Partie II - chapitre un :
Partie II.
"And in the dark, I can hear your heartbeat
I tried to find the sound
But then it stopped, and I was in the darkness,
So darkness I became."
1.
31 Octobre 2019.
Sa bouche parcourt mon cou, ma mâchoire, descend contre ma gorge. Ma peau est brûlante en cette nuit d'automne, son corps pousse le mien contre le mur froid en brique. Il murmure mon prénom, le répète entre chaque baiser, rythmé par les battements accélérés de mon coeur. C'est presque douloureux. J'ai la nausée. J'ai peut-être un peu trop bu ce soir, je ne sais pas vraiment, mais je ne le repousse pas pour autant. Je n'en ai pas la force ce soir.
Mes yeux se lèvent vers le ciel, rencontrent les étoiles. Elles brillent plus fort que d'habitude, elles semblent prêtes à pleuvoir sur nous. Ce doit être magique de mourir sous une pluie d'étoiles. Étouffé par une lumière éclatante et brûlante.
Gelées, ses mains glissent sous mon pull. Ma peau frissonne, ses doigts passent contre mon ventre, tracent des formes autour de mon nombril. Sa bouche est sur la mienne, humide et chaude. Son parfum à l'eau de Cologne embaume mes sens, me chatouille le nez.
Quand il commence à s'aventurer plus bas que mon ventre et que ses doigts défont lentement ma ceinture, je le repousse doucement et recule ma tête. Ses yeux sont sombres, mais une lueur à l'intérieur brille autant que les étoiles au-dessus de nous. Je serre les doigts en poings autour du tissu de son pull et souffle :
– Théo...
Il me sourit d'un air fier, embrasse mon cou et passe sa langue le long de la ligne de ma mâchoire. Je ne peux pas réprimer un énième soupir, ça l'encourage sûrement à continuer car il colle son bassin au mien.
Je devine son attention depuis le début de la soirée d'Halloween que nous passons entre amis, dans une boite de nuit. Ce soir, je ne me suis pas déguisé. Théo me tourne autour depuis que je suis arrivé en même temps que Liam. Il m'a offert un verre et a dansé avec moi sur la piste, son corps n'a cessé de frôler le mien et ses mains de se balader sur mes hanches pendant que les chansons se suivaient.
– Pas ce soir...
– Pourquoi pas ? On peut retourner chez moi, mes colocs ne sont pas là. On aurait vraiment la paix toute la soirée... Il se mord la lèvre, passe ses doigts dans mes cheveux. On ne s'est pas vu depuis presque une semaine Louis, je ne te manque pas ?
Ses lèvres posent des baisers légers sur les miennes, c'est sa manière à lui de me convaincre et d'obtenir ce qu'il veut. Parce qu'il sait que je ne peux pas réellement lui résister et que, malgré ce qui a pu se passer entre nous, je ressens encore de l'attirance à son égard.
Mais c'est lui qui est revenu vers moi la première fois, il y a un peu moins d'un an. Après ma disparition mystérieuse de deux semaines, je suis retourné voir mes amis. Il était là, il avait l'air affreusement paniqué et m'a littéralement sauté dessus quand je suis arrivé. Il m'a pris dans ses bras et m'a supplié de le pardonner. Je n'ai pas cherché à comprendre pourquoi, au départ. Lorsque nous avons pu avoir un moment à deux ensuite, il m'a expliqué qu'il se sentait coupable et il croyait que j'avais quitté la ville de sa faute ou que je m'étais fait attaquer sur la route du retour.
Je n'ai pas chercher à expliquer la vérité à mes amis ou Théo. Ma vérité. La soirée que j'ai passé chez Amélia et Harry. J'y pense encore, parfois. Moins souvent, mais ça reste gravé en moi. Ce souvenir qui n'appartient qu'à moi.
Encore aujourd'hui, un an plus tard, seuls mes parents connaissent ma version des faits. Tout le monde croit que j'ai disparu pendant deux semaines, peu importe les raisons. Personne ne me croirait de toute façon, mes propres parents en sont déjà incapables et me prennent encore à ce jour pour un menteur et peut-être même un fou. Ils ne le disent pas, mais ce qu'ils pensent se lit facilement dans leurs regards.
