Chapitre 5 - La réponse


Point de vue de Gabriella

Deux jours sont passés depuis que j'ai envoyé la lettre. La réponse n'est pas encore arrivée mais d'un côté je ne sais même pas s'il va me répondre. De plus, rien ne l'oblige à me répondre aussi vite non plus. De toute façon, ce n'est pas comme si j'aurais eu le temps de la lire ou d'y répondre.

Tout le monde s'est donné le mot ces derniers jours pour que je n'ai pas un moment de répit. Je suis parvenue à grappiller cinq minutes et j'en profite pour me prendre un thé et souffler un peu dans la salle du personnel. Assise dans un divan, je repense à la bonne nouvelle que j'ai reçue. Notre professeur principal nous a annoncé que notre horaire va être allégé. Dorénavant nous n'aurons plus cours que trois fois par semaine au lieu de cinq. Je ne connais pas la raison d'un tel changement mais je ne vais certainement pas m'en plaindre. Tant que j'ai mon diplôme en fin d'année et que je ne dois pas faire une année supplémentaire je m'en moque.

- Hey salut Gaby

- Salut la naine, dis-je en rigolant.

La naine s'appelle normalement Sandy. Le plus comique dans l'histoire c'est qu'elle est plus style Barbie. Une grande blonde avec des longs cheveux et des jambes interminables. Tout mon contraire en fait. Elle est infirmière au centre depuis maintenant un an. La première fois que je l'ai vue, je l'ai prise pour une pimbêche. Je me suis vite rendue compte que ce n'était pas du tout le cas. Cette fille a un coeur en or et n'est pas hautaine pour un sou.

- Tu t'octroies enfin une pause? Je te vois courir dans tous les sens depuis hier.

- Je n'en pouvais plus. J'étais sur le point d'éclater à la moindre question supplémentaire, lui répondis-je avec un petit rire.

- Ma pauvre. Tu n'as pas pu te reposer ce week-end? J'avais cru comprendre que tu n'avais pas cours samedi matin.

- Ouais, tu parles. Ma mère m'a un peu obligée à me rendre à un dîner de famille. Et bizarrement, ça tombait juste le jour où je pouvais me reposer.

Sandy sait que c'est plutôt tendu entre mes parents et moi. Je ne m'amuse cependant pas à crier haut et fort tous les détails de nos relations. C'est bien assez douloureux sans devoir en plus voir la pitié dans le regard des autres.

- Mais bon, j'ai quand même décidé d'essayer de récupérer le reste du week-end mais du coup, j'ai plus de boulot pour les cours quand je rentre chez moi.

- Tu dois tenir ce rythme jusqu'à quand?

- Mon stage se termine début mai et mes cours se terminent fin juin. J'ai quand même eu une bonne surprise. Notre prof principal nous a annoncé que les cours étaient allégés et que nous n'avions plus que trois jours de cours par semaine. C'est déjà ça.

- Ça te permettra de souffler un peu. Au fait, j'ai entendu dire que tu as été choisie pour le projet «correspondance». C'est vrai?

- Effectivement, c'est vrai. J'ai «envoyé» ma première lettre mardi matin. J'attends la réponse.

- Et tu corresponds avec qui?

- Quelqu'un que le comité m'a choisi mais je ne peux pas t'en dire plus. Ça doit rester confidentiel.

- Pas grave, je suis habituée ici, me dit-elle avec un petit rire. Je pense que ça peut te faire du bien, me dit-elle plus sérieusement. Ça te permettra peut-être de sortir un peu de ta coquille.

- Je ne suis pas si renfermée que ça quand même. Et puis je verrai avec le temps. Il faudrait déjà qu'il me réponde.

- Tu n'es pas renfermée mais tu ne laisses personnes s'approcher trop près non plus. Tu nous laisse à peine effleurer la surface.

Je devrais me méfier, elle est un peu trop perspicace à mon goût.

- Si tu le dis.

- Je ne suis pas la seule à le penser. Nous avons tous le même sentiment.

- Génial, vous parlez de moi entre vous maintenant?

- Non pas spécialement, le sujet est arrivé une fois sur le tapis, c'est tout.

- Bon, sur ces bonnes paroles, je vais travailler. Ce n'est pas trop secret pour toi, ça va? lui dis-je un peu blessée d'être le centre de leur attention.

