Chapitre 40 - Exorciser
Point de Gabriella
Je suis revenue par petites touches. Le premier jour, je suis restée dans mon bureau et encore, j'ai tenu deux heures. Deux heures infernales durant lesquelles je n'ai pas arrêter de trembler, je sursautais au moindre bruit, à la moindre personne qui venait frapper à ma porte. Le deuxième jour s'est déroulé à peu près comme le premier mais j'ai tenu bon la matinée. Les jours suivants ont été du même genre. J'ai l'impression d'être un enfant qui apprend à marcher, c'est frustrant. Non mais sérieusement, j'ai travaillé ici pendant des mois sans la moindre crainte et maintenant la plus petite chose est une épreuve. J'en ai marre de tout ça, je veux avoir une vie normale. Je veux rire de nouveau. À l'appartement tout se passe à merveille, excepté les cauchemars qui eux sont toujours là, j'ai repris mes activités habituelles. Pourquoi cela n'est-il pas aussi simple au boulot? Kevin me pourrit vraiment l'existence et cela n'a que trop duré. Je suis plus forte que ça, que lui.
Je suis dans mon bureau et mes crises d'angoisses se sont espacées mais je n'ai toujours pas repris les rendez-vous de l'après-midi et ça me manque. Aujourd'hui, c'est décidé, j'y retourne. Même si les résidents viennent me voir régulièrement ce n'est pas la même chose. Je prends mon courage à deux mains et me dirige vers la salle commune. Ils sont déjà tous installés avec Julien qui a pris ma place provisoirement. Au moment où je franchis la porte, ils sont en grandes conversations sur je ne sais quel sujet. Je me concentre pour ne pas avoir de crise alors la conversation m'importe peu. Ils me regardent et Julien se tourne vers moi. Il doit probablement se demander qui arrive pour attirer ainsi l'attention des autres. Je vois dans ses yeux une lueur de surprise mais aussi de joie. Cependant il continue comme si de rien était et je lui en suis reconnaissante. Je vais m'installer près de Franck qui m'a fait une petite place. Il met sa main sur ma jambe pour m'encourager. Je reste là toute la durée de la séance et je vais vous dire, ça me fait un bien fou. Je suis fière d'être revenue. Il me reste cependant une étape cruciale pour que ma guérison soit complète. Je dois retourner dans la salle de soin de Kevin. Et ça c'est une autre histoire. D'après Julien, ils ont fait quelques modifications pour que nous puissions tous reprendre de nouvelles bases.
La séance se termine dans la bonne humeur et c'est avec un certain plaisir que je discute avec les autres. Je lance fréquemment des coups d'oeil vers le couloir où cela s'est passé. Franck le remarque puisqu'il se rapproche de moi et m'interpelle
- Tu comptes y retourner?
Je sais de quoi il veut parler, je ne lui fais donc pas l'affront de lui demander de quoi il parle.
- Je ne sais pas. D'un côté, ça me fout une trouille bleue et d'un autre, il faut que je passe cette étape pour pouvoir me reconstruire complètement.
- Tu vas y arriver Gaby. Tu as traversé pas mal d'épreuves jusqu'à maintenant et tu t'en es toujours relevée. Pourquoi ce serait différent aujourd'hui?
- Je ne sais pas. J'ai peur Franck.
- Le contraire serait étonnant. Tu oublies juste un détail.
- Lequel?
- Tu n'es pas obligée de le faire seule. Tu nous as maintenant. N'importe qui ici est prêt à t'accompagner.
Je le regarde incertaine. Que faire? Je sais que je pourrais retarder le moment mais à quoi bon? Kevin ne doit pas avoir le dessus. Je regarde tous ces gens qui m'entourent et qui sont là pour moi si j'en ai besoin. Je dois le faire pour moi mais aussi pour eux.Je respire un bon coup. Franck a raison, je peux le faire.
- Tu m'accompagnes?
Après tout il était avec moi quand tout a été terminé. Il serait logique que ce soit lui qui vienne. Histoire de boucler la boucle.
- Viens, me dit-il en me tendant la main.