Ces deux semaines de Novembre 2018 restent un mystère et, à présent, un tabou. Mes parents ne souhaitent plus évoquer le sujet, et je dois avouer que ça me convient parfaitement aussi. Nous continuons de vivre comme si rien ne s'était jamais déroulé, c'est certainement mieux ainsi.
Théo est donc celui qui a fait le premier pas, nous nous sommes revus en Janvier. Pour les fêtes. C'est lui qui a fait le premier pas lors d'une soirée de nouvel an organisée par Zayn. Il m'a emmené dans le jardin avec lui, a pris mon visage entre ses mains et m'a embrassé alors que de légers flocons de neige pleuvaient sur nous. Je n'ai pas eu le temps de me demander si c'était encore un autre jeu de sa part, une stratégie pour mieux me briser ensuite, parce qu'il m'a demandé de le pardonner pour tout ce qu'il a pu me faire avant. Et il m'a encore embrassé lors du décompte pour le passage à la nouvelle année.
Nous ne sommes pas en couple. Quand nous en avons le temps et l'envie, il vient chez moi ou je viens chez lui, nous passons quelques heures l'un avec l'autre à nous embrasser, nous déshabiller et se donner du plaisir de toutes les manières possibles. C'est aussi simple que ça, parce que ni lui ni moi ne voulons une relation compliquée.
Je ne suis pas amoureux de lui. Il n'est pas amoureux de moi. Il est là quand j'en ai besoin et me fait oublier ce vide à l'intérieur de ma poitrine.
Mais ce soir, ce vide prend beaucoup de place. Et je n'ai pas envie de l'effacer. Je m'apprête à lui dire une seconde fois que je n'ai pas envie ce soir, malgré sa proposition plus qu'alléchante, quand un miaulement me parvient aux oreilles.
Nous tournons tous les deux la tête vers la droite. Un chat noir se tient au bout de la rue. A quelques pas de nous. Je repousse Théo et m'approche davantage, docilement, pour mieux observer l'animal. Les yeux fixés sur moi me font l'effet d'un courant électrique dans l'intégralité du corps. Mon souffle se bloque au milieu de ma gorge et je me fige. Ma voix est à peine reconnaissable, brisée et pleine d'espoir à la fois quand je dis à voix basse :
– Dante... ?
Le chat miaule, porte sa patte à son museau et glisse sa petite langue rose sur ses poils noirs. Mon coeur bat la chamade, je m'approche alors que tout semble s'arrêter de vivre autour de moi. Je m'accroupis face au chat, il ne bouge pas, m'accorde à peine un regard alors que je regarde ce qui est inscrit sur son pendentif accroché à son collier.
Je prie intérieurement. Je supplie.
Dante dis moi que c'est bien toi dis moi que je ne rêve pas dis moi que tu existes que je ne suis pas fou.
Théo me pose une question, j'entends sa voix dans mon dos, mais je n'y prête aucune attention. Même si ses mots me rassurent un peu.
– Tu connais ce chat ?
Je ne réponds pas. Parce que je relis l'adresse inscrite sur pendentif.
7 Rue des épines.
Ce n'est pas possible. Je dois rêver. Je me pince le bras, mais ça ne fait rien. Je suis bien là. Devant Dante. Je parcours encore et encore ces quelques mots, comme s'ils allaient peut-être s'effacer sous mes yeux d'une seconde à l'autre.
Mais c'est tout ce qu'il y a de plus réel. Les larmes me montent aux yeux, bloquées au creux de ma gorge si bien que je manque de m'étouffer à chaque fois que je tente de prendre une respiration.
Je suis partagé entre l'envie de pleurer et de sauter de joie. Mais je ne fais rien de tout ça, je tends la main vers le chat. Il cesse de faire sa toilette, pose à nouveau ses grands yeux sur moi. Je reste de marbre quand il se met à sentir mes doigts et les lécher lentement, même si à l'intérieur de moi tout tremble et s'écroule.
Tout ces sentiments que j'ai retenu enfermé en moi pendant un an explosent. Mes doigts se mettent à trembler, Dante – parce que c'est bien lui – recule sa tête et miaule en me fixant. Je ravale de travers, lourdement, et me redresse dans un mouvement certain.
