Chapitre 3
Rien n'avait changé, rien ne change et rien ne changera.
C'était ce que Sehun avait toujours pensé depuis ce fameux soir où il perdit, pour la seconde fois, une personne importante à ses yeux. Luhan n'était pas la première connaissance que Sehun avait perdu, quelques années avant leur rencontre, Sehun avait perdu sa famille. Et ce souvenir demeurait encore et toujours dans son esprit, il était un loup blessé par le passé, malmené par les cris d'agonie qui habitaient son sommeil. Luhan avait été un grand soutien, une présence qui lui permettait d'oublier la douleur, d'avancer sans avoir de fantômes accrochés aux épaules.
Pendant quelques mois, Luhan avait été son moyen d'accepter.
C'était un jour ensoleillé et Sehun, qui à l'époque était un petit enfant très souriant doté d'une joie de vivre contagieuse, se baladait dans la forêt. Sa mère lui avait gentiment demandé d'aller chercher des fraises dans les buissons afin qu'elle puisse leur préparer une tarte aux fraises pour le dîner. La tarte aux fraises. C'était le gâteau préféré du jeune garçon, il s'était donc empressé d'attraper son petit panier et avait couru dans les bois pour en ramasser un maximum.
En sortant de chez lui, il avait croisé son grand-frère et son père affairés à découper des bûches de bois pour le feu de cheminée. En voyant les petites étoiles qui brillaient dans le regard de son petit frère adoré, l'aîné s'était empressé de défier Sehun, lui demandant d'essayer de trouver des fraises encore plus grosses que celles qu'il avait déniché la semaine dernière. Le petit noiraud avait éclaté de rire et lui avait répondu d'un sourire malicieux, sous-entendant qu'il acceptait la mission de son grand frère. Son père quant à lui, regardait la scène avec tendresse, fier du lien qui unissait ses deux fils. Puis il demanda à Sehun de faire attention et de ne pas approcher de la frontière, avant de reprendre son activité.
— Promis ! avait gloussé le petit enfant avant de détaler.
Dans les bois, le jeune avait couru comme un petit fou avant de tomber sur son buisson favori, qui à cette saison, était toujours plein de fraises sauvages. Une fois son panier plein, il était rentré plus calmement, prenant le temps d'observer le monde qui l'entourait.
Il regardait avec admiration les arbres qui s'élevaient haut dans les airs, se promettant un jour d'être aussi grand et fort. Il croisa un oiseau qui d'un battement d'aile avait déjà disparu de sa vision, il se promit alors qu'un jour il serait aussi rapide. Il vit au loin un petit scarabée retourné sur le dos qui battait des pattes pour tenter de se redresser et rejoindre ses confrères. Le petit garçon délaissa alors son petit panier pour attraper le petit insecte et le déposer doucement à l'endroit. Sehun se promit alors de toujours protéger sa famille.
Le noiraud était à l'époque un petit enfant très doux et très gentil, il ne voulait pas faire de mal aux animaux de la forêt. C'était un petit enfant protecteur de la nature qui malgré ses instincts de loup, refusait de faire mal à une mouche, il était contre la chasse mais avait vite réalisé que celle-ci était vitale pour sa survie.
C'était un petit louveteau qui se voulait fort comme un chêne et libre comme un moineau.
Il était donc rentré avec le sourire aux lèvres. Or ce sourire se fana bien trop vite. L'enfant venait d'arriver devant chez lui, mais la porte d'entrée encore ouverte l'intrigua immédiatement, le faisant s'arrêter net. Pourquoi était-elle ouverte si son père et son frère n'étaient plus dehors ? Sa mère n'avait jamais tendance à laisser l'entrée ouverte aux inconnus.
Il entra alors d'un pas hésitant, posant son panier sur le seuil de l'entrée.
— Papa ? Maman ? Y a quelqu'un ? demanda-t-il en élevant la voix.
Un lourd silence lui répondit. Il s'avança alors lentement dans sa maison, essayant de se rassurer, mais où étaient donc-t-ils partis ? Sehun jeta un bref coup d'œil dans la cuisine, mais fit rapidement demi-tour, ne trouvant qu'une pièce vide. Il s'avança dans leur petite salle à manger et observa la table entourée de quatre chaises sur laquelle était dressée une nappe blanche. Il posa sa main dessus et fit le tour de celle-ci avant de remarquer quelques éclaboussures sur le tissu. Il fronça un sourcil, intrigué. « Elle n'était pas tachée quand je suis parti... » pensa-t-il. Il se pencha alors en direction des taches de couleur écarlate et se figea, horrifié.
— Du sang !
