Chapitre 9 - Coup de blues
Point de vue de Logan
Le ciel est maussade. Autant que mon humeur. Je vais bientôt pouvoir sortir et c'est une bonne nouvelle. Seulement je ne peux m'empêcher de penser que Luc n'aura pas cette chance. Il ne pourra plus être sur ses deux jambes. Il ne pourra plus fêter son anniversaire ou celui de sa fille avec sa famille. Il ne pourra pas la voir grandir, tomber amoureuse. Je ne parviens pas à m'enlever de la tête que si nous avions gardé nos places comme c'était prévu à la base, il serait toujours vivant. Notre capitaine a décidé en dernière minute que je devais aller à l'arrière du camion et que Luc serait mieux devant. Nous avons obéi aux ordres. Si nous avions su ce qui allait se passer, j'aurais désobéi. Mais nous ne savons jamais ce que le destin nous réserve. En mission encore moins. D'après mes informations, les autres gars blessés sont déjà rentrés chez eux. Il ne reste plus que moi, ce qui me déprime encore plus.
Je ne peux pourtant pas en vouloir au destin. Sans lui, je ne serais pas ici et je n'aurais pas participer à ce projet de correspondance. Je n'aurais pas connu Gabriella. Si je parviens à tirer la tête hors de l'eau, c'est bien grâce à elle. Depuis le réveillon, nous nous envoyons toujours des lettres mais les sms s'y sont rajoutés pour mon plus grand plaisir. Au début, je n'osais pas trop lui en envoyer. J'avais peur de la déranger en cours ou au boulot. Elle m'a bien vite rassuré en me disant que si elle ne voulait pas être dérangée elle éteignait tout simplement son portable. Elle m'a cependant précisé qu'il était possible qu'elle ne réponde pas tout de suite.
Elle a réussi ses examens. Dès qu'elle a eu ses résultats j'ai eu droit à un message, comme si j'étais «la» personne avec qui elle voulait partager sa joie. Malgré tout ce que nous partageons via lettre ou sms, elle garde toujours une part de mystère. Elle ne me parle jamais de sa famille ou de ses amis. Les seules fois où elle m'a parlé de son entourage, elle n'a mentionné que les personnes du centre et une certaine Andréa qui suit les mêmes cours qu'elle. Elle doit pourtant avoir une famille, quelqu'un sur qui elle peut compter. En tout cas je l'espère. Même s'ils ne sont plus là, j'ai toujours pu compter sur mes parents de leur vivant. J'aurais pu tourner mal s'ils n'avaient pas été là pour m'épauler et me conseiller. Je n'ose imaginer où j'en serais si cela n'avait pas été le cas.
Après deux mois et demi de correspondance, Gabriella m'a enfin envoyé une photo. J'ai juste dû insister, à la limite du harcèlement mais je l'ai eue. Elle a posé avec son éléphant en peluche. Apparemment il lui tient compagnie toutes les nuits. Quand j'ai un coup de blues comme maintenant, je les regarde. Ils me rappellent que tout n'est pas noir dans ma vie. Que c'est pour ça que je ne devais pas mourir dans l'explosion. Sentiment étrange et déroutant mais au combien réel.
Qui aurait cru que je deviendrais accro à une personne que je n'ai jamais vu. Je n'ai même jamais entendu le son de sa voix. J'ai déjà plus d'une fois pris mon téléphone pour l'appeler et au dernier moment je recule. J'ai peur de ne pas savoir quoi dire. Oui moi, le soldat qui n'a pas peur de monter sur le front, je n'ose pas passer un simple appel. Si ça n'était pas aussi pathétique, j'en aurais ri. Cela dit, elle ne franchit pas le cap non plus. Nous sommes vraiment deux peureux.
Je regarde pas la fenêtre, le soir est en train de tomber. Je suis plongé dans mes pensées depuis pas mal de temps apparemment. Quelqu'un rentre dans la chambre. C'est Isabelle.
- Salut Logan, mon collègue m'a dit que ce n'est pas la grande forme aujourd'hui.
- Mais si, c'est le temps qui me démoralise.
Elle n'a pas besoin de savoir que son collègue a raison et encore moins les raisons de mon coup de déprime.
- Si tu le dis, me dit-elle peu convaincue. Alors, le médecin m'a dit que tu as bientôt terminer ta rééducation. C'est bien, ça veut dire que tu vas être de nouveau opérationnel.
- Tu es pressée de me voir partir? lui dis-je avec humour.
- Non, pas du tout. Je pense simplement que retrouver une vie normale ne peut t'être que bénéfique. Ce n'est pas bon de rester autant de temps enfermé. Surtout pour quelqu'un habitué à bouger comme toi.
- Tu n'as pas tort. Voir un autre paysage que cette chambre me fera le plus grand bien.
- Je peux me permettre une question un peu plus personnelle?
- Tu peux toujours la poser, je verrai si j'ai envie d'y répondre, lui dis-je avec un sourire
- Où vous en êtes avec ta correspondante? Étant donné qu'elle envoie tes lettres ici et que tu seras bientôt sorti, je me demandais...
- Je lui donnerai mon adresse à la caserne. Je me suis déjà arrangé avec mes supérieurs pour avoir la permission.
- Vous n'avez jamais communiqué autrement? Vous n'avez pas envie de vous rencontrer?
- Depuis Noël, nous communiquons par sms. Et ce n'est pas l'envie qui me manque de la voir en face mais jusqu'à maintenant, nous n'avons pas osé sauter le pas. J'étais cloué ici et elle a un planning assez chargé.
- Tu ne seras bientôt plus ici, ce serait peut-être l'occasion.