Je la prends et la serre avant de la lâcher pour pousser son fauteuil. Plus nous avançons et plus mes mains deviennent moites et serrent les poignées. J'entends des pas derrière nous, je me retourne. Ils sont tous là. Ils nous suivent en silence. Je ferme les yeux avant de reprendre ma route. La porte est là devant nous. Bon, allez Gaby, ce n'est qu'une porte et derrière ce n'est qu'une salle comme une autre. Je lâche Franck et m'avance. Je prends la poignée de la porte et l'ouvre.
- Vas-y Gaby, tu peux y arriver, me dit Franck.
- Ouais vas-y ma belle, me dit Louis à son tour.
Je leur souris même si je suis loin de sourire à l'intérieur. J'ai une grosse boule au fond de la gorge et mon coeur bat la chamade. Je rentre puis j'observe la pièce. Elle a effectivement subi une transformation. Les murs qui étaient d'une couleur crème sont dorénavant dans une teinte de lilas. Les meubles sont en bois blanc et une plante verte est installée dans le coin. Même la table de soin a laissé place à un modèle tout neuf entouré d'un immense essuie assorti aux murs. Ils ont même installé un miroir sur pied, sûrement pour que les patients puissent voir leurs exercices. L'ensemble est juste magnifique. Les larmes coulent sur mes joues mais de soulagement. Ils sont parvenus à effacer toute trace de cet incident et par la même occasion de Kevin. Je sens une main prendre la mienne. Je sais que c'est Franck. Ce qui me surprend plus c'est que quelqu'un me serre l'autre également. Je me tourne pour voir qui est de l'autre côté et je suis étonnée de voir Julien. Je le regarde sans comprendre.
- Nous sommes tous là pour t'aider Gabriella, me dit-il. Nous avons tous été marqués par cette histoire et le fait que tu reviennes dans cette pièce est un peu une libération pour tout le monde. On a voulu que ce cabinet soit chaleureux, à ton image.
Mon Dieu, je n'aurais jamais cru possible que des gens tiennent autant à moi. C'est plus qu'un travail que j'ai trouvé ici, c'est une famille, ma famille de coeur. Bien plus importante que ma famille de sang ou presque. Je ne dois pas oublier Christophe qui est la seule personne de mon sang que je considère comme ma famille. Je sors de la salle avec un grand sourire. Je l'ai fait, j'ai battu mes démons. Je peux enfin aller de l'avant.
Je décide de rentrer chez nous et de préparer une surprise à Logan. Mais ce n'est pas lui qui a eu une surprise, c'est moi. Arrivée devant mon immeuble, je me stoppe net. Ma mère est là avec Christophe. Je n'aurai donc pas de répit, soufflais-je. Je ne peux pas les éviter donc autant l'affronter ou faire comme si elle n'était pas là. C'est une option que je trouve très agréable.
- Salut Christophe, comment tu vas?
- Salut Gaby, me dit-il contrit.
- Gabriella...
- Tiens tu connais mon nom? Tu te souviens que j'existe? C'est bien «maman», lui dis-je en appuyant bien sur le dernier mot.
- Gabriella, me dit-elle presque suppliante.
- Non maman, j'en ai bavé ces derniers temps, je n'ai pas besoin que tu en rajoutes. Vous m'avez ignorée pendant des années, je t'en prie, continue.
- Christophe nous a raconté ce qu'il t'est arrivé...
- Et il n'aurait pas dû, répondis-je en fusillant mon frère du regard. De toute façon, qu'est-ce que vous en avez à faire?
- Tu es injuste
- Ah non, ne m'entraîne pas sur ce terrain. D'ailleurs, tu ferais bien de regarder dans un dictionnaire la définition de l'injustice. Christophe, ramène-là chez eux s'il te plait.
- Mais...
- Non maman, je vais faire une surprise à mon compagnon. Vu que tu t'intéresses tellement à moi, tu dois savoir que je ne vis plus seule, non?
Je sais que je peux paraître méchante mais pour une fois que je me sens bien, je n'ai pas envie qu'elle me gâche ce moment.
- Pour une fois depuis très longtemps, je me sens bien et j'ai envie d'en profiter. J'avais dit à Chris que je voulais bien participer à un repas familial avec vous et c'est toujours d'actualité, ça a juste été reporté. Tenons-nous en là s'il te plaît.
