Chapitre 21 - Ma pierre à l'édifice

Point de vue de Gabriella

Deux semaines qu'il est parti et que je n'ai aucune nouvelle. Il m'a bien expliqué que les liaisons avec Skype ne sont pas toujours possibles mais bon sang, ce que ça peut paraître long. Comment font les femmes de militaires? C'est la première fois que je fais cette expérience et franchement ça ne me donne pas envie de recommencer. Je me ronge les sangs du matin au soir et la nuit je fais des cauchemars. Dans le plus récent, j'apprenais que Logan n'avait pas survécu suite à une attaque de rebelles. Je peux vous dire que je me suis réveillée en pleurs. J'ai eu un mal de chien à me convaincre que ce n'était qu'un rêve et qu'il allait bien. Évidemment, après, plus moyen de me rendormir. Donc en résumé, mes nuits sont très courtes et mes journées bien remplies. À ce rythme, je ne sais pas comment je vais tenir les semaines à venir parce que dans deux semaines ce sont les examens et que je vais devoir étudier à fond si je veux réussir. Ceci dit, quand je ne suis pas au centre et que je commence à stresser en pensant à Logan, je me plonge dans mes livres. Ça me permet de m'avancer et d'essayer (j'ai bien dit essayer) de ne pas m'imaginer des situations pire les unes que les autres. Je parle beaucoup aux résidents également. Ce sont des amours. Ils connaissent mon histoire avec Logan et essaient de me rassurer en me parlant de leur propre histoire ou en me racontant des anecdotes. Ce qui est drôle, c'est qu'une petite routine s'est formée. Au début, je discutais avec un ou deux soldats. Nous pouvions rester pendant longtemps à discuter de tout et de rien. Puis au fur et à mesure, des gens se sont rajoutés à notre petit cercle pour finir par reprendre pratiquement toutes les personnes présentes. Chacun racontant son petit bout d'histoire, drôle souvent, triste de temps en temps. Une vraie solidarité s'est créée. Cela a permis aussi à des personnes qui ne se seraient peut-être pas croisées de faire connaissance. Comme cela fait partie de mon travail, Julien n'y trouve rien à en dire, au contraire, il trouve que ça permet aux patients de s'ouvrir. Je ne serai pas restée longtemps ici mais j'aurais au moins aidé pas mal de monde et j'espère que cette petite séance journalière restera après mon départ. Je peux voir que les résidents sont plus heureux grâce à ça et après m'être entretenue avec les kinésithérapeutes et autres médecins, j'ai eu confirmation que leur santé s'était également améliorée. J'en suis la première étonnée mais d'un autre côté, ne dit-on pas qu'il est plus facile de guérir lorsque nous sommes soutenus?

J'arrive au centre à l'heure malgré ma course effrénée de ce matin. Qui dit ne pas beaucoup dormir dit aussi réveil difficile. Comme je ne dors pas le nombre d'heures dont j'ai besoin depuis deux semaines, je commence à le payer. Et à en croire le regard de Julie quand je lui dis bonjour, je dirais bien que j'ai une sale tête.

- C'est si terrible que ça? lui demandais-je

- Et bien, on dirait que tu t'es maquillée pour participer au tournage d'un film d'horreur, me répondit-elle gênée.

- À ce point-là? lui dis-je avec désespoir.

- Et bien, je dois dire que plus le temps passe et plus tes cernes sont profonds et foncés. Sans parler de ton teint légèrement cadavérique, me dit-elle en rigolant.

- Super! Et ce n'est pas prêt de finir vu le programme du mois prochain, soupirais-je.

- Tiens bon, ça vaut le coup. Si tu as besoin de quelque chose, n'hésite pas à demander. Je suis sûre que dans ces charmants messieurs, il y en aurait bien un ou deux qui ferait n'importe quoi pour t'aider.

- Mouais. Je prends bonne note. En parlant de ces charmants messieurs, je vais aller les rejoindre avant d'avoir une émeute sur les bras, lui dis-je en rigolant. Il me semble qu'ils ont l'air bien agité ce matin.

- Effectivement, Franck a encore fait des siennes. Il en fait voir de toutes les couleurs aux infirmières et les autres ont décidé d'en rajouter une couche, me dit-elle en levant les yeux au ciel.

- En tout cas, on ne s'ennuie pas avec lui. Ce sera bien calme quand il rentrera chez lui. Bon j'y vais. À tout à l'heure.

