Prologue
Franz Schligg, disciple du grand virtuose Jakob Shahn, était l'un des plus talentueux violonistes de sa génération. Bien qu'il eût débuté à l'âge où son mentor offrait déjà des récitals, son niveau dépassait toutes les attentes de son pygmalion.
Immanquablement, il suscitait l'admiration, surtout auprès de la gent féminine qu'il captivait d'un claquement de doigts ; une autre technique apprise de son maître. Or, Franz en tirait profit d'une façon bien particulière.
Le violoniste était un homme versatile, complexe. Il s'adonnait à un jeu dont il ressortait toujours vainqueur : faire en sorte qu'une femme minutieusement sélectionnée s'abandonne à lui, s'en amuser et, pour finir, la rejeter. Ce refus, vécu comme une humiliation par la victime du jour, lui apportait un divertissement inouï et délicieux. Simple, enfantin, mais efficace. Un plaisir solitaire, car il ne s'en vantait pas, conscient de sa perversité. De toute manière, qui d'autre que lui aurait pu comprendre ?
Lui-même n'avait pas de réponse à cette question ; et cela ne le torturait pas plus que ça. Il lui suffisait de savoir qu'il en était capable.
Le secret de la séduction résidait dans la gestuelle, le regard, les mots ; toutes ces ruses qu'il avait apprises de ce grand maître dans l'art de la séduction tout autant que du violon, Jakob Shahn.
En substance, il réduisait les femmes à deux catégories : celles dignes de son attention et les autres.
Un deuxième tri s'opérait alors : les proies faciles et les autres. Simple. Binaire. N'étant pas un chasseur dans l'âme, il avait une petite préférence pour la première espèce. Aucune règle n'était figée : le hasard, les circonstances ou son humeur dictaient la sentence.
Pour celles assez chanceuses d'en être épargnées, ce manque d'intérêt signifiait tout simplement qu'il n'avait pas envie de jouer.
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