Chapitre 41 - Les parents
Point de vue de Nadine (maman de Gabriella)
Tout va de travers avec Christophe. Mon fils ne veut plus entendre parler de nous jusqu'à ce que nous ayons réglé nos comptes avec Gabriella. Il ne comprend pas que je ne peux pas en parler. Je ne peux rien leur dire. Henry me l'a fait juré il y a bien longtemps. Cela fait presque vingt ans que nous mettons Gabriella de côté. Et j'ai beau savoir que c'est injuste, je ne suis pas assez forte pour aller contre cet état de fait. Enfin, ça c'était avant que Chris nous raconte ce qu'il s'est passé dans la vie de Gaby ces derniers temps. Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas si je pourrais changer mais j'aimerais au moins lui expliquer pourquoi son père est si loin d'elle, pourquoi nous la traitons comme ça.
Christophe doit venir me voir aujourd'hui. Nous profitons qu'Henry ne soit pas là pour pouvoir discuter tranquillement. Je n'ai pas envie de le perdre, c'est mon fils et j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Rien que pour ça, il faut que j'essaie d'arranger les choses avec Gabriella. Je prépare un petit truc à grignoter pour m'occuper les mains ou je vais perdre les pédales. Je ne dors presque plus contrairement à Henry qui dort comme une souche. Il n'est pas du tout préoccupé par la situation, au contraire, il est plus détendu depuis que Gabriella ne vient plus ici.
Je sursaute quand la sonnette retenti. J'étais tellement plongée dans mes pensées que je n'ai pas entendu la voiture de Christophe. Et vu l'heure, ça ne peut être que lui. Je vais donc lui ouvrir.
- Bonjour mon chéri, lui dis-je chaleureusement.
- Bonjour maman, me dit-il tout en fuyant mon regard.
Comment je vais pouvoir supporter tout ça? C'est trop dur. Je soupire en le suivant dans la cuisine. Il s'installe à la table et je lui demande ce qu'il veut boire.
- Un verre d'eau sera très bien, je n'ai pas l'intention de m'éterniser.
- Très bien. Tiens, je t'ai préparé des biscuits. Tu les as toujours adorés.
- Merci, me répond-il sans même tourner les yeux vers le plat.
- Tu comptes me faire la tête encore longtemps?
- Vous comptez nier l'existence de Gabriella encore longtemps?
- Chris, tu sais que c'est compliqué
- Et bien, justement non je n'en sais rien, me coupe-t-il. C'est votre fille, pas une inconnue. Je ne vous comprends pas. C'est une femme géniale qui mérite autre chose que ce que vous lui faites ressentir. Ça me répugne d'avoir pu prendre part à votre petit jeu, même si je ne m'en rendais pas compte, me cracha-t-il, sa voix remplie de dégoût. Mais maintenant, c'est terminé. J'ai bien l'intention de faire partie de la vie de ma sœur et qu'elle fasse partie de la mienne. J'ai failli la perdre et jamais je ne me serais pardonné.
- Mon chéri...
- Non maman, n'essaie pas de m'attendrir. Pourquoi vous êtes comme ça?
- Tu ne connais pas toute l'histoire et Gabriella non plus. Si vous saviez...
- Je n'attends que ça maman. Tu ne crois pas que Gaby a le droit de comprendre pourquoi vous la traiter comme si elle ne faisait pas partie de cette famille?
Je ne dois arrêter de me voiler la face plus longtemps. Je regarde Christophe, il est déterminé à aider sa sœur. Il n'a pas hésité à se battre pour elle. Pourquoi je n'en ferais pas autant? Tant pis, je vais devoir revenir sur ma promesse. J'ai perdu ma fille cette nuit-là, je ne veux pas perdre mon fils maintenant.
- Très bien, soupirais-je, tu as gagné. Tu sais où elle habite?
- Évidemment... Attends, tu ne sais même pas où elle a emménagé?
Je hoche la tête négativement, honteuse.
- Tu veux dire que vous l'avez laissée se débrouiller toute seule sans savoir dans quel endroit elle allait vivre? Pourquoi maman? Toi qui t'intéresse à tout le monde, qui est la première à vouloir aider les autres, tu n'as même pas chercher à savoir où allait habiter ta propre fille? me demande-t-il ahuri.
- Et bien non, ton père n'en voyait pas l'utilité. Elle était loin, elle avait un toit sur sa tête, c'était amplement suffisant pour lui.
- Je ne sais pas ce qui me retient de faire la même chose avec vous.
- Que veux-tu dire?
- Ce que je veux dire? Vous renier maman. C'est tout ce que vous mériteriez tous les deux.
- Non, ne fais pas ça, je t'en supplie.