- Très bien. Mais nous devons vraiment parler. Il y a des choses que j'aurais du te dire il y a longtemps.
- Elles attendront encore un peu dans ce cas. On n'est plus à quelques jours près. À la prochaine Chris, on s'appelle d'accord? dis-je en me tournant vers lui.
- Salut sœurette, je te contacte demain, me dit-il en venant embrasser ma joue.
Ils partent tous les deux me laissant seule devant notre immeuble. Pourquoi elle arrive maintenant? Comme si je n'en avais pas assez avec Kevin.
Je respire un bon coup et je rentre enfin à l'appartement. Je ne la laisserai pas gâcher notre soirée. Je commence à préparer le repas quand j'entends la clé dans la serrure. Ni une ni deux, je laisse mes casseroles et je cours me jeter dans les bras de Logan. S'il est surpris par un tel accueil, il n'en laisse cependant rien paraître et me serre contre lui. Nous restons comme ça un long moment et j'en apprécie chaque minute.
- Et bien, et bien. Pas que ça me dérange mais que me vaut un tel accueil? me dit-il.
- Je suis bien et j'ai quelque chose à partager avec toi en plus.
- Ah oui, tu m'intrigues.
- Je dois surveiller le repas mais je reviens tout de suite, lui dis-je en embrassant le bout de son nez.
- Je vais vite prendre une douche dans ce cas, j'arrive.
Nous allons chacun vaquer à nos tâches. Quelques minutes plus tard, nous nous installons pour manger.
- Alors, maintenant qu'on est tranquille, qu'est-ce qui te met de si bonne humeur?
Je lui raconte ma journée et je peux voir ses yeux briller. Je dirais qu'il a l'air ravi. Cette idée est confirmée puisqu'une fois mon récit terminé, il me dit qu'il est fier de moi.
- Il faudra que je trouve un moyen pour les remercier de s'occuper aussi bien de toi, me dit-il.
- Ils le méritent tous. Toi aussi d'ailleurs. Sans vous, je ne sais pas où j'en serais maintenant.
- Ne raconte pas de bêtise s'il te plaît. Tu t'en sortais très bien avant de nous connaître.
- Moui, mais ma vie n'était pas trépidante.
- C'est vrai que de ce côté-là, tu t'es rattrapée, me dit-il avant d'éclater de rire.
- Oh, ça va hein!
Cependant, j'ai beau essayer d'être fâchée, je ne peux m'empêcher de le suivre dans son fou-rire. J'ai l'impression que le fait d'avoir oser franchir les derniers obstacles tout à l'heure m'a libérée.
- Et si on allait se promener un peu, rien que tous les deux? Il y a un parc pas loin et je n'ai pas encore eu l'occasion d'y aller, me dit-il.
- Ce serait génial, ça fait longtemps que je ne suis plus sortie pour le plaisir de sortir et pouvoir enfin profiter de l'extérieur sans avoir à craindre quoique ce soit me ferait vraiment du bien.
- C'est décidé alors. Laisse la table, je m'en occuperai quand on rentre.
- Je ne vais sûrement pas faire celle qui ne veut pas que les hommes touchent à la vaisselle, lui dis-je en riant.
- Zut moi qui pensais que tu ne ferais pas attention à ma phrase, rigole-t-il.
- Arrête tes bêtises et emmène-moi mon preux chevalier.
- Mon fidèle destrier n'attend que vous madame.
Il m'ouvre la porte, me tend la main paume vers le haut afin que j'y dépose la mienne et me fait un baise-main avant de m'attirer dehors. Il est vraiment trop drôle. Nous passons une excellente soirée, à gambader main dans la main. Nous avons même fait un arrêt sur un banc, blottis l'un contre l'autre. La touche finale à une journée qui restera gravée dans ma mémoire.
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Il est enfin là! Je m'excuse du retard, je sais que je ne vous ai pas habitué à ça mais je viens de commencer une formation et du coup, j'ai moins de temps.
La maman qui pointe le bout de son nez... le soutien des autres... la vie de Gabriella est encore un peu secouée :-)
Chapitre corrigé le 1/07/18
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