- Ce n'était pas pour te blesser ma belle. Tu fais l'unanimité ici. Nous voulons juste te connaître mieux.

Je me rends compte que je suis un peu trop sur la défensive. Entre le week-end foireux que j'ai eu et la fatigue qui s'accumule, je suis à fleur de peau.

- Désolée, je n'aurais pas dû réagir de la sorte. Je suis juste épuisée.

- Je sais ne t'en fais pas. Allez, vas-y. On se voit tout à l'heure, me dit-elle, un sourire compatissant aux lèvres.

- À tout à l'heure.

La journée se poursuit tant bien que mal. Je m'apprête à partir quand Julien m'appelle.

- Content que tu sois encore là. J'espérais que tu n'étais pas encore partie. J'ai reçu du courrier. Au pire j'aurais laissé la lettre dans ton casier mais tu ne l'aurais eue que demain.

Il me tend la lettre avec un beau sourire.

- Merci. Je ne m'attendais pas à une réponse si rapide.

- Et bien, moi non plus. C'est peut-être de bonne augure.

- Qui sait? Bonne soirée Julien, à demain.

- Bonne soirée à toi ma belle. Prudente sur la route.

Je pars en lui faisant un signe de la main. Je salue Julie et file prendre mon bus. Pour la première fois, je vais pouvoir rentrer directement chez moi.

Ça me fait bizarre d'arriver aussi vite. D'habitude quand je rentre la nuit est déjà tombée. Nous n'en sommes pas loin mais je pourrai encore profiter d'un peu de clarté. Je me prépare un thé, enlève mes chaussures et après avoir déposé ma tasse sur la table du salon, je file m'étaler dans mon divan. Oh le pied intégral. Heureusement j'avais pris le soin de prendre la lettre avant, je ne devrai donc pas me lever pour la récupérer. Avec un petit sourire d'impatience, je l'ouvre enfin.

«Gabriella,

Déjà, j'espère que ça ne te dérange pas si on se tutoie. J'ai horreur de vouvoyer les gens. Je le fais déjà assez dans mon travail.

Cette idée de correspondance est effectivement assez surprenante. Cependant je la trouve intéressante et surtout cela m'empêchera peut-être de m'ennuyer comme un rat mort. Car oui, je m'ennuie. Mon programme est toujours le même. Dormir, soins, examens. Ce n'est pas très folichon comme tu peux le constater. Tant qu'ils n'auront pas retiré ces fichus plâtres, je ne pourrai de toute façon pas faire grand-chose. Comparer à la vie de soldat, c'est plutôt monotone de rester dans son lit et de ne rien faire.

Quant à ta question, je crois que j'aime un mélange de nouveau et d'ancien. Nous avons besoin des nouvelles technologies jusqu'à un certain point. C'est vrai, que ferais-je sans la télévision cette semaine? Elle me tient compagnie. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Les soins actuels ne sont possibles que grâce à la technologie et au numérique. Par contre, comme toi, rien ne m'attire plus qu'un livre papier, quand j'en ai le temps évidemment, ce qui en temps normal n'est pas du tout le cas.

Que préfères-tu comme style de livres? Que prends-tu plaisir à lire?

Tu es toute excusée pour ton manque d'imagination ;-). Après tout, écrire la première lettre n'a sûrement pas été facile.

Bien à toi,

Logan (et plus «soldat Miller» d'accord? C'est tellement formel)».

Il me plaît bien. Je m'attendais à quelqu'un de plus froid. Je me demande comment il est dans la vraie vie. Car écrire c'est bien, c'est même une des manières de communiquer que je préfère mais du coup j'en connais aussi le revers. Pour ma part, je me livre beaucoup plus facilement par écrit qu'en parlant et je ne donne aux autres que le minimum dont ils ont besoin. C'est vrai ce que Sandy m'a dit tout à l'heure. Je ne laisse personne me connaître vraiment. J'ai bien trop peur qu'ils n'aiment pas celle que je suis au fond de moi. Bon, fini de m'apitoyer sur moi-même. Je prends une feuille et un stylo. J'ai une réponse à envoyer.

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On apprend petit à petit à connaître Gabriella. Personnage un peu plus compliqué que ce qu'elle veut bien laisser paraître.
Qu'en pensez-vous? Quelle suite voyez-vous?

Chapitre corrigé le 30/06/18

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