Chapitre 11 - La rencontre
Point de vue de Gabriella
Après des mois de correspondance, nous allons enfin nous rencontrer. J'appréhende ce moment. Comment va-t-il me trouver? Et si je ne lui plais pas? Plus le rendez-vous approche et plus ces questions tournent en boucle dans ma tête. Il n'y a aucune raison que cela se passe mal. N'est-ce pas? Je soupire un bon coup.
- Allez Gaby, secoue-toi un peu.
Je vais prendre mes vêtements et me dirige vers la salle de bain. J'ai décidé de mettre une jupe noire, un chemisier bordeaux ainsi qu'un gilet assorti. Je m'habille et je me maquille légèrement. Voilà, je suis prête. Je regarde ma montre.
- Respire, il te reste dix minutes avant de partir.
Je vais dans le salon, enfile mes bottes. Je vérifie que j'ai bien tout éteint.
- C'est bon, on y va.
Je prends mon manteau et mes clés et sors de l'appartement. Après avoir verrouillé ce dernier, je vais à l'arrêt de bus et l'attrape de justesse. Nous avons rendez-vous dans un café du centre. Après vingt minutes de trajet, j'arrive enfin sur place. Je rentre dans l'établissement et m'installe près de la fenêtre. J'avoue que je suis en avance. J'avais peur d'arriver en retard et puis on ne sait jamais ce qu'il peut se passer sur la route. Je commande un thé glacé et sors mon livre.
- Bon, autant le fermer, je n'y arriverai pas.
Je soupire, agacée contre moi-même. Je suis trop nerveuse pour lire la moindre ligne. Je vois qu'il est censé arrivé dans 5 minutes. Je décide de regarder les passants dans la rue. Je souris quand je vois un couple de personnes âgées qui se tient la main. J'ai l'impression de revoir mes grands-parents. Ils se sont aimés pendant plus de soixante ans. Ils m'ont toujours servis d'exemple. Ils avaient beau se chamailler à longueur de journée, ils devaient toujours être l'un près de l'autre. Quand ma grand-mère est décédée, mon grand-père ne lui a survécu qu'un an. J'aimerais connaître un amour comme le leur. Peut-être est-ce une utopie ou peut-être pas. La seule chose dont je sois sûre est que je ne suis pas faite pour être seule. Mes pensées sont coupées quand je le vois. Il est exactement comme sur la photo qu'il m'a envoyée. Il est de l'autre côté de la rue. Mes yeux ne peuvent pas se détacher de lui. Il a dû sentir que quelqu'un le regardait car il tourne la tête vers moi. Nos regards s'accrochent. Mon coeur bat la chamade, ma respiration est saccadée. Mes mains deviennent moites. Tout à coup, il rompt le contact et part dans la direction opposée au café.
Je ne comprends pas. Que se passe-t-il? Il est peut-être parti traverser au carrefour. J'attends quelques minutes mais je ne le vois toujours pas arriver. J'ai compris, il ne veut plus me voir. Il est déçu. Comment ai-je pu croire que je pourrais lui plaire? Je paie ma consommation et sors du café. Je regarde partout pour être sûre mais je ne le vois toujours pas. J'aurais du m'en douter. Je ne suis pas assez jolie pour attirer les hommes. Je décide de retourner à l'arrêt de bus. Je n'ai plus rien à faire ici. J'ai les larmes aux yeux. Je suis stupide. Je devrais me contenter de ce que j'ai plutôt que de rêver à l'impossible. Après quelques pas, j'entends quelqu'un crier mon prénom. Une fois, deux fois. A la troisième fois, je m'arrête. Une main se pose sur mon épaule. Une douce chaleur se répand automatiquement et me donne des frissons.
- Gabriella?
Je n'ose pas me retourner. J'ai peur que ce ne soit un rêve.
- C'est bien toi, non? Pourquoi tu pars?
- Logan?
- Oui. Retourne-toi. S'il te plaît.
Je ne peux faire autrement que de lui obéir. Ses yeux sont incroyables. Mon cerveau se déconnecte quelques secondes jusqu'à ce qu'il me parle.
- Pourquoi tu pars? Tu ne veux pas qu'on se rencontre finalement?
- Non j'en ai toujours envie. C'est juste que je pensais que tu ne voulais plus me voir. Je sais que tu m'as repérée derrière la fenêtre du café et tu es parti de l'autre côté. Ne te voyant pas revenir, j'ai cru...
- Tu as cru que je ne voulais plus te voir.
- Oui, c'est bête hein?
- Plutôt oui. Tiens, c'est pour toi.
Je le regarde sans comprendre jusqu'à ce que mes yeux soient attirés par un mélange de couleurs. Un bouquet de fleurs.