Je suis en pleurs, je n'ai pas voulu que ça aille si loin. C'était plus facile quand il ne se rendait compte de rien. Mais j'aurais dû me douter que ce secret se retournerait contre moi.
- Je ne le ferai pas mais ce n'est sûrement pas pour vous. Je vais te dire une bonne chose maman, et tu vas bien m'écouter. Si je devais choisir entre ma sœur et vous, mon choix serait vite fait.
Je ne l'ai jamais vu autant en colère. Christophe est quelqu'un de bien et d'intègre, je suis fière de ce qu'il est devenu. Il a décidé de tout tenter pour avoir de nouveau une relation avec sa sœur. Il a plus de courage que je n'en aurai jamais.
- Tu veux bien me conduire chez elle?
- Ce n'est pas une bonne idée. Elle est encore sous le choc de ce qui lui est arrivé et je ne pense pas qu'en rajouter maintenant serait recommandé.
- S'il te plaît...
Je vois qu'il réfléchit. Il doit être en train de peser le pour et le contre. Au moment où j'ai cru qu'il allait refuser, il me surprend.
- Bon très bien, mais tu en assumeras les conséquences et si elle refuse de te voir, je te ramène illico presto. C'est clair?
- Oui, merci mon chéri.
Je prends mes affaires et le suis jusqu'à sa voiture. Le trajet me paraît interminable et trop court à la fois. Je me tords les mains. Celles-ci sont moites. Par la fenêtre, je regarde le paysage défilé, perdue dans mes pensées. Que vais-je bien pouvoir lui dire? Et comment va-t-elle réagir quand elle va me voir? Je ne sais pas combien de temps a duré le voyage mais Christophe s'arrête enfin. Nous sommes au centre ville mais un quartier calme quand même. Ça a l'air bien fréquenté en plus.
- Viens, on va voir si elle est là.
- Je te suis.
Il va jusqu'à un immeuble pas très grand. L'entrée n'est même pas sécurisée et un frisson me parcours le corps en pensant à ce qu'il pourrait lui arriver. Je le vois sonner à l'interphone mais visiblement elle n'est pas là. Il se tourne vers moi et confirme mon intuition.
- On pourrait l'attendre un peu? lui demandais-je tout bas.
- Ok, si dans quinze minutes elle n'est pas là, on s'en va.
- Merci.
Nous nous installons sur un petit banc à proximité de l'entrée. Aucun de nous deux ne parle. Je ne sais pas si je dois espérer qu'elle vienne ou le contraire. Je suis perdue. Nous n'avons pas longtemps à attendre avant d'avoir la réponse à mes interrogations. Je la vois arriver, elle n'a pas changé si ce n'est qu'elle a l'air plus sûre d'elle. Si je ne savais pas ce qu'il lui est arrivé, je ne pourrais jamais le deviner. Elle a toujours été très forte. Bien plus que moi en fait.
- Salut Christophe, comment tu vas?
- Salut Gaby, lui répondit-il.
Elle fait comme si je n'étais pas là. Je tente de l'interpeler.
- Gabriella...
- Tiens tu connais mon nom? Tu te souviens que j'existe? C'est bien «maman», me dit-elle.
J'admets que je l'ai mérité. Elle a bien grandi. S'en suit une conversation plus que houleuse. Je parviens quand même à lui dire qu'il faut que je lui parle avant que Christophe ne m'entraîne vers la voiture. Cette rencontre m'a bouleversée. Mais qu'est-ce que je lui ai fait? Je commence à me rendre compte de l'énorme erreur que j'ai commise. Je n'aurais jamais dû obéir à Henry. J'ai probablement perdu ma fille et je ne peux même pas lui en vouloir à elle. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.
Christophe me dépose à la maison et repart directement sans un mot. La voiture d'Henry est garée sur le parking, il est donc rentré. Je pensais avoir quelques minutes pour me remettre avant de le croiser mais je n'aurai pas cette chance visiblement. Je rentre et je dépose ma veste au porte-manteaux et mon sac sur la commode. Je souffle un bon coup et je rentre dans le salon. Henry est assis dans le divan et lit son journal, comme d'habitude. S'il pouvait ne pas me voir, j'apprécierais mais qui a dit que nous recevons toujours ce que nous demandons?
- Tu es rentrée. Tu étais où? me demande-t-il.
- J'étais avec Christophe.
- Ah bon, il a décidé de nous reparler?
Il attend une réponse qui n'arrive pas. Je ne sais pas comment je vais lui dire.
- Nadine? Qu'est ce qu'il se passe?
- Il est bien venu, soupirais-je mais pour parler de Gabriella.
- Ah. Et où étiez-vous partis?