- Tu as peut-être raison, je vais y réfléchir. Je lui en parlerai.
- J'espère que ça ira pour vous deux en tout cas. Je vais chercher ton plateau j'arrive.
Elle sort et revient cinq minutes après avec mon repas. Elle le dépose sur la table.
- Je te laisse manger, je reviendrai le chercher plus tard, me dit-elle en désignant le plateau.
- Merci.
Je n'ai pas vraiment faim. Les idées s'entrechoquent dans ma tête pour finir par se mélanger complètement. Je pense à la conversation que je viens d'avoir, à Gabriella mais aussi à Luc, à ma sortie. Je suis tiré de mes songes par la sonnerie de mon portable. Ce n'est pas un message. Bizarre, personne ne m'a appelé depuis que je suis ici. Je regarde qui m'appelle et mon coeur loupe un battement. C'est elle. J'avale difficilement ma salive. Je dois décrocher ou pas? Je me décide vite fait et décroche.
- Allo
- ...
- Gabriella?
- Bonsoir Logan
- Bonsoir...
Je suis tétanisé. Je ne sais pas quoi dire. Vu le blanc dans la conversation, elle n'en sait pas plus que moi.
- Je ne te dérange pas?
- Non pas du tout, je suis juste étonné que tu appelles. C'est la première fois.
- Pour être franche, j'en suis la première étonnée. Je ne sais pas pourquoi je t'appelle. J'ai juste senti que je devais le faire. Tu vas bien?
- Tu veux la vraie réponse ou celle pour le reste du monde?
- Celle pour le reste du monde... non je rigole, j'aimerais avoir la vraie.
J'adore sa voix. J'ai des frissons qui apparaissent rien qu'à l'écouter. Je reste sans doute quelques secondes sans parler puisqu'elle reprend.
- Je ne sais pas si tu vas me croire ni même si c'est possible mais j'ai un mauvais pressentiment depuis ce matin. J'avais constamment l'impression que tu n'allais pas bien.
Je ferme les yeux et souris. Nous avons vraiment une connexion. Ce ne serait pas la première fois que j'ai le même pressentiment qu'elle. J'ai l'impression de sentir quand elle ne va pas bien. Je respire un bon coup puis me lance.
- Je te crois. Je ne sais pas si c'est possible mais c'est réel. ...En fait, tu as raison. Je ne vais pas bien et ton appel me fait du bien. Mon humeur est en raccord avec la météo. C'est un jour plus dur où je me demande pourquoi je suis encore là...
- Tu veux m'en parler?
- Peut-être pas aujourd'hui. Je suis trop à vif.
- Comme tu veux. Sache seulement que je suis là si tu en as besoin.
- Merci, lui dis-je avec un sourire. Alors comme ça tu t'es lancée.
- Pas facilement mais oui. Ça fait une heure que je tourne mon téléphone dans les mains en me demandant «J'appelle? J'appelle pas?» me dit-elle en rigolant.
- C'est drôle, je viens justement de parler de toi avec mon infirmière.
- Ah oui? Et je dois m'inquiéter du sujet de la conversation?
- Non pas du tout. Elle me demandait simplement ce qu'on allait faire après.
- Tu as envie de continuer? me demande-t-elle toute timide.
- Et toi?
- Je t'ai posé la question en première.
- C'est vrai. En fait, non, tu es trop enquiquinante...je n'entends plus rien, je me dépêche de continuer. Mais non, c'est une blague, tu y as cru?
- C'est pas drôle. J'ai vraiment cru que tu ne voulais plus de m..euh que tu ne voulais plus correspondre avec moi.
- N'importe quoi. D'ailleurs, je me suis déjà arrangé avec mon supérieur pour que tu puisses m'envoyer les lettres à la caserne.
J'entends un soupir, je lui ai vraiment fait peur apparemment. Je décide d'enchaîner sur un autre sujet.
- Tu es chez toi?
- Oui je n'ai pas cours ce soir.
- Quel est ton programme du coup?
- Repos, me dit-elle en riant. Je vais m'installer dans le divan et lire un roman en compagnie d'une petite peluche toute douce.
- Elle en a de la chance cette peluche.
- Oui hein. Je trouve aussi.
Je ne peux m'empêcher de rire. Ça fait du bien. Elle me fait du bien. Je l'entends bâiller.
- Et bien. Tu es fatiguée ou c'est moi qui te fais cet effet?
- Un peu des deux. Le son de ta voix me berce. En plus, j'ai monsieur l'éléphant qui me fait un câlin et je suis allongée dans mon divan, comment veux-tu que je résiste?
Elle a un petit côté gamin qui me plaît assez.
- Je vais finir par être jaloux de cet éléphant si ça continue.
- Jaloux? Ben il ne faut pas. J'ai assez de place pour vous deux.
Je crois vraiment qu'elle est très fatiguée. Je ne suis pas sûr qu'elle se rende vraiment compte de ce qu'elle vient de dire.
- En tout cas, tu as appelé juste au bon moment. Merci ma belle, tu m'as remonté le moral.
- Je suis heureuse que tu ailles mieux. Je crois que je vais filer direct au lit finalement. Appelle-moi quand tu veux.
- Pareil pour toi. Dors bien.
- Dors bien. Prends soin de toi.
- Toi aussi. Bonne soirée.
Cette journée qui avait si mal commencé se termine magnifiquement. Qu'aurais-je pu demander de plus?
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Les idées noires de Logan... Un lien s'est créé entre eux c'est certain. Leur relation avance petit à petit, jusqu'où celle-ci va aller?
J'espère que le chapitre vous a plu. Bisouilles
Chapitre corrigé le 30/06/18
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