Partie III - chapitre un :
Partie III.
1.
"I took the stars from my eyes, and then I made a map
And knew that somehow I could find my way backThen I heard your heart beating, you were in the darkness tooSo I stayed in the darkness with you."
Dante se tient, assit, le dos droit , devant la maison. I l me fixe et je ne vois que ses yeux jaunes dans la pénombre. D'apparence, il n'y a rien d'anormal. C'est un soir calme et froid d' automne . Le soir d' Halloween comme chaque année. Tout se répète. Un cercle vicieux.
J e suis là parce que je n'ai pas le choix. Je suis là parce que je dois les sauver. Je suis là parce qu'ils ont besoin de moi. Je suis leur seul espoir.
Les feuilles mortes , répandues sur le sol du jardin, craquent sous mes semelles de chaussures. Il n 'y a pas de vent. Hier, il a plu toute la journée. Le sol est encore humide, la terre boueuse. Quelques flaques restent immobiles, ça et là. Un décor suspendu dans le temps. Figé. Comme la vie à l'intérieur des murs de cette maison.
Au loin, le chant des oiseaux. Le bruit de la nature qui se réveille ou s'apprête à trouver le sommeil. Je remonte l'allée du jardin, gravit les marches du perron. Dante me suit de son regard perçant, je me penche pour le caresser. Mais au moment où ma main frôle son pelage, il se recule et s'échappe. Rapidement. Ses pattes ne font aucun bruit sur le sol. Je sursaute et retiens mon souffle.
Il s'est réfugié dans la maison, les lumières sont allumées, la porte est entrouverte. Par politesse, je toque. Je signale ma présence.
– Amélia ? Harry ?
Aucune réponse. Un grand frisson me traverse le corps. Je n'y fais pas attention. Je ne peux pas avoir peur, pas maintenant, ils ont besoin de moi. De mon courage. Je dois avancer, ne pas regarder en arrière. A leur place, j'aurais aimé qu'on me sauve sans se poser de questions.
– Je... c'est moi, Louis.
Mais ils ne répondent toujours pas . Je rentre quand même. Il y a une lumière qui vient de la cuisine et une lueur, certainement celle de la cheminée, depuis le salon. Il fait étrangement froid. Je me demande depuis combien de temps la porte est restée ouverte.
Je ne vois plus Dante nul part, il a disparu . Il n'y a aucun bruit. Cependant, l 'odeur d'un gâteau au chocolat me chatouille les narines, je me rends d'abord en cuisine, le sourire aux lèvres. Amélia doit être en pleine préparation d'un dessert qui s'annonce délicieux.
Seulement mon expression se décompose quand j'entre dans la pièce et tombe sur un spectacle auquel je n'aurais jamais cru assister. Je me fige. Tout mon corps s'immobilise.
Au milieu de la cuisine, le corps d'Amélia gît au sol, des flaques de sang l'entourent au niveau de la tête, la poitrine . Malgré mes jambes qui tremblent et l'envie de vomir, je m'approche docilement. Elle ne respire plus, son visage est pâle et ses yeux grands ouverts, effrayés. Sa gorge est tranchée, du sang s'en écoule encore partout. Elle est morte. Amélia a été tué. Elle est morte et je n'ai rien pu faire. Je suis arrivé trop tard, je n'ai pas eu le temps de lui présenter des excuses et je l'ai abandonné à son propre sort.
J e dois me tenir à la table pour ne pas m'écrouler au milieu du liquide rouge. La tête me tourne, j'ai la nausée et les larmes coulent déjà sur mes joues, je ne peux pas les retenir. Mes doigts tremblent, je ne parviens plus à respirer correctement. C'est un cauchemar. Les murs tanguent et se resserrent autour de moi, j'étouffe presque.
Je me penche, tend la main pour chercher son pouls. Une infime trace de vie. Un espoir auquel s'accrocher. Sa peau est glacée. Son coeur ne bat plus. Il n'y a que le vide et le silence. Insupportables. Je pleure. Je pleure de longues secondes, à ne pas savoir quoi faire, comment agir.
Amélia est morte. Il n'y a plus rien à faire. Elle ne respire plus. Son corps est inerte. Le couteau de cuisine est posé au sol plus loin, couvert de sang lui aussi. J'ai un haut le coeur et mes jambes ont du mal à me porter hors de la pièce. Mais je me force. Je me force à atteindre le couloir froid et appeler :
– Harry ! Harry où es-tu ? Putain... putain c'est pas possible... Harry !
