Partie IV - chapitre cinq (1) :

5.

Ce n'est pas dans ma chambre que je me réveille. J'ouvre les yeux, observe le soleil qui perce à travers les volets à moitié baissés. Je suis chez Harry et Amélia, c'est la chambre dans laquelle je suis resté. J'entends du bruit plus bas, au salon peut-être.

Une légère nausée me prend quand j'essaie de me relever. Mon corps est lourd, mes membres sont fatigués, mais je n'ai aucune douleur qui m'empêche de me mettre debout. Un mouvement au bout du lit m'arrête dans mon élan. Je remarque alors une boule noir qui se déforme, puis s'étend. Des yeux jaunes et une petite langue rose.

Je souris, Dante miaule et s'aventure entre mes jambes, au-dessus des couvertures pour venir se blottir contre mon torse et me réclamer des caresses.

– Tu ne changeras donc jamais toi, hein ?

Même s'il veut certainement passer des heures à se faire câliner, je ne peux pas attendre plus longtemps. J'ai besoin de voir Harry, de comprendre ce qui s'est passé avant que je ne perde connaissance, pourquoi j'ai eu ces pouvoirs, pourquoi ils ont disparu si soudainement, pourquoi je ne suis pas mort quand Elias a tenté de me tuer, ce qu'il est devenu.

Je porte des vêtements différents, ce n'est plus tee-shirt mon tee-shirt troué et tâché de sang, mon jean couvert de poussières. Ces habits là sont un peu grands, je crois que j'ai déjà vu Harry poter ce pull, ils doivent lui appartenir. J'ai les joues qui commencent à chauffer, alors je me dépêche de descendre, Dante sur mes talons.

Quand j'arrive au salon, le bruit des conversations est plus fort. Je m'avance, timidement, au bord de la pièce et c'est Amélia qui me voit en premier. Je reconnais Mitsuko, Gemma et Robin, le père d'Harry, mais lui n'est pas là. Ils sont tous installés dans les canapés et fauteuils, autour de la table basse et du feu de cheminée qui crépite.

Amélia se lève, grand sourire et se précipite dans mes bras. Les autres cessent de discuter pour se tourner vers nous. Je serre Amélia contre moi, un sourire apparaît sur mes lèvres. Elle se recule, prend mes mains dans les siennes.

– J'allais venir te voir, comment tu te sens ? On essayé de trouver ta plaie pour la soigner quand on t'a changé, mais... elle a disparu.

– Tout va bien. Elle s'est évaporée quand j'ai.. quand je suis revenu à moi. D'ailleurs, j'ai dormi combien de temps ?

– Nous sommes rentrés hier dans la soirée, tu ne t'es pas réveillé depuis que tu as fait un malaise là-bas. On a tous eu tellement peur pour toi. Est-ce que tu sens des traces du... de ton pouvoir ?

Je secoue la tête, lentement, puis presse ses mains pour assurer à Amélia que je vais bien car elle me regarde avec une expression très inquiète.

– On peut parler de tout ça après ? Je... j'aimerais...

– Il est à l'étage, dans sa chambre.

C'est Gemma qui me répond, un sourire chaleureux sur les lèvres. Je la remercie d'un même sourire, Amélia me fait un petit clin d'oeil et nous nous lâchons les mains. Sans attendre, je remonte les marches, Dante me suit à la trace.

La porte de la chambre d'Harry est entrouverte, je toque deux fois, des coups légers, et la pousse. La pièce est éclairée par les rayons du soleil derrière les rideaux presque totalement tirés. Anne est assise sur le bord du lit, elle tient la main de son fils et s'arrête de parler pour tourner la tête vers moi. Mais tout ce que je remarque, c'est Harry. Il est réveillé, il semble épuisé, mais il est sain et sauf. Je ne me suis jamais senti aussi soulagé de ma vie. Il me regarde aussi, il me sourit.

Je suis gêné d'interrompre ce moment alors je m'apprête à faire demi tour et refermer la porte, mais Anne me sourit et me fait signe d'avancer. Dante entre dans la pièce, saute sur le lit et se roule en boule aux pieds d'Harry. Je m'avance, Anne pose un baiser sur le front de son fils et se lève.

– Je vous laisse, le petit déjeuner est prêt si vous le souhaitez les garçons.

