Partie 1 : Ruisseau

Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé la mer.



Libre.


Indépendante.


Sauvage.


Puissante.


Merveilleuse, précieuse et belle.




Indispensable à la vie, abritant un écosystème fragile qui mérite d'être préservée. Mais ça, je l'apprendrais plus tard ; après tout, je n'ai que quatre ans maintenant, c'est beaucoup trop jeune pour comprendre.




Le son des vagues qui léchaient goulument le sable, l'odeur iodée de la marée, le cri des Goélises au loin, la viscosité des algues, la dentelle d'écume blanche, tout ça a bercé toute mon enfance.



Au revoir, soleil. Tu te couches maintenant, laissant la place à ta sœur la lune.



Les grains de sable semblent scintiller dans la nuit tombante comme autant de diamants. Je reste encore un moment sur la plage ; c'est l'été, les soirs sont chauds et je peux regarder un peu plus de ce superbe spectacle.



J'entends des pas lourds s'enfoncer dans le sol humide derrière moi. Puis deux mains me soulèvent et je me retrouve lovée dans les bras fermes de mon grand-père.

-Je savais que je te trouverais là, me dit-il de sa voix grasse qui m'est familière. Tu arrives toujours à échapper à mes sbires.

-La mer est très jolie, grand-père.

-Oui, acquiesce-t-il. Très jolie.

Sans ajouter un mot, il me caresse les cheveux d'un air bienveillant. Il sent toujours un peu le sel, une odeur aussi piquante que sa barbe.


Un parfum que je connais par cœur.



Il me dit que j'ai sa peau foncée, ses yeux d'onyx, ses cheveux noirs et son caractère entêté.


Je le crois, bien sûr. Je crois toujours mon grand-père.




Ma maman m'a eue très tôt, d'après ce qu'il m'a dit. Elle est morte en couches, ou quelque chose comme ça. Quant à mon papa, je ne l'ai jamais connu. Ce n'est pas grave.


J'ai mon grand-père près de moi et ça me suffit.

-Est-ce qu'un jour, tu vas m'emmener en mer avec toi ? je demande.

-Oui, répond-t-il après un instant. Mais quand tu seras plus grande.

-Demain ?

Il éclate de rire tandis que je le regarde sans comprendre. Qu'est-ce que j'ai dit de drôle ?

-Non, pas demain. Bien plus tard, quand tu auras ton premier Pokémon.

-Un Sharpedo ? Comme toi ?

-Non, je te donnerais un vrai Pokémon à toi, quand j'estimerais que tu seras prête.

-C'est long...

-La vie n'est pas sortie de la mer en un jour, ma petite. Mais ne t'en fais pas, ta patience sera récompensée à sa juste valeur, je te le promets.

Je commence à bâiller. J'ai sommeil, je veux dormir.


Je pose ma tête sur l'épaule de grand-père et ferme les yeux. Je me sens bien dans son étreinte protectrice. Je sais qu'il ne veut pas me lâcher, et c'est réciproque.



Je suis la seule famille qui lui reste.

Il est la seule famille que je connais.



Il se détourne de la plage et nous ramène dans le QG. Il refuse de me confier à ses sbires, il ne leur fait pas confiance pour s'occuper de moi.


Je sombre dans le sommeil au moment où il chuchote comme pour lui-même :

-N'oublie pas : tout ce qui est à la mer retourne toujours à la mer...

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