix décisif. Je savais combien cela lui coûtait de refuser la proposition de Justin d'aller vivre avec lui. Et si elle en était arrivée là, c'était de ma faute. J'étais le petit grain de sable dans l'engrenage de son bonheur et sans doute, allaient-ils un jour le regretter. Me le reprocher en silence. Tandis que je regretterais moi aussi de ne pas leur avoir permis de vivre ensemble. Juste parce que j'étais moi.

Elle m'embrassa d'un rapide baiser sur le front avant d'attraper ses clés et de filer au boulot. Elle travaillait à mi-temps dans une boutique de Market Street le jour et dans un night shop le soir. Cela permettait de payer le loyer et les factures. Holly ayant préféré que j'arrête mes séances chez le psy, trop contraignantes pour moi et trop chères. Elle était pratiquement seule à assurer toutes nos charges.

Je demeurais assise au comptoir de notre cuisine, le moral en berne lorsqu'elle referma la porte. Le poids du monde sur mes épaules, le poids de son monde.

Elle et Justin s'étaient rencontrés sur internet il y a près d'un an. Tout comme moi, Holly avait du mal à s'attacher, à faire confiance. Cette distance lui avait sans doute permis de le faire en douceur. Si au départ ce n'étaient que des conversations amicales, débouchant sur quelques vidéoconférences, j'avais compris qu'elle éprouvait des sentiments pour lui. Les mois passants, il vint nous rendre visite plusieurs fois. C'était un homme formidable. Gentil et doux. Aux yeux verts perçants et aux cheveux châtain coupés courts dans la nuque. Grand, mince, un physique atypique au visage anguleux et néanmoins séduisant. Il charmait également par sa culture et son humour. Le genre d'homme qu'on ne rencontre pas tous les jours, moins encore dont on peut se vanter d'être aimée. Et moi, j'allais fiche tout cela en l'air.

On a toujours le choix. Holly avait choisi de refuser. Je ne viendrai pas vivre avec toi en Louisiane et laisser ma petite Faith. Elle ne s'en sortira pas toute seule. C'était ses mots. Elle avait sans doute raison. La moindre chose était pour moi source d'angoisse et je ne pouvais rien faire seule. Travailler ? Combien de fois m'avait-elle affirmé que personne ne voulait de quelqu'un ayant peur de son ombre ? J'étais reléguée à quelques petits boulots à domicile qui payaient mal. Sortir faire les courses ? Jamais seule. Pourquoi ? Nous évitions d'en parler. Comme si d'évoquer ces moments les feraient tout à coup renaître et nous y replonger.

J'allai m'asseoir dans le sofa afin d'y réfléchir, faire le point. Je ne pouvais l'empêcher de vivre sa vie. Si jusqu'ici tout se passait plutôt bien, à l'abri dans ce cocon qu'était devenu notre appartement, il y avait désormais cette proposition qui venait de tout changer. J'avais vu l'espace d'un instant son visage s'éclairer, ses lèvres s'étirer en un sourire de bonheur lorsqu'il lui avait proposé de vivre avec lui. Mais... un regard vers moi et tout avait disparu. Je ne viendrai pas...

Je devais la laisser partir et me débrouiller. En serais-je capable ? J'en doutais. Holly aussi, d'où son refus. Il existait une troisième alternative : que je l'accompagne.

Que je quitte cet environnement familier, les quelques amis que nous avions, mes souvenirs. La Louisiane était un état que je ne connaissais pas, et si loin du New Jersey. Ce devait être un autre monde, une autre culture. Un changement radical. Mais cela valait la peine d'essayer, de m'éloigner définitivement de l'origine de mes cauchemars. Et si Holly souhaitait vraiment y aller, si ma présence ne la dérangerait pas, alors j'irais moi aussi.

J'attendis son retour, somnolant dans un fauteuil. Le bruit de sa clé dans la serrure me fit sursauter et courir vers elle. Sans lui laisser le temps de respirer, je lui annonçai ma décision. Elle me tint par les épaules hocha la tête négativement.

— Je sais que c'est difficile pour toi de prendre une telle décision. J'ai toujours été là pour toi, je comprends que tu ne veux plus me gâcher la vie, mais c'est comme ça. Tu es ma sœur et je prend soin de toi. C'est impossible, tu as besoin de tes repères et si nous quittons Trenton, tu seras bien plus perturbée, nous avons déjà eu tant de mal à les mettre en place. Justin sera malheureux lui aussi, tandis que moi... ce n'est pas grave, c'est toi qui compte.

J'espérais tant que cela lui fasse plaisir, que cela nous ouvre d'autres horizons. Il me semblait parfois étouffer ici. Peut-être... oui, peut-être que cela m'aurait fait du bien à moi aussi.

— J'ai vraiment réfléchi, je me sens prête.

— Vraiment réfléchi ? Voyons... Tu sais ce que cela implique, tout va changer. Tu risques de le regretter.

Elle avait raison, c'était un risque à prendre, mais je ne voulais plus être un boulet à sa cheville, un obstacle, celle qui l'empêchera de vivre une vie normale.

Nous irions donc vivre à Pineville en Louisiane dès que Justin trouverait de quoi nous loger. Il affirmait, vu ses contacts, pouvoir nous trouver un boulot à toutes les deux. Je crois qu'il ne devait pas encore cerner toute l'étendue de mon problème.

Trois semaines plus tard, Justin arriva à bord de son pick-up rouge. Il chargea nos meubles afin de les entreposer dans le garage de notre père pour le cas où nous ferions marche arrière. C'était une façon de me rassurer, de ne pas mettre un point final trop définitif à notre départ. C'était peut-être ma dernière occasion de le revoir, mais je m'y refusai. C'était encore trop difficile. Je demeurai à l'appartement, emballant nos dernières affaires. Au retour, il consulta sa montre.

— Vu l'heure, il vaut mieux ne plus trop traîner, nous mangerons sur la route.

Holly prit sa voiture et nous suivait tandis que je m'installai à côté de lui à l'avant de son véhicule. Justin était assez sociable et contrairement à moi, savait entretenir une conversation, il était également assez curieux.

— Ne me répond pas si cela ne me regarde pas, mais pourquoi n'as-tu pas voulu dire au revoir à ton père ? Ça lui aurait fait plaisir tu sais, il avait l'air abattu de vous voir partir.

Que lui répondre ? Que je lui reprochais encore ces années de terreur ? Si aujourd'hui je ne parvenais plus à faire confiance en personne mis à part Holly, c'était en partie de sa faute. Je détournai le regard, Justin n'insista pas.    

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top