Si avant tout me paraissait flou et lointain, je sais ce que je dois faire maintenant. Je me tourne vers Théo qui me fixe avec un air intrigué sur le visage. Dante passe entre mes jambes, ronronne et le regarde aussi.
– Euh Louis...
– Je dois aller reporter ce chat chez lui.
– Mais... tu connais l'adresse ?
– Oui, je hoche la tête, ne m'attends pas j'en aurais peut-être pour un moment.
– Tu veux que je vienne avec toi ?
– Non.
Ma voix est ferme, déterminée. Les sourcils de Théo se froncent et je soupire. Je ne veux pas le repousser, mais je dois y aller seul. Je dois retourner là-bas moi-même. Je dois m'assurer que ce n'est pas mon imagination. Je dois connaître la vérité. Je dois à tout prix retrouver Harry et Amélia pour avoir ces explications que j'attends depuis un an.
Je passe une main sur mon visage, m'avance pour combler la distance entre Théo et moi. Il ne semble pas très rassuré à l'idée de me laisser seul dehors, surtout après ce qui s'est passé à Halloween l'an dernier, mais je n'ai pas le choix. Je tente un sourire rassurant et pose une main sur son épaule.
– Écoutes, retourne t'amuser avec les autres et on se retrouvera après, d'accord ? Je te promets que ça ira.
Ses épaules se lèvent et s'affaissent au rythme de la grande respiration qu'il prend. Mais il hoche la tête et, contre toute attente, glisse une main sur ma nuque pour m'attirer à lui et m'embrasser. Ce baiser laisse un arrière goût amer sur mes lèvres que je n'apprécie pas tellement. Mais je ne dis rien, je ne montre rien.
– Si jamais il y a le moindre problème, tu m'appelles surtout. Ou quelqu'un d'autre. Mais je t'en prie, ne disparais pas encore.
Comme si c'était de ma faute. Comme si j'y pouvais quelque chose. Comme si c'était vrai.
Même si ça doit me prendre des mois, des années, je donnerais tout mon temps pour obtenir les réponses que je veux. Dont j'ai besoin.
– Je ferais de mon mieux.
Je ravale ma salive, derrière nous Dante fait entendre un petit miaulement. Je prends ça pour un signe. Je n'attends pas plus longtemps. J'adresse un dernier regard à Théo et me mets en route.
A force de l'avoir emprunté pendant une longue année, je connais le chemin jusqu'à cette rue par coeur. Chaque défaut sur le trottoir, chaque arbre qui pousse de travers, chaque maison devant laquelle je passe.
C'est une nuit calme, silencieuse, noire. Mes pas sont le seul bruit qui résonne aux alentours, accompagné parfois d'un miaulement de Dante. Il me suit à la trace, fidèle compagnon de route. Ses yeux passent furtivement d'un point à un autre, il ne s'arrête pas.
Je ne veux pas croire que son apparition ne soit qu'une simple coïncidence. Encore plus en ce soir d'Halloween. Il y a un an, la même scène se produisait, à quelques détails près.
Peut-être que je disparaîtrais à nouveau pendant deux semaines, un mois, peu importe le temps. Mais je ne peux pas manquer l'occasion de voir Amélia et Harry, d'avoir la certitude que ce n'était pas un rêve. De prouver à tout le monde j'avais raison depuis le début.
Cette maison existe, elle est habitée, j'y suis entré le trente et un octobre deux mille dix huit pour quelques heures, un soir pluvieux d'Halloween.
Un an plus tard exactement, je retourne sur mes pas.
Un an plus tard, Dante est là aussi. Il semble être à pour me guider. Et s'il était venu me trouver ?
Un an plus tard, je me tiens devant la même maison dont l'apparence, il y a quelques jours encore ne laissait deviner aucun signe de vie. Déserte, abandonnée, poussiéreuse et détruite.
Un an plus tard, je reprends mon souffle, ma poitrine tremble sous ce simple geste, et j'ose enfin ouvrir les yeux que je gardais fermés depuis quelques pas déjà, pour regarder la demeure. Je retiens ma respiration et le temps s'arrête.
Je ne mens pas. Je n'ai jamais menti. J'ai raison et je compte bien le prouver.
A l'intérieur, les lumières sont allumées.
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