Je murmure des injures entre mes dents et trouve la volonté de m'aventurer dans d'autres pièces . D'une main tremblante, je me frotte l'oeil parce que je n'y vois rien à travers les larmes. Un frisson glacé me traverse le corps, j'ai un mauvais pressentiment. Encore pire que de trouver Amélia la gorge tranchée dans la cuisine de sa propre maison.
Puis, alors que j'entre au salon, j'entends tousser. Je me précipite vers le bruit, mais je me pétrifie sur place. Parce qu'Harry est dans le même état, au sol. Il baigne dans son propre sang, mais il respire encore. Sa gorge n'est pas ouverte, mais il a une plaie béante au milieu du ventre. Le sang imbibe son tee-shirt qui lui colle à la peau. Son visage livide est tordu par la douleur, il ouvre grand les yeux en me voyant et je me dépêche de me mettre à genoux à côté de lui.
Ses doigts s'accrochent à moi, à mon pull qu'il tâche de son propre sang. Je n'y prête aucune attention. Mon regard paniqué est rivé sur le sang qui s'écoule de son flan, je cherche un tissu autour de moi, essaie de l'appliquer dessus. Harry gémit entre ses dents et son corps entier se tend. Mes mains, qui commencent à se couvrir de sang elles aussi, tremblent et Harry tousse à nouveau.
Paniqué, je regarde autour de moi pour trouver n'importe quelle trace de ce qui a pu se passer. Une arme. Un indice. Mais il n'y a rien. Je repose les yeux sur Harry, dont l'expression est figée par la souffrance.
– Harry ! Bordel... Qui t'as fait ça ? Qui vous... vous a fait du mal ? Harry... Harry, Amélia est... elle est...
Je ne parviens pas à mettre les mots dessus, je n'ai pas la force de les dire. Je crois que ça m'achèverai. Malgré la douleur, Harry hoche lentement la tête, le regard infiniment triste et vide. Il sait. Il sait et il a certainement tenté de la sauver, il a mis sa vie en péril pour elle. Et moi, je n'ai rien fait. J'ai tout gâché. Mes pleurs redoublent.
– Pardon... Pardon je suis désolé, excuse moi je... Harry, je ravale ma salive et le regarde dans les yeux, Harry dis moi... Je t'en prie dis moi ce que je peux faire, comment te sauver... vite ! Qu'est-ce qu'il faut ? Une plante ? J'appelle les ambulances ? Oui oui c'est ça, il faut que je contact les secours ils sauront quoi faire et...
Mais il secoue la tête, lentement. Je comprends tout sans qu'il ne prononce un seul mot, la lueur vide dans ses yeux parle pour lui. Je ne peux rien faire. Je suis entièrement impuissant. Aucun remède. Aucun bandage. Aucune de ses plantes ne peut le soigner ou le sauver. C'est trop tard, il est condamé. Il va mourir, comme Amélia, et je ne peux pas changer cela. Même si je remue le monde entier.
La vue de la plaie et du sang me donne davantage la nausée, je me mets à pleurer en secouant la tête, les paupières fermées. Parce que je ne peux pas y croire. Pas comme ça, pas maintenant, pas aussi prêt du but. Je sens une caresse chaude contre ma main, j'ouvre les yeux. Harry saisit mes doigts et je vois que ça demande une partie de ses dernières forces car il grimace. Il entrouvre ses lèvres, halète un peu, cherche ses mots ou sa capacité de parler, avant de me murmurer :
– Je suis désolé... Louis...
– Quoi ? Désolé de quoi ? Non je... c'est moi, je... j'aurais dû venir avant et...
Je ne sais même plus parler, alors que je devrais tout faire pour le rassurer. Je suis pathétique. Plus les secondes passent, plus son corps devient raide et lourd contre moi. Son souffle est court, ses paupières sont lourdes, mais ses yeux d'un vert intense et humide restent fixés sur moi, sur mon visage.
Ce n'est pas possible, je ne peux pas le laisser mourir. Je ne peux pas rester là et le regarder disparaître, impuissant. Il doit y avoir une solution. Je peux au moins essayer de le sauver, lui.
