"Pris en flagrant délit, oui"

POINT DE VUE DU NOUVEAU VOISIN

« Euh... Est-ce que ça va ? Je peux aider ou j'arrive à un moment trop gênant pour vous ? Je pars ? Vous préférez ? Allô ? (silence) Bon, je crois que y'a personne...»

Le bruit m'avait fait peur et j'avais bien l'impression que quelque chose était tombé dans l'appartement. Je ne savais pas s'il y avait quelqu'un ou non à l'intérieur , ni si je devrais essayer de rentrer pour voir si quelque chose était cassé, voire tenter de le réparer. J'attendis quelques instants, et sans que je m'y attende, la poignée de la porte se baissa... Et celle-ci s'ouvrit très lentement. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre! Cet instant dura une éternité. J'eus le temps de m'imaginer un tas d'éventualités sur qui était le détenteur de la main qui avait actionné l'ouverture de cette porte. Un petit vieux à moitié sourd qui cultivait des courgettes sur sa terasse? Un hippi complétement pompette? Une actrice de film X (j'aurais apprécié!)? Un bébé éléphant rose stone?

Je m'étais imaginé des personnes qui sortaient de l'ordinaire, comme l'accueil que me réservait ce très cher voisin... Mais je fus complétement surpris quand je vis une tomate s'afficher dans l'embrasure! Enfin... c'était une jeune femme dont le visage avait tourné au rouge écarlate et qui semblait complètement désemparée. Je fis une seconde de silence en mémoire de sa fierté qui devait en prendre un coup. Quoi que... J'avoue que c'était vraiment mignon de voir une personne de son âge (j'aurais dis 20 ans) rougir de la sorte. Il n'y avait rien de plus naturel et de plus attirant qu'une femme embarrassée!

Elle me rappela celle que j'avais vue en bas de l'immeuble, qui était passée devant moi sans me voir, plongée dans sa course. La femme du bas de l'immeuble... Mais oui... C'était la même! Cela faisait trente secondes que je la dévisageais et je venais seulement de le réaliser! Quel boulet je faisais moi... Vraiment heureux de la revoir, bien qu'elle ignorait complètement qui j'étais, je lui souri jusqu'aux oreilles:

-"Je ne te dérange pas? Parce qu'ai crus un moment que tu m'ignorais phénoménalement! Tu vas bien j'espère? J'ai entendu du bruit, je me suis demandé ce qui se passait... ça va? "

Le regard de la jeune fille était ancré dans le mien, son visage toujours aussi rouge. Elle ne répondait pas. Ne voulant pas la brusquer, je lui souri de nouveau, plus doucement. Elle hocha la tête en osant un sourire timide. J'ajoutai:

-" Je suis le nouveau voisin, j'ai aménagé ce matin. Alors, à qui ai-je l'honneur?

- Sol... annonça-t-elle de manière un peu plus affirmée que son hochement de tête. Et vous?

- Isaac, répondis-je étonné du vouvoiement qu'elle avait utilisé pour me parler. Enchanté!

Et je lui tendis la main, espérant qu'elle me la serre. Elle parut surprise mais fini vite par me la serrer. L'image de sa main dans la mienne me marqua. La sienne était toute petite comparée à la mienne. Un élan d'affection s'empara de moi et l'envie de prendre soin d'elle en même temps.

Sans attendre qu'elle m'invite chez elle, je poussai la porte un peu plus et pénétrai dans sa demeure curieux de découvrir dans quel lieu étrange Sol pouvait habiter. J'atteris immédiatement dans sa chambre à la décoration plus qu'onirique! Au plafond était accroché une vieille byciclette et une quantité incroyable de pièces de puzzle, des dessins et peintures recouvraient partout ces murs et quelques chevalets étaient placés stratégiquement dans la pièce pour attraper la lumière extèrieure. Je parcourai à grand pas son petit studio et m'arrétai, impressioné, en face du mur percé par deux fenêtres qui donnaient sur la rue. Celui-ci était recouvert de croquis d'un même homme dans une multitude de positions différentes, avec des expressions faciales qui passaient du désespoir tragique à l'alegresse exhubérante. Fasciné, je me retournai vers Sol:

- C'est toi qui a fait tout ça?

Je fus surpris de la voir se faire toute petite, toujours plantée à l'entrée de son appartement. Elle triturait nerveusement ses doigts et son regard ne se posais sur moi que superficiellement. Je continuai:

-Tu as un sacré talent bon sang! Tu as pris des cours? Ou peut-être que tu as appris toute seule?