Avalant sa salive avec difficulté, il regarda avec affolement autour de lui. Sa maison avait pris un nouvel air, quelque chose de sinistre et peu accueillant. Il inspecta la nappe et suivit du regard les traces rouges qui le menaient à son salon. De longues traînées de sang décoraient le sol, il lâcha un hoquet de surprise et d'écœurement en entrant dans la pièce. L'odeur y était tellement nauséabonde, pour son odorat encore peu développé de louveteau, qu'il fut obligé de se boucher le nez.
Il s'arrêta après être entré dans la pièce, les mains sur son nez et les yeux écarquillés. Face à lui, se trouvaient trois corps inertes, tous étalés au sol. Celui de sa mère recouvrait son frère, comme si elle avait voulu le défendre. Elle avait le dos lacéré de griffures et les vêtements imbibés d'une couleur rouge pourpre, très certainement morte après avoir perdu une trop grosse quantité de sang. Son frère, lui, regardait d'un œil vide le plafond de la pièce, une entaille effrayante lui avait pris son deuxième œil et un morceau de verre était soigneusement planté dans son crâne, sa tête baignait dans le sang et les morceaux de verre, sa bouche était encore entrouverte. Rien qu'à cette vue le petit noiraud pouvait entendre les hurlements de terreur et de douleur qui s'étaient échappés de la gorge de son frère. Son père quant-à-lui gisait à genoux au centre de la pièce, la tête balancée en arrière et la gorge ouverte. La plaie était nette et précise, très certainement faite grâce à la hache, car celle que son père utilisait pour couper le bois était à terre, à ses côtés, et trainait dans le sang.
Sa vue se brouilla aussitôt, il fut pris de violents tremblements mais s'approcha tout de même des cadavres. Il pleurait et faisait des haut-de-cœur qui lui brûlaient la gorge. Il n'avait pas encore réalisé ce qu'il s'était passé dans sa maison en son absence, tout n'était qu'une illusion lorsqu'il prendrait la main de son père, il se réveillerait. Oui, ce n'était qu'une blague ! Une mauvaise blague, mais une blague tout de même ! Ils allaient se réveiller !
Il attrapa la main froide de son père et y déposa un baiser. Aucune réponse ne vint, il paniqua.
— Papa ! Papa ! S'il-te-plaît répond moi !
Mais il avait beau serrer sa main, il ne perçut aucune réponse, aucun souffle, aucun mouvement, aucune réaction. Sa vue était brouillée et ses joues étaient couvertes de larmes. Il pleurait fort.
Il se précipita en direction de sa mère et son frère, caressa la chevelure rougeâtre de son grand-frère, passant sa seconde main sur son visage, il effleura ses joues ensanglantées. Les larmes lui brouillaient la vue, le sang s'incrustait dans sa peau et la mort marquait au fer rouge son âme. Il hurla de douleur, se prenant la tête en la secouant de gauche à droite, personne n'entendait ses hurlements d'horreur.
— Faites que ça ne soit qu'un mauvais rêve, un cauchemar, sanglotait le petit, réponds moi... S'il te plaît... Dis moi que tu es vivant...
Mais encore une fois personne ne lui répondit. Les larmes roulaient une à une sur ses joues, leur goût salé emplissait sa gorge, il n'arrivait même plus à respirer correctement. Il s'accroupit alors aux côtés de sa mère qui avait le visage contre le sol, il passa ses doigts sous son menton afin de lui faire tourner la tête, qu'il puisse une dernière fois voir le beau visage de sa maman.
Mais il poussa un cri d'effroi lorsqu'il découvrit son visage vide d'émotions, vide de la chaleur maternelle qu'il émanait auparavant, vide de vie.
Les lèvres tremblantes, il posa sa petite bouche sur le front de sa mère, lui offrant un baiser triste tandis qu'il pleurait. Il se sentait céder. Il était seul à présent, et il n'avait très clairement pas le sentiment de pouvoir réussir à vivre après cette scène. Son cœur se compressait avec douleur dans sa cage thoracique, ses larmes perlaient toujours et tombaient en cascade sur le tapi du salon.
Puis, une idée lui vînt à l'esprit, un sourire se dessina sur son visage, un sourire fou, malade. Il se laissait peu à peu ronger par la tristesse. Il perdait les pédales.
Il attrapa alors un morceau de verre qui traînait au sol et le regarda en souriant. « Parfait ! » s'exclama-t-il intérieurement. Il se mit à sourire de plus belle tout en approchant le morceau tranchant de son cou.
— Je ne peux pas avancer sans vous, je ne peux pas vivre sans vous, il souriait toujours en pleurant, et baissait une dernière fois le regard sur sa famille assassinée.