– Merci madame.

– Appelle moi Anne, je t'en prie.

Elle pose une main sur mon épaule et je me souviendrais à jamais du sourire qu'elle m'accorde à ce moment là. Et je sais, au fond de moi, qu'elle me remercie d'avoir sauvé la vie de son fils. La porte se referme derrière elle, et un moment de silence bercé par les ronronnements de Dante s'installe autour de nous. Pendant plusieurs secondes, nous ne faisons que nous regarder, sans rien dire. Parce qu'il y a trop de choses à aborder.

Harry tape lentement sa main sur la place vide à côté de lui sur le matelas, je ne me fais pas prier et contourne le lit pour venir m'installer à sa gauche. Je me couche, me tourne sur le flanc pour le regarder. Il pose aussi ses yeux sur moi, un sourire fatigué se dessine sur ses lèvres. Tout bas, je souffle :

– Salut...

– Salut. Comment tu te sens ?

– Ça va, ça va très bien, et toi ?

– Je me sens mieux. Tu m'as fait une peur bleue Louis.

Je sais qu'il a eu peur, je le lis encore dans son regard. Je l'ai lu aussi quand il s'est réveillé de son coma chez Elias. Maintenant, tout ça est terminé. Nous pouvons respirer. Un léger rire m'échappe et je hausse les épaules.

– Ouais, tu parles d'un anniversaire, je pouffe, je ne ferais pas ça tous les jours. J'espère que ça ne va pas devenir une habitude.

Harry soupire puis secoue lentement la tête. Il a tout de même un sourire amusé sur le coin des lèvres par mon humour de dérision. Je n'ai pas le temps de réagir, sa main agrippe la mienne entre le peu d'espace qui sépare nos corps. Mes genoux touchent presque sa cuisse, mes pieds frôlent les siens au bout du lit. Un silence passe. Il serre mes doigts, je passe mon pouce contre le dos de sa main.

– Pour mon bien Louis, je t'en supplie ne fais plus jamais ça.

Sa voix tremble, je sens qu'il est redevenu tout à fait sérieux. Qu'il ne plaisante plus. Ce qui s'est passé chez Elias n'a pas affecté que moi, tout le monde a été touché à sa manière. Je ne sais même pas encore ce qu'Harry a pu subir entre ses mains lorsque nous étions encore prisonniers.

– J'avais fait la promesse de vous sauver.

– Pas au péril de ta vie. Il n'a jamais été question de te mettre en danger.

– Harry, je suis vivant, je vais bien. Tout va bien.

Je vois sa mâchoire qui se serre, son torse qui se soulève. Afin de le rassurer, je forme des cercles avec mon pouce contre le dos de sa main. Il ferme brièvement les yeux, puis secoue la tête. Je le vois ravaler lourdement sa salive avant de parler à nouveau, d'une voix basse et fébrile.

– Tout ne va pas bien, non... Gemma m'a raconté ce qui s'est passé... qu'Elias t'as rentré un poignard dans le corps. Ils t'ont tous vu t'écrouler au sol, te vider de ton sang et... et mourir. Et moi je... j'étais inconscient. Je n'étais même pas présent pour toi...

– Ce n'est pas de ta faute, tu n'y es pour rien.

Instinctivement, je monte mon autre main libre contre sa joue où des gouttes commencent à perler aux coins de ses paupières et tarissent bientôt son visage fatigué. J'essuie ses larmes, il lâche un soupir qui fait trembler sa poitrine et ses lèvres. Puis, il tourne la tête vers moi et me regarde, droit dans les yeux, les siens baignés de tristesse. Un vert humide.

– Louis, je n'ose pas imaginer si... si je m'étais réveillé trop tard et que tu étais... que tu étais vraiment mort et... et... je ne sais pas si... si j'aurais supporté de...

Sa phrase meurt sur le bout de sa langue, il butte sur ses mots, incapable de les sortir tant son chagrin est grand. Une nouvelle larme dévale sur sa joue, cette vision me brise le coeur. Il commence à détourner la tête, mais avant qu'il ne fonde davantage en sanglots, je prends son visage entre mes mains pour que ses yeux rencontrent les miens.