- C'est pour ça que je suis parti. J'ai repéré un fleuriste et j'ai eu envie de marquer le coup.
- Je suis vraiment désolée, lui dis-je au comble de la gêne.
- C'est pas grave. Tu vas te rattraper dès maintenant. On va le boire ce verre? me dit-il en me prenant la main.
Mon cerveau a bugué à son contact. Je mets un certain temps avant de revenir à la réalité et de constater qu'il attend ma réponse.
- Euh oui, oui avec plaisir.
Ça y est, il doit me prendre pour une folle mais bon, j'ai l'habitude. Nous nous dirigeons vers le café que je viens de quitter. Le barman me reconnaît et me fait un sourire. Je sens Logan qui se tend jusqu'à ce que nous arrivions à la table qui est restée vide.
- Qu'est-ce qui ne va pas? Tu veux qu'on change d'endroit? lui demandais-je soucieuse.
- Non, ici c'est parfait. Tu connais le barman? me demande-t-il à voix basse.
Et là ça fait tilt. Serait-il jaloux? Non, impossible.
- Non, il doit juste se rappeler que je viens de partir presqu'en courant, lui répondis-je en rigolant.
Ça doit le rassurer parce qu'il se détend automatiquement. Nous passons commande et commençons à discuter en attendant nos consommations.
- Comment tu te sens? lui demandais-je curieuse.
- Ça va. Je suis bien remis et prêt à me défouler. Pour être franc, ça me manque terriblement. Rester alité autant de temps n'est pas fait pour moi, me répond-il en riant.
- J'imagine que ça n'a pas du être une partie de plaisir. Au fait, ça a été pour rentrer à la caserne? Pas trop dur?
- Figure-toi que j'ai eu droit à un comité d'accueil.
Il a l'air perdu dans ses pensées d'un coup. Inconsciemment ou non, il me prend la main et son pouce commence à caresser le dos de celle-ci. Je mentirais si je disais que ça me déplaît. Au contraire. Une douce chaleur monte de ma main pour arriver directement plus haut. Une sensation très agréable et dérangeante en même temps. Je ne sais pas comment réagir, c'est la première fois que je ressens ce genre de sensations. Je décide de reprendre le fil de la discussion, histoire de faire diversion au tournant que prennent mes pensées.
- Ah oui? Explique-moi un peu ça, lui dis-je avec un sourire.
- Tous les gars de mon régiment étaient là à mon arrivée. Ils ont même organisé une petite fête.
Il a l'air ému et ... étonné. Oui étonné. Il me donne juste l'impression de ne pas être habitué à ce type de comportement.
- C'est gentil de leur part.
Nous sommes interrompus par le serveur qui nous apporte nos boissons. Je pensais qu'il en profiterait pour lâcher ma main mais pas du tout.
- J'avais hâte de te voir, me dit-il dès que nous sommes seuls.
- Moi aussi. Pour être franche, j'étais assez anxieuse. Je sais que ça fait longtemps qu'on discute mais...
- Se rencontrer est une étape en plus, me coupe-t-il. J'étais comme toi. Je suis une vraie pile électrique depuis ce matin. D'ailleurs, les gars n'ont pas arrêté de me charrier.
J'imagine la scène d'ici. Ça doit être bien d'avoir quelqu'un qui se préoccupe assez de vous pour vous taquiner de la sorte. À part Andréa, et encore, personne ne tient assez à moi pour le faire. Bon, Gaby, pense à autre chose. Logan est devant toi profites-en plutôt que de te morfondre.
- Je suis sûre qu'ils ne t'ont pas loupé, dis-je en rigolant. Comment ça se passe dans une caserne? Je ne connais personne en dehors de toi qui y vive et je suis un peu curieuse.
Il me raconte par le menu tout ce qu'ils font. De sa chambre qu'il partage avec un certain Thomas, en passant par la cantine pour en arriver aux entraînements.
- En parlant d'entraînements, tu les recommences tout de suite?
- Oui, ils n'ont pas pitié de moi, me dit-il en rigolant. Par contre, ils sont allégés au début et augmenteront progressivement jusqu'à ce que je retrouve le niveau que j'avais avant. Mais dis-moi, on parle beaucoup de moi et tu ne m'as encore rien dit de toi.
- Oh, il n'y a pas grand-chose à dire. Ma vie n'est absolument pas captivante par rapport à la tienne.
- Je suis sûr qu'il y a des choses à dire quand même. Et autres que celles que tu m'as déjà dites, me dit-il me faisant un clin d'oeil.
- Je t'ai déjà dit tout ce qu'il y avait d'intéressant, lui répondis-je gênée.