- On est allé la voir, lui dis-je gênée.
- Et pourquoi faire? Elle n'est rien pour nous. Tu as déjà oublié?
Là je revois Gabriella devant moi qui me balance son ressentiment à la tête. Je la revois petite fille ne comprenant pas pourquoi son père ne veut plus d'elle, pourquoi il la met à l'écart. Enfin, je la revois devenue presque une femme qui subit notre indifférence. S'en est trop, mes larmes coulent d'elles-mêmes. Toutes ces années perdues et que je ne pourrai jamais rattraper. Je le regarde droit dans les yeux, furieuse, contre moi, contre lui.
- Ça fait vingt ans que tu me le répètes tous les jours ou presque. Comment veux-tu que j'oublie, lui répondis-je en criant. Est-ce que tu te rends compte du mal que nous lui avons fait?
- Pourquoi ça vient sur le tapis maintenant? Tu sais très bien ce que j'en pense et pourquoi j'agis comme ça. Tu en es la seule responsable alors ne viens pas te plaindre.
- Je n'ai jamais voulu que ça arrive et tu le sais aussi bien que moi. J'ai perdu ma fille quand tu as décidé de la renier. Je suis en train de perdre mon fils également à cause de ça et je ne le supporterai pas. Alors oui, je suis responsable de la situation mais je crois que j'ai assez payé pour ça non?
- Je t'ai pardonné mais je ne peux pas oublier. Elle est la preuve vivante de ton erreur et tant qu'elle sera là, il sera impossible pour moi de repartir de zéro.
- Et bien tu vas devoir t'y faire. Je ne peux sûrement pas récupérer ma fille mais il est hors de question de perdre Christophe. Il faut qu'on leur explique la situation et ce le plus vite possible.
- Ce sera sans moi. Je ne vois pas l'intérêt de remuer le passé.
- Tu ne comprends rien, hein? Tu le remues tous les jours. Cela fait vingt ans que tu essaies d'évincer Gabriella de nos vies. Et bien félicitations, tu y es parvenu!
- Tant mieux, ça nous fera des vacances, me crie-t-il. Je n'en peux plus de la voir, de l'entendre ou même simplement de respirer le même air qu'elle.
- Tu te rends compte que nous parlons de ma fille? Tu te rends compte qu'elle n'y est pour rien dans cette histoire? Pourquoi tu veux lui faire payer à elle?
- Parce que c'est le meilleur moyen de t'atteindre, me hurle-t-il. Te priver du fruit de tes entrailles était pour moi le meilleur moyen de te punir.
Un blanc s'installe, nous n'avons jamais discuté à coeur ouvert comme maintenant. Je suis tellement stupéfaite qu'aucune réponse ne me vient à l'esprit. Il est debout et regarde par la fenêtre, pensif.
- J'ai essayé de l'aimer, je te jure, j'ai essayé. Mais chaque fois que je la regarde, je vois sa ressemblance avec lui, dans ses yeux, ses cheveux... Même son caractère me fait penser à lui...
- Je dois lui parler, lui expliquer. À défaut de la récupérer, je veux au moins essayer de lui faire comprendre nos choix. Même s'ils sont mauvais mais il est trop tard pour changer la donne de toute façon.
- Et bien, ce sera sans moi.
- Tu es un lâche en somme. Tu n'assumes pas tes propres décisions...
- Ne me parle pas de lâcheté ou de ne pas assumer. Tu n'es pas la mieux placée je pense.
- Tu as raison, je suis une lâche. Si tel n'avait pas été le cas, j'aurais lutté pour elle. Je ne t'aurais pas laisser m'éloigner d'elle. Et puisque tu as décidé de rester dans ton coin, je ne peux pas faire autrement. Je le ferai seule.
Il se dirige vers la porte. Il prend ses clés et sa veste et se retourne vers moi.
- Ne m'attends pas. J'ai besoin de prendre l'air.
- Tu as raison, fais ce que tu sais faire de mieux, fuis. Je ne te retiendrai pas. Pas cette fois, lui dis-je amer.
Il part en claquant la porte derrière lui et je m'effondre dans le canapé. Étrangement, je ne me sens pas triste, juste vide. Jamais il n'oubliera ce qu'il s'est passé. Même après tout ce temps, il m'en veut encore. Il est temps que je grandisse et que je répare ce qui peut l'être.
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Voilà enfin le chapitre suivant. Je trouvais important de donner le point de vue de la maman de Gabriella. On commence à comprendre un peu plus la raison de l'attitude des parents. Tout n'a pas encore été dévoilé cependant.
Alors comment trouvez-vous ce chapitre? Qu'en pensez-vous?
Chapitre corrigé le 1/07/18
Bisouilles
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