III

Un peu plus tard, ils décidèrent d'un commun accord, voyant que les coups de tonnerre avaient cessé – mais que la pluie tombait encore –, de sortir du champ et de marcher sur le chemin plein de boue.

Il s'engagèrent dans le blé, Leni guidant l'autre (si seulement il avait pu prendre sa main pour lui montrer le chemin), et virent enfin l'horizon se dessiner. Souriant, ils se jetèrent un regard, avant de s'arrêter.

« Tu dois rentrer chez toi ? le questionna le paysan.

– Non, ça va, j'ai le temps. Je croyais être perdu, puisqu'avec ce dédale de chemins, c'est facile de s'égarer ; mais comme t'es là... je sais que je... enfin je...

– Oui ? fit l'autre, un sourcil levé, le cœur prêt à exploser.

– Enfin... j'ai plus peur, quoi. »

Haussant les sourcils, Leni jura voir les joues de son ami s'empourprer. Ce dernier se gratta la nuque et détourna le regard. Quant à lui, le campagnard n'osa rien répondre. Alors il laissa un silence agréable les combler.

Ils continuèrent encore un peu à marcher, en silence. Pas pour longtemps, songa Leni, amusé, lorsqu'il entendit un raclement de gorge.

« Au fait, articula l'étranger avant d'étouffer une quinte de toux, t'as quoi dans ce sac ? »

Il tendit son doigt vers le sac en osier de l'adolescent.

« Des sandwichs, de l'eau, et aussi quelques machins d'appareil photo.

– Oh, OK.

– Pourquoi tu me demandes ça ? s'enquit le détenteur de la nourriture.

– Parce que, euh... enfin, si ça te dérange pas, j'ai un peu faim...

– Oh, pas de problème ! fit Leni dans un éclat de rire. Viens, on va s'arrêter sur le bord du chemin. De toute façon, je suppose que t'es plus à ça près ? demanda-t-il en désignant le chemin trempé dans lequel ils pataugeaint, et les vêtements dégoulinants de son inconnu.

– Nan, en effet. »

Leni faillit proposer quelque chose... Mais c'était assez fou, assez osé, et il ne connaissait pas Millian...

Malgré...

Non.

Ils se stoppèrent et s'agenouillèrent, pour ensuite s'asseoir lourdement au sol. L'eau froide se glissa partout sous leurs jambes, et ils grimacèrent à l'unisson. Mais après tout, il faisait une chaleur étouffante, et c'était plutôt rafraîchissant – enfin, ça restait de l'eau de pluie.

Puis ils se mirent à manger en silence, après partage de leurs rares mets un peu mouillés et ramollis par l'averse.

Leni songeait beaucoup. De temps en temps, il jetait un œil qu'il espérait discret, vers son ami.

Il était si beau...

Les gouttes de pluie qui atterrissaient sur son visage, sur ses cheveux, le sublimaient. Lorsqu'il les chassait à l'aide de ses cils, c'était un spectacle fort appréciable, et si gracieux...

Les gouttelettes étaient projetées plus loin, et s'écrasaient au sol. C'était un instant si éphémère, et pourtant ça semblait se produire au ralenti devant les yeux fascinés de Leni.

Outre son beau visage, Millian avait un corps. Il portait un pantalon en toile, et un sweatshirt gris, malgré la chaleur. Mais de tout façon, ses vêtements étaient trempés.

Ses chaussures, des sneakers recouvertes de boue, ne ressemblaient absolument pas à celles que pouvaient porter Leni. C'est-à-dire, à celles que pouvaient porter des campagnards comme lui.

D'ailleurs, ici, personne ne portait de sweat.

Enfin, peut-être était-ce simplement les goûts de Leni qui le dirigeaient plus vers les pulls en laine, en hiver...

Mais tout de même, d'où venait Millian pour se perdre ainsi dans les champs que les locaux connaissaient par cœur ?

Il n'était sans doute pas d'ici...

« Millian ? »

Le nom rompu le silence. L'interpellé finit de manger son bout de mie de pain, et se tourna vers Leni.

« Oui ?

– Tu viens d'où ? »

L'étranger se mordit subitement la lèvre. Il secoua lentement, très lentement sa tête. Ses cheveux aux boucles bien dessinées se balancèrent de droite à gauche, entraînées par le beau mouvement de leur propriétaire. Enfin, ce dernier sourit et déglutit, avant de réussir à dire :

« J'ai emménagé il y a quelques temps, à vrai dire. J'habitais en plein dans Lyon.

– Pourquoi t'es venu en Bretagne ?

– Euh, il paraît que c'est beau, hésita Millian.

– Ça c'est un argument de vacancier ! » fit Leni en explosant de rire.

L'interrogé serra la mâchoire, mais le campagnard ne le vit pas, occupé à rigoler.

Puis ils finirent de manger en silence, sous les dernières gouttes de pluie qui crépitaient doucement.

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