- Bon courage, à tout à l'heure.

Comme d'habitude, je vais déposer mes affaires avant de me rendre auprès des patients. Je vois Franck en train d'embêter Sandy, il est vraiment irrécupérable.

- Bonjour tout le monde. Alors Franck, vous vous ennuyez tant que ça que vous embêtez cette pauvre Sandy?

- Oh Gabriella, Sandy adore ça. Après tout, qui peut me résister? me dit-il avant d'éclater de rire.

Tout le monde le suit dans son fou-rire, même Sandy. L'ambiance est bon enfant. Je ne sais pas si je vais pouvoir trouver la même chose ailleurs et ça me rend un peu triste.

- Allez, un peu de sérieux. Vous n'aviez pas une séance de kiné ce matin?

- Maintenant que vous me le dites, je crois bien que ça a vaguement été évoqué, me dit-il avec un sourire. Vous m'accompagnez?

- Volontiers. Je me tourne ensuite vers les autres. Je crois que vous avez tous quelque chose de prévu si je ne m'abuse. Allez zou, au travail, dis-je en souriant.

Je les entends maugréer mais ils se dirigent tous vers le couloir réservé aux différents soins. Je prends la chaise roulante de Franck et le pousse vers la pièce réservée à la kinésithérapie. Je dois de toute façon faire mon petit tour avant d'aller à mon bureau et puis ça me fait du bien d'avoir un peu de compagnie après cette énième mauvaise nuit. J'arrive à destination et frappe à la porte. Kevin, le kiné, ouvre et regarde Franck avec un air mi-amusé, mi-fâché.

- Alors Franck, on m'a oublié?

- Il s'amusait à embêter cette pauvre Sandy, lui répondis-je avant le concerné.

- Elle est trop jeune pour vous, dit Kevin à l'adresse de Franck, je vous l'ai déjà dit.

- Mais elle est tellement mignonne quand elle rougit, dit le patient d'un air taquin.

- Bon, messieurs, je vous laisse. Je vais continuer ma journée.

Ils me disent tous les deux au revoir et je continue ma tournée. Je vérifie que tout va bien pour les autres patients et file dans mon bureau. Je n'oublie cependant pas de prendre un thé en passant à la cuisine, histoire de me booster un petit coup.

Ma tasse en main, je m'assieds à mon bureau et regarde la pile de dossiers qui m'attend. Entre les arrivées, les départs, les soldats qui doivent aller dans la partie maison de retraite après leur passage ici et le reste, j'en ai pour des heures. Je me plonge dans le travail et me concentre un maximum. Je ne vois pas le temps défiler pour une fois. J'entends frapper à ma porte. Je dis à la personne d'entrer et quand je lève enfin les yeux, j'aperçois Julien devant mon bureau en train d'attendre que je termine.

- Bonjour Julien. Comment vas-tu?

- Des tas de trucs à régler qui prennent la tête comme d'habitude me dit-il tout sourire. Et toi, comment vas-tu?

- Je te dirais bien que ça va mais ce serait un mensonge. Je suis crevée, dis-je en soupirant et en passant mes mains dans mes cheveux.

- Je vois ça. Tu travailles trop, tu devrais te reposer un peu.

- J'aimerais bien mais franchement je n'en ai pas le temps pour le moment.

- Fait attention ou tu vas de nouveau te retrouver en clinique.

- Oui papa, lui dis-je en souriant.

- Plus sérieusement. Tu parviens à dormir au moins?

- Pas trop, avouais-je. Depuis que Logan est parti en mission j'ai du mal à dormir et le peu d'heures de sommeil que je parviens à glaner sont remplies de cauchemars.

- Et bien. Je sais que tu es jeune mais fais gaffe quand même.

- De toute façon, d'ici deux semaines j'aurai fini mon stage. Je ne devrai donc plus me concentrer que sur les examens. Ce sera déjà ça de pris.

- Au fait, tu as déjà trouvé une place pour quand tu auras obtenu ton diplôme?

- Je dois t'avouer que je n'ai pas eu trop le temps de chercher. Je suis déjà contente quand j'ai le temps de manger.

Il pose un regard réprobateur sur moi. Il sait où ça m'a menée la dernière fois. Il regarde sa montre, je fais de même et me rends compte qu'il est déjà passé 13 heures et que je n'ai toujours rien avalé.

- Tu n'as pas encore mangé je me trompe? me demande-t-il.