Il prit une grande inspiration, le morceau froid effleura alors sa peau, lui arrachant de nombreux frissons. Ses mains se mirent à trembler, mais il ne voulait pas reculer. Il appuya avec hésitation et couina légèrement lorsqu'il sentit le côté tranchant s'enfoncer légèrement. Mais sa raison l'arrêta quelques instants. Et s'il faisait une bêtise ? Il réouvrit une dernière fois les yeux, ses actions se faisaient à présent beaucoup plus hésitantes, il n'était plus sûr de lui. Il écarta alors le morceau de verre de sa gorge, n'y ayant fait qu'une simple petite coupure puis il observa une dernière fois sa mère, d'un regard triste et blessé.
Le concret l'effrayait, son cœur s'accrochait malgré tout à la vie. Les mains tremblantes, il lâcha le morceau de verre, réalisant lentement ce que la tristesse l'avait amené à penser. Il voulait que sa maman soit là pour lui faire un câlin, il voulait que sa maman le rassure, que sa maman lui embrasse les joues et le conseille, l'aide. Mais sa maman était partie et sa famille aussi.
Il se mordit la lèvre inférieure avant d'exploser en larmes une nouvelle fois, Sehun était perdu, il ne savait pas quoi faire. Il était tout seul. Mais se suicider était au dessus de ses forces, il n'y arrivait pas
« Soit fort Sehun, et maman sera fière de toi d'accord ? »
Ce fut à cause de cet événement que Sehun changea pour la première fois. Il s'était créé une carapace, une sorte de protection contre les sentiments. Elle était apparue du jour au lendemain et il l'avait traîné à ses côtés durant trois années. Trois années de solitude et pourtant d'apaisement émotionnel. Trois années de deuil et de paix.
Mais tout fut chamboulé lorsqu'il rencontra Luhan. Le petit avait peu à peu brisé cette armure, faisant redécouvrir à Sehun le monde. Il avait appris à sourire, appris à rigoler, appris à s'amuser, appris à aimer. Hélas tout avait fini par s'effondrer, une nouvelle fois. Et depuis sa vie prit un tout nouveau tournant, il avait retrouvé son voile protecteur et ne s'en défaisait plus Sehun se durcissait de jour en jour, laissant peu à peu place à un mur protecteur incassable.
Grâce à lui, Sehun ne souffrirait plus à cause de l'attachement.
Sehun se gratta nerveusement le cuir chevelu. Pourquoi fallait-il qu'il repense aux divers moments de son passé maintenant ? Il chassa l'unique larme qui avait roulé sur sa joue droite, et se concentra sur son reflet. Le jeune homme était dans sa micro-salle de bain à essayer de rendre son apparence quelque peu potable.
Aujourd'hui était un grand jour : « la Sélection ». C'était un rituel annuel de la meute Hwajae pour choisir les nouvelles recrues qui passeront guerriers. Elle concernait les novices qui s'entraînent durement afin d'obtenir leur gradation. Et le noiraud en faisait partie. Pour ce moment de haute importance, tous les novices étaient priés de rejoindre la place centrale du petit village afin d'assister au discours du Chef des Armées et de découvrir les trois promus. Car tous les ans seulement trois recrues étaient choisies.
Il enfila alors sa « tenue officielle de Sélection », il s'agissait tout bonnement d'une tenue que seuls les novices avaient en leur possession, ainsi ils étaient reconnaissables plus facilement malgré leur petit nombre. Il n'y avait pas beaucoup de jeunes qui s'engageaient dans la voie de guerrier, cette année ils étaient seulement une dizaine.
Il mit rapidement sa longue veste bleue, ornée de fleurs de roses pâles sur le col et l'avant des bras. Il passa ses mains dans ses cheveux sombres, essayant d'y mettre un minimum d'ordre, puis sortit pour se diriger vers le lieu de rendez-vous.
A peine fut il sorti de son logis que des murmures s'élevèrent tout autour de lui, il enfonça ses mains dans ses poches et continua sa route. Ignorant les remarques des différents passagers qu'il croisait.
Sehun intimidait tout le monde, Sehun effrayait tout le monde. Les rumeurs croulaient sur ses épaules mais il ne s'effondrait pas. Aujourd'hui encore il irait à la Sélection et passerait les épreuves tant redoutées, et aujourd'hui encore, sous le regard lourd de sa meute, il porterait fièrement son fardeau.
— Il devrait abandonner, il ne sera jamais pris !
— J'ai l'impression de l'y voir depuis une décennie ! Il n'a pas le talent, qu'il arrête !
C'était la cinquième fois qu'il se présentait à la Sélection et ça, aucun loup Hwajae ne l'avait encore fait.
╳╳╳
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui ! J'ai bientôt fini un de mes autres travaux du coup, si tout se passe bien, bientôt on passera à deux publications par semaines !
A Mardi prochain !
Winnie.
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