- Oh non, ne crois pas t'en tirer comme ça. Tu me parles tout le temps du centre et de tes cours mais, par exemple, tu ne m'as jamais parlé de ta famille.
- Il n'y a pas grand chose à en dire tout simplement.
Je suis plutôt mal à l'aise. Que pensera-t-il de moi quand il saura quelle place mes parents et mon frère me réservent? Je n'ai pas envie qu'il ai une mauvaise opinion de moi.
- Bon, je vais entamer dans ce cas. Mon père s'appelait Jack et ma mère Dakota.
- Dakota? Ce n'est pas courant comme prénom.
- Effectivement. Ma mère était américaine. Mon père et elle se sont rencontrés pendant un voyage de ce dernier. Il était français et voulait découvrir les États-Unis.
- Comment se fait-il que tu vives ici et pas là-bas?
- Mon père devait revenir en France pour son travail. Comme ma mère ne voulait pas qu'ils se séparent, elle a décidé de venir ici. Ils se sont mariés un an plus tard et j'ai pointé le bout de mon nez, me dit-il un sourire nostalgique aux lèvres. À toi maintenant.
- Si tu y tiens. Mon père s'appelle Henry et ma mère Nadine. Il est chauffeur de bus et elle est institutrice. J'ai un frère qui s'appelle Christophe. C'est mon aîné de 3 ans. Tu parles de tes parents au passé, que s'est-il passé? lui dis-je, désireuse de changer de sujet.
- Ils sont morts dans un accident de voiture il y a dix ans.
- Je suis désolée.
Je serre légèrement sa main. Il parle d'eux avec tellement d'amour que ça a dû être une tragédie de les perdre. C'est très loin de ce que je vis de mon côté.
- La cicatrice a eu le temps se refermer mais ils me manquent toujours autant.
La conversation continue comme ça encore pendant une bonne heure. Je me sens tellement bien en sa compagnie que je ne vois pas le temps passer. Dans un réflexe, je regarde ma montre et écarquille les yeux.
- Tu dois rentrer à quelle heure?
- Je n'ai pas d'heure précise. Ils m'ont laissé quartier libre tout le week-end. Et toi, tu as des projets?
- Quelqu'un m'attend à la maison...
- Oh tu dois peut-être y aller alors, me dit-il déçu.
- Il ne m'a pas donné d'heure pour rentrer, il m'attend patiemment sur mon lit, lui dis-je malicieuse.
- Tu as quelqu'un et tu ne me l'as pas dit?
Il veut retirer sa main mais je l'en empêche.
- Oui j'ai quelqu'un. Il est très doux, tout poilu et n'a pas énormément de conversation. Par contre il partage mes nuits depuis le 24 décembre.
Je vois directement quand il comprend de qui je veux parler. Il éclate de rire et je ne peux que le suivre.
- Décidément, il m'aura déjà bien rendu jaloux celui-là, me dit-il entre deux éclats de rire.
Après quelques minutes, nous nous calmons enfin. J'ai envie de lui demander quelque chose mais je n'ose pas. Mon désir passant au-dessus de ma peur, je me lance.
- Tu n'est pas déçu? De notre rencontre, je veux dire.
Il me regarde dans les yeux pendant quelques secondes. Secondes qui me paraissent des heures tellement j'ai peur de la réponse. Puis un sourire éclaire son visage.
- Non, pas du tout. Au contraire, je suis ravi qu'on soit passé à l'étape supérieure. Et toi?
- Je suis très contente de te voir en vrai, lui dis-je sans hésitation.
Suite à ces confessions, nous sommes tous les deux plongés dans nos pensées. Je l'entends qui se racle la gorge.
- Ça te dirait un cinéma? Je n'y suis plus allé depuis plus d'un an et j'aimerais profité de ma permission pour y remédier. Ça me permettrait aussi de bénéficier encore un peu de ta compagnie.
Je dois être rouge tomate. Je sens mes joues rougir et j'ai chaud, très chaud.
- Avec plaisir.
C'est comme ça que nous sommes en route pour la salle de cinéma la plus proche. Je me sens bien. Pour la première fois depuis longtemps. Je n'ai pas l'impression de gêner ou d'être la bonniche. Il veut vraiment que je reste avec lui. Ce constat me fait sourire. Je ne sais pas où tout ça va nous mener mais j'ai bien envie de nous laisser une chance de le découvrir.
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Chapitre le plus long que j'ai écrit jusqu'à maintenant. Je dois avouer que je me suis lâchée sur ce coup-là. D'un côté, c'était une partie charnière...
Alors, que pensez-vous de leur rencontre?
Chapitre corrigé le 30/06/18
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