- Et bien non, lui répondis-je penaude.

- C'est bien ce que je pensais. Je te propose de venir manger avec moi à la cafétéria. Je dois te parler de quelque chose, on fera d'une pierre deux coups comme ça.

- Très bien je te suis.

Je me lève et nous nous dirigeons vers la cafétéria. Nous passons au buffet pour prendre notre repas. Je me décide pour un sandwich poulet crudités et Julien pour un sandwich thon mayonnaise. La plupart du personnel a déjà mangé, nous n'avons donc aucun mal à trouver une table libre. Nous nous asseyons et commençons à manger. C'est seulement maintenant que je me rends compte à quel point j'ai faim.

- Alors, de quoi voulais-tu me parler?

- Est-ce que tu te plais ici? Je veux dire pour travailler?

- Franchement, j'adore. Je suis ravie d'avoir fait mon stage ici. J'ai appris énormément et j'ai fait de fabuleuses rencontres. Pour tout te dire, cet endroit va me manquer.

- C'est ce que je voulais entendre. Écoute, tu es au courant que nous avons eu quelques problèmes avec le personnel récemment...

- Effectivement tu m'en avais parlé. Qu'est-ce que ça a à voir avec moi? Tu n'es pas content de mon travail? lui demandais-je soudain inquiète.

- Au contraire. Tout le monde t'adore et tu fais du bon travail. En plus, j'ai encore eu une preuve de tes qualités humaines cette semaine. Pour être franc, je n'ai jamais vu les résidents aussi soudés que maintenant. Une vraie complicité s'est créée entre eux et c'est entièrement grâce à toi. Sans t'en rendre compte, tu pousses les gens à s'ouvrir et à donner le meilleur d'eux-même.

Dire que je reste bouche bée est un euphémisme. Je ne sais plus où me mettre et j'en avale même de travers la gorgée d'eau que je viens d'avaler. Je tousse et je sens que Julien tapote dans mon dos pour faire passer la toux. Après avoir repris contenance, je relève la tête, gênée.

- Merci Julien. Ça me touche beaucoup que tu apprécies ce que je fais.

- Je suis juste honnête. Et toutes les personnes ici sont d'accord avec moi. C'est pour ça que j'aimerais te proposer de revenir travailler ici après l'obtention de ton diplôme. Plus en tant que stagiaire mais bien en tant qu'employée. Ce serait un contrat à durée indéterminée et si tu acceptes, tu auras les mêmes avantages que nous.

- ...

Je bugue complètement. Je ne m'attendais absolument pas à ça. Devant mon manque de réaction, Julien enchaîne

- Évidemment, je te laisse le temps de la réflexion. Tu as jusqu'à la fin de la semaine pour te décider. Ce sera suffisant

- Je n'ai pas besoin de réfléchir, le coupais-je. Je serais vraiment heureuse de rester ici avec vous.

Je vois un grand sourire se former sur son visage et dans ma tête j'entame une danse de la joie. Oui je sais, on dirait une gamine mais je m'en fiche, j'en suis encore une dans des moments comme celui-ci. Il me tend alors la main, je la prends et lui serre.

- Bienvenue parmi nous Gabriella.

- Merci, lui dis-je en le serrant dans mes bras.

- Tu le mérites, franchement. Tu pourras passer demain à mon bureau pour signer les papiers.

- Je serai là à la première heure, lui dis-je avec un grand sourire.

- Je n'en doute pas une seconde.

Nous ramenons nos plateaux après avoir terminer de manger et sortons de la cafétéria. Nous passons devant la salle de repos et d'un coup, j'entends Julien crier aux personnes présentes

- Elle a dit oui!

Je suis complètement éberluée. Je ne m'attendais pas à sa réaction ni à celle des autres. Je pourrais croire qu'il m'a demandée en mariage au vu des applaudissements qui envahissent la pièce. Je dois être aussi rouge qu'une tomate mais je suis heureuse et c'est tout ce qui compte. Si seulement Logan était là pour partager ça avec moi, je serais la plus heureuse des femmes.

------------------------------

Voici enfin le chapitre du jour. Pour être franche, il n'était pas encore écrit et comme je suis partie toute la journée, j'ai vraiment cru ne pas arriver à le poster aujourd'hui.

J'attends vos commentaires avec impatience. Passez un excellent samedi soir et un bon dimanche.

Bisouilles

Chapitre corrigé le 1/07/18

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top