– Non, regarde moi.... Regarde moi Harry, je suis là d'accord ? Je suis vivant. Je ne sais pas par quel miracle, je ne comprends pas moi même ce qui est arrivé là-bas, mais j'ai survécu. Mon coeur bat encore, je respire toujours, et toi aussi. Tout le monde est saint et sauf, c'est tout ce qui compte à présent. D'accord ?

Mes mots résonnent dans la pièce, entre nos visages qui sont terriblement proches, mon souffle s'accélère. La chaleur du sien caresse le bout de mon nez. Harry maintient mon regard plusieurs secondes, sans rien dire, les larmes au bord des yeux, avant d'acquiescer et baisser la tête.

– J'ai eu si peur de te perdre.

C'est à mon tour de ravaler ma salive lourdement. Je lâche son visage, il prend mes mains dans les siennes et joue avec mes doigts.

– Quand vous êtes partis avec Amélia, je... Elias a commencé à parler, pendant très longtemps. Puis il m'a torturé un peu avec ses pouvoirs, pour s'amuser. Ensuite, il a dû se lasser, parce que... parce que je ne disais rien, je ne le provoquais pas. Même si je hurlais à l'intérieur, même si la douleur me... me tuait à petit feu, même si j'aurais voulu crier et pleurer. Je ne pouvais pas lui montrer. Alors il... il m'a emprisonné dans mon propre inconscient, j'étais... j'étais coincé dans un lourd sommeil. Et j'ai eu peur, j'ai eu affreusement peur de découvrir que vous étiez tous morts quand j'allais revenir à moi. Ça aurait pu durer des années, Louis...

Je serre ses doigts, il les lie ensemble. Cette fois, ce sont mes larmes qui commencent à me monter aux yeux et en travers de la gorge. J'espère qu'Elias, s'il est encore vivant, paiera le prix de tout ce qu'il nous a fait subir, et surtout à Harry.

– Je n'avais aucun moyen de sortir de cette torpeur. C'était pire qu'un cauchemar. J'étais... enfermé dans un trou noir, j'avais beau hurler et chercher une issue je... personne ne m'entendait, j'étais seul et pris au piège. J'étais effrayé... de ne pas vous revoir, de ne pas avoir pu vous sauver ou... ou.. de ne pas avoir eu l'occasion de te dire tout ce que j'ai sur le coeur...

Les battements du mien s'accélèrent, j'ai la gorge soudainement sèche et le souffle court. Il se tourne un peu mieux sur le côté même si ça lui provoque une grimace de douleur. Je cherche son regard, il trouve le mien.

– Mais j'ai entendu ta voix. Comme cette fois là, ici, je t'ai entendu m'appeler... au début, je ne savais pas si c'était une hallucination ou un rêve, je.. seulement tu semblais si proche, si réel.. je voulais te rejoindre, te trouver, j'ai essayé par tous les moyens, vraiment je... tu m'as réveillé à ce moment là, Louis. Pas physiquement, mais tu m'as fait revenir à moi.

Quand j'ai tenté de le sortir de son sommeil, au milieu du chaos, il m'a entendu. Sans pouvoir m'atteindre, certes, seulement ce n'était pas en vain.

– On se retrouvera, c'est ce que tu m'as dit en dernier. Je ne l'ai pas oublié. La dernière chose que j'ai entendu. On se retrouvera.

Mon souffle se coupe, j'entrouvre les lèvres mais je suis incapable de parler. Les mots ne viennent pas, parce que je suis sous le choc.

On se retrouvera.

Je n'ai pensé qu'à ça, c'était devenu mon mantra pendant cette affrontement finale avec Elias. Je me suis battu pour Harry, pour lui sauver la vie, pour avoir une autre chance de le retrouver ensuite.

– Louis, on s'est retrouvé et je... je n'ai pas envie de prendre un autre risque et de te perdre. Je ne peux pas et j'ai besoin de savoir, avant que tu ne partes...

– Tu ne me perdras pas.

Ma voix l'interromps avec douceur, mais certitude. Il doit lire à quel point je suis sérieux dans mon regard, parce qu'il se mord la lèvre et baisse les yeux entre nous.

– Même si je te dis que j'ai terriblement envie de t'embrasser ?