Je m'étais retourné pour regarder la vue par la fenêtre, m'appuyant contre la rambarde. Je sentis la main de Sol se poser contre mon bras nue. Un frisson me parcourue violement et je tournais d'un coup ma tête vers elle, surpris.

- Isaac, est-ce que vous pouvez vous décaler un peu s'il-vous-plaît? Pour que je puisse être à côté de vous?

Je compris que sa main sur mon bras était pour m'insiter à me pousser, pour lui laisser de la place sur la rambarde. Un peu honteux de m'être laissé aller à un tel frisson, je me décalais sans un mot. Un silence agréable s'installa entre nous. Nous regardions les passants dans la rue, les mamies qui conversaient joyeusement en nourrissant les pigeons gourmands, les enfants qui avaient sorti les ballons de foot. J'avais tout de suite voulu amménéger dans cette rue en apprennant qu'elle était piétonne le weekend. La voix de Sol me sortie de ma réflexion:

- Non, je n'ai pas appris toute seule... Enfin... J'aimais beaucoup dessiner et j'ai commencé à prendre des cours dans ma ville d'origine. Ca m'a permis de pouvoir m'amuser encore plus parce que j'avais plus de technique et je pouvais dessiner ce que je voulais. Et puis j'ai déménagé à Paris. J'ai voulu apprendre à m'exprimer davantage dans ce que je faisais, de moins utiliser la technique pour la technique. Et maintenant je suis dans un atelier d'art que j'aime beaucoup. C'est là que je me suis découverte, que j'ai trouvé mon trait...

Je me retint avec difficulté de sourire... Elle m'avait fournie la preuve qu'elle pouvait, malgré sa timidité, faire passer un message avec ses mots. Elle m'avait fait comrendre son talent même si j'avais perçu sa voix vacillante et ses mains nerveuses. Et son bras contre le mien. Je sentais, à travers le mince tissu de sa chemise, sa peau chaude. J'étais assez nerveux à l'intérieur de moi parce que j'ignorais si c'était un geste volontaire de sa part ou bien si elle en était complètement inconsciente et sans arrière pensée? J'éssayai de l'ignorer et demandé ce qui l'avait poussé à venir vivre dans la capitale.

- "Je fais des études de psychologie, et mon école est ici. Pas tout près mais je préferais vivre dans un lieu qui me plaisait mais loin de mes études, plutôt que l'inverse. Et ici je me plaît, la rue est piétonne le weekend!" me lança-t-elle avec un immence sourire en me ragardant d'un sourire pétillant.

- Oui je sais! m'exlamais-je, Je me suis fait la même réflexion en regardant les pigeons

- Nourris par Elizabeth, la concierge! Vous verrez, elle est vraiment géniale! Ne vous étonnez pas d'être reveillé à trois heures du matin... C'est qu'elle aura fait des gâteaux et qu'elle voudra votre verdict sur leur mangeabilité .

- Leur mangeabilité? C'est un mot qui existe? riai-je.

Elle s'empourpra timidement et expliqua que tout les mots avaient étaient inventé, et que les paroles des hommes étaient pour les chiens ce qu'étaient les aboiements des chiens pour les hommes. C'est à dire que les paroles des hommes n'étaient que des sons et que comme la musique, inventer des sons était amusants. J'aimais bien cette manière de voir les choses...

- Et tu en a inventé d'autres comme ça? demandai-je interessé.

- Tu le découvrira peut-être un jour, répondit-elle en baissant les tête pour ne pas croiser mon regard, un petit sourire étirant ses lèvres.

Un jour? Elle semblait clairement sous-entendre qu'elle m'avait accepté, que nous avions franchi un pas. J'aimais bien comment notre relation avait commencé. Pas par milles exclamations de voix et de mots de bienvenues. Tout en douceur.

Je la regardai discrètement. Mais son sourire s'était figé subitement et son regard était posé sur quelque chose en face de nous. Je suivit son regard. Mes yeux se posèrent sur ceux d'un homme debout sur le balcon de l'immeuble d'en face. Son regard semblait dévasté, attaqué par un tourement intérieur malsain et triste. Timidement, je lui fis un signe de main, ne sachant pas comment réagir à un tel regard fixé sur moi... Brutalement il se tourna vers Sol. Je le reconnu alors... C'était l'homme qui tapissait le mur de Sol... Je sentis une main sur ma tête. C'était Sol qui tentait de me faire descendre pour m'assoir au sol, afin que je ne sois plus visible. J'obtempérai. Nous nous retrouvâmes tout deux, dos au mur, assis par terre, le souffle court, comme si nous n'avions pas à être là, ensemble, dans le même appartement.







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