– Ce n'est pas... de ta faute. Tu as... tu as fait tout ce que tu as pu.
Sa voix est enrouée, lente. Il souffre. Chaque souffle est une torture. Je ne veux pas le voir mourir. Je ne veux pas me retrouver seul. Je ne peux pas affronter le monde sans lui. Mes larmes redoublent. Je n'ai jamais eu l'étoffe d'un sauveur.
Doucement, je presse ses doigts, le secoue et le supplie de rester avec moi, à travers mes sanglots. Je veux qu'il s'accroche au dernier fil de sa vie, parce que sans eux, sans lui je ne peux rien faire. Il doit se battre pour nous, tout seul je n'en suis pas capable. Harry est plus fort et courageux que moi.
– Harry.. Harry il doit... il doit avoir un moyen de te sauver je t'en supplie... Ne me laisses pas... Ne pars pas ! Dis moi... s'il te plaît...
Il ne répond pas, il lève simplement sa main qui ne tient pas la mienne, tremblante. Son geste est lent, il passe le bout de ses doigts contre ma joue, le coin de mes lèvres. Je retiens mon souffle. Ma peau frissonne comme jamais avant. Je n'ai pas peur, ce n'est pas ça. C'est autre chose. De plus grand que nous. Qui nous dépasse.
Son pouce passe contre ma pommette, il sèche mes larmes. Il est en train de mourir et c'est lui qui me console, me rassure. Il murmure mon prénom, nos regards brillants se trouvent le temps d'une poignée de secondes. J'aurais aimé que ce moment dure une éternité.
– Louis... je t'ai toujours trouvé magnifique.
Sa main retombe le long de son corps, un sourire prend forme sur sa bouche. Je cligne des paupières, mon coeur bat la chamade dans ma poitrine, je serre ses doigts davantage. Il doit rester avec moi.
– Non... Non Harry t'as pas... Tu n'as pas le droit de me dire ça et de mourir, tu m'entends ? Je t'interdis de... pourquoi tu me fais ça ?
– Prends soin de Dante pour moi, d... d'accord ?
Et moi ? Qui va prendre de moi si Harry part aussi ?
Je secoue vivement la tête, appuie ma joue contre sa main. Puis, je ne réfléchis pas, je me penche et dépose un baiser humide sur son front. Au même instant, j'entends un souffle tremblant quitter ses lèvres, ses doigts agripper les miens une dernière fois. Son corps devient rigide, ses muscles se relâchent et je n'ai plus qu'un poids vide dans ma main. Je me recule et le regarde.
Et c'est comme ça qu'il meurt, un sourire sur le visage.
Je pleure. Je hurle. Je crie. Les sanglots m'enserrent tellement fort la gorge que j'étouffe. Je serre Harry contre moi, son sang encore chaud sur ma peau, j'enfouis mon nez dans ses cheveux parce que je ne veux pas que ce soit réel, parce que je ne veux pas oublier son odeur si particulière. Je l'enlace un long moment, comme s'il pouvait encore me sentir, comme si ça pouvait nous rassurer tous les deux.
Mais ensuite, quand je parviens à me redresser sur mes jambes tremblantes, je craque. Je casse tout autour de moi, pots, sculptures, bougies éteintes, bouteilles, cadres... J'envoie voler les cartes de tarot étalés sur la table basse et les livres ouverts dessus.
Plus rien n'a de sens.
Un miaulement me fait sursauter. Dante entre dans la pièce, il s'approche du corps inerte de Harry, renifle son visage, ses pattes pataugent dans le sang et il passe le bout de sa langue contre sa joue pâle. Puis il s'avance vers moi, lève son museau et miaule davantage.
Je me penche, le prend dans mes bras tremblant. Il n'y a plus que lui et moi. Je ferme les yeux parce que je n'ose plus regarder Harry, sa peau pâle et son sourire figé sur son visage.
– Je suis désolé Dante... Je n'ai pas su les sauver, je... je suis désolé...
Je n'ai pas la force de me relever, de me battre, de les laisser. Mes jambes tremblent, mes genoux tombent au sol. Je m'écroule de tout mon long sur le parquet glacé, le chat pelotonné contre mon torse.
Le monde entier m'échappe, plus rien n'est réel.
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