A cet instant, à ces mots, je ne sais pas si mon coeur me lâche ou bat si vite que je ne le sens plus à l'intérieur de ma poitrine. Dans tous les cas, je suis pris de court, mais un sourire se dessine rapidement sur mes lèvres. Les joues d'Harry rougissent, ses yeux se posent un instant sur ma bouche et viennent ensuite chercher mon regard.

– Encore plus si tu me dis ça.

Harry sourit à son tour, il lâche une de mes mains pour la passer dans mes cheveux. Ce simple contact me procure un frisson énorme dans le corps. Il ne me lâche pas des yeux. Tout bas, je demande :

– Est-ce que j'ai le droit d'en avoir terriblement envie, moi aussi ?

Si c'est possible, il rougit davantage, mais hoche la tête. Lentement, son visage se rapproche du mien, nos souffles se font plus courts, nos nez se frôlent presque. Il prend une inspiration.

– Je peux... ?

– Évidemment, je t'en prie.

Timidement, Harry comble la distance entre nous. Ses doigts toujours dans mes cheveux. Je le laisse faire pour aller à son rythme, même si c'est ce dont je meurs d'envie depuis un moment déjà. Je retiens mon souffle, mes joues chauffent. D'abord, il presse simplement ses lèvres contre les miennes et se recule à peine, assez pour croiser mon regard. Il n'en faut cependant pas plus à mon coeur pour s'emballer. Je lui souris, il laisse échapper un rire léger et, cette fois, laisse nos bouches se rencontrer et se découvrir pleinement.

Ce n'est plus que de la douceur. Si je ne devrais utiliser qu'un mot, ce serait celui là : douceur. Les lèvres d'Harry sont chaudes, sa langue brûlante, je ferme les yeux et glisse délicatement mes doigts contre sa hanche. Le baiser ne dure pas très longtemps, une poignée de secondes, mais c'est un des plus beaux et intenses que j'ai pu échanger. Je sais aussi que ce ne sera certainement pas le dernier.

Quand il se détache de moi afin que nous puissions reprendre notre souffle, je lui souris. Entre nos corps, ses doigts serrent les miens. Je pose un rapide et simple baiser sur ses lèvres, le sourire que mon geste lui provoque éveille en moi un sentiment que je pensais perdu depuis longtemps.

– Tu sais... j'en mourrais d'envie depuis un moment.

– Moi aussi, je souffle tout bas, depuis que tu m'as montré les étoiles sur ton plafond. Ou peut-être quand tu m'as soigné avec tes plantes.

Les joues légèrement roses, Harry se met à rire silencieusement et cache quelques secondes sa tête dans mon cou. Mes doigts se perdent dans ses cheveux, il se recule assez pour me faire face.

– Merci Louis.

Ses mots sont à peine murmurés, mais il me regarde droit dans les yeux. Je fais courir mes doigts le long de son échine et me blottis contre lui. Il n'hésite pas une seconde à m'enlacer. Je sais qu'il ne me remercie pas seulement pour le baiser. Il me remercie d'avoir tenu ma promesse, d'être revenu les voir ici, de ne pas avoir abandonné, de les avoir sauvé, de lui avoir sauvé la vie.

Dans mon dos, je sens ses doigts qui s'accrochent au tissu de mon tee-shirt, je cache ma tête dans le creux de son cou. Son odeur me fait sourire, mes lèvres frôlent sa peau qui frissonne. Il pose un baiser sur mon front, léger, et nous restons un long moment ainsi enlacés. Je suis si bien que je ne pense à ne plus jamais quitter cet endroit. Même si dehors, le monde réel m'attend. Mes parents, mes amis, mon travail. La réalité que je dois affronter.

– On devrait peut-être descendre déjeuner. Tu n'as pas faim ?

– Est-ce qu'on peut rester encore un peu comme ça ?

Sa question me fait sourire plus que jamais, je le serre davantage contre moi tout en évitant de lui faire mal. Cependant, je le décale et le positionne afin qu'il soit couché correctement sur le dos. Il soupire d'aise, je pose ma tête contre son épaule, une main sur son torse et lui enroule le sien autour de mes épaules.

Je lève la tête vers lui, il a les yeux fermés. Sa respiration est plus lente. Je crois qu'il est encore fatigué. Dans un murmure, je lui dis :

– On peut rester ici tant que tu le souhaites Harry.

On s'est retrouvé et on a tout le temps du monde devant nous.

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