La leçon
Sur scène, l'orchestre attendait le la du hautbois pour s'accorder. Franz lança un coup d'œil furtif vers sa jolie flûtiste. Teresa rayonnait dans sa robe verte, mettant en valeur la couleur de ses yeux, ses cheveux et ses courbes dévoilées de manière sublime. Avant qu'il donne l'accord, leurs regards se rencontrèrent. Elle lui sourit timidement, puis se concentra sur ses partitions. Fasciné, il ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil en direction des violoncelles, remarquant au passage l'allure fière et satisfaite de Liesl.
Soudain, il fut assailli par un doute. Qu'avait-il dit à Teresa ? Était-ce ce soir qu'ils devaient discuter des duos flûte-violon ? Qu'avait-il promis à Liesl ? Il venait de réaliser que, très probablement, il leur avait fait croire la même chose. S'il ne s'était agi de Teresa, il n'aurait eu aucune hésitation à les confronter, histoire de flatter son ego de mâle.
Les arpèges de la harpe accompagnèrent la Valse des fleurs de Tchaïkovski, faisant voyager le violoniste dès les premières notes. L'état d'excitation provoqué par sa courte discussion avec Teresa et le merveilleux massage de Liesl permirent à son esprit de s'évader le temps d'une mélodie.
Cette musique le renvoya à des souvenirs liés au Mariinsky à Saint-Pétersbourg, où il s'était produit peu avant sa dernière tournée. Teresa lui rappelait la beauté et la grâce des ballerines qu'il y avait connues. Notamment Irina, sa seule véritable amie.
Une belle rouquine, comme Teresa.
Le concert terminé, Franz s'éclipsa afin de fuir toute rencontre. Il ne se sentait pas capable de gérer les interactions sociales ce soir.
Liesl s'en aperçut et lui emboîta le pas, confiant son instrument à Lili. Les deux violoncellistes se connaissaient depuis leur enfance, ayant vécu toutes les deux dans le même quartier à Sankt Pölten. Liesl représentait la grande sœur que Lili n'avait jamais eue. C'était elle qui l'avait encouragée à revenir au Conservatoire, lui faisant miroiter une possible vengeance. Elles voulaient donner à ce mufle une leçon qu'il n'oublierait jamais.
Liesl connaissait la légendaire malchance amoureuse de son amie, qui tombait inéluctablement sur les pires spécimens. Sa mésaventure avec le violoniste fut la goutte qui fit déborder un vase rempli à ras bord des outrages passés.
Pour Liesl, la preuve d'amitié était d'autant plus belle qu'accoster le violoniste représentait un grand sacrifice. D'une part, parce qu'elle le trouvait désagréable, d'autre part parce qu'elle éprouvait des sentiments pour Albert, le chef d'orchestre. Son ami avec bénéfices, bien qu'elle ambitionnât davantage de leur relation. Séduire Franz sous le nez de son amant impliquait un immense effort.
Elle le rattrapa dans les coulisses, juste au moment où Teresa s'approchait également, de l'autre côté.
Franz cherchait à éviter la violoncelliste à tout prix et ne remarqua pas l'inexorable arrivée de la flûtiste. Peine perdue, la première le retrouva et lui rappela l'invitation. Elle caressa sa nuque avec un tel magnétisme qu'il ne put la renvoyer.
Malheureusement pour lui, ce fut l'instant même où Teresa les surprit. Croyant les déranger, elle s'arrêta net. Franz la remarqua, décontenancé, troublé. Incapable de réagir tellement sa muse le déstabilisait.
— Désolée, ma chère, il est déjà pris pour la soirée ! claironna Liesl d'un ton triomphant, ses doigts effleurèrent le cou du violoniste, le contrôlant comme une marionnette.
Franz se reprocha de n'avoir rien tenté. Sa crispation à l'encontre de la violoncelliste augmentait et il la détesta aussitôt. Elle devint pour lui une cible à abattre. Il sortirait avec elle et trouverait le moment parfait pour l'humilier.
Ironiquement, il tint sa promesse quelques minutes plus tard, sans le savoir, lorsqu'ils quittèrent ensemble le Conservatoire. Liesl dut feindre l'indifférence lorsqu'elle croisa fortuitement le regard médusé d'Albert.
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