Chapitre 1 - Le programme
J'entends une voix lointaine et joyeuse. Mais qui peut bien être de cette humeur en pleine nuit? J'essaie de me rendormir mais maintenant c'est de la musique que j'entends. Non mais, franchement, faut pas exagérer non plus, certaines personnes voudraient bien rester dans les bras de Morphée! Quelle heure est-il? Je tourne la tête du côté du réveil. J'ai le cerveau complètement embrumé. Je grogne un peu mais me force à ouvrir un œil. 5H30. Donc le bruit qui m'embête c'est simplement le réveil. Pfff, pas envie de me lever. Je me suis couchée à 23h00 hier. C'est pas humain.
- Allez, courage. C'est ta dernière année ma vieille.
Je veux devenir assistante sociale mais les études en filière normale coûtent cher et je n'ai pas les moyens. J'ai donc décidé de les suivre en horaires décalés. Elles durent trois ans. Les deux premières années, j'ai pu rester vivre chez mes parents. L'avantage, c'est que j'ai pu suivre les cours tout en faisant des petits jobs par-ci par-là, ce qui m'a permis de mettre le maximum d'argent de côté.
Cette année est un peu différente. Je dois effectuer un stage en même temps que mes cours du soir. J'en ai vite trouvé un dans un centre de revalidation de l'armée. Mes parents n'habitant pas tout près de ce dernier, j'ai dû louer un petit appartement. Heureusement pour moi, ce stage est rémunéré. Bon, c'est vrai que l'argent que je gagne n'est pas élevé mais grâce à ça et à ce que j'ai pu économisé les deux dernières années, je m'en sors. En plus de l'avantage pécuniaire, j'adore les personnes avec qui je travaille, aussi bien le personnel que les patients d'ailleurs.
Le centre est divisé en deux parties. La première qui accueille des personnes pour y vivre, un peu comme une maison de retraite et la deuxième dans laquelle je suis affectée. Dans cette dernière, nous nous occupons des militaires de tout âge qui viennent ici le temps de récupérer après une hospitalisation et qui doivent encore recevoir des soins. Le moins que nous puissions dire est que leur vie au sein de l'armée n'a pas été facile. Au-delà des blessures physiques, ils ont pour la plupart des séquelles psychologiques dues à toutes leurs missions. Bien évidemment, ces dernières sont bien dissimulées. Il ne doit pas être facile de parler de ce qu'ils ont vu ou fait. Ce qui renforce un peu plus mon admiration pour tous ces hommes qui se sont battus pour nous et qui continuent à se battre maintenant pour retrouver une vie à peu près normale. En parlant d'eux, il faut vraiment que je me mette en route ou sinon je vais être en retard.
Je me lève et me dirige vers la salle de bain. Je vais ensuite déjeuner et boire une bonne tasse de thé chaud. Je file prendre ma douche. J'espère qu'elle me remettra les idées en place. Après deux mois à suivre ce rythme de fou, je n'en peux déjà plus. Ça promet pour après. Je m'habille, prends mes affaires et quitte l'appartement. C'est parti pour une autre journée.
Quand j'arrive au centre, je vois que Maria s'occupe de l'accueil aujourd'hui. Elle me voit et me dit bonjour toute joyeuse.
- Salut Maria. Alors qu'est-ce qui te met de si bonne humeur ce matin?
- Ma fille rentre ce soir, me dit-elle extatique.
Je comprends. En effet, elle n'a plus vu sa fille depuis deux mois. Cette demoiselle est partie en Espagne pour perfectionner son espagnol.
- Ce sera la fête ce soir alors, lui répondis-je avec un sourire.
- Oh oui. D'ailleurs, j'ai pris congé demain. C'est pour ça que je suis ici ce matin.
- Tu as bien fait. Profite bien de ta petite famille.
Je vais au vestiaire déposer mon sac et ma veste avant de prendre connaissance de mon planning du jour. Je vois que le soldat Malvaux est à sa dernière séance aujourd'hui. Je suis contente pour lui. Il était déjà ici quand je suis arrivée. Il était là pour la rééducation de sa jambe gauche suite à une opération. Sa bonne humeur va me manquer cependant. Je prends connaissance du reste avant de commencer ma journée.
Quelques heures plus tard, Julien, mon directeur, m'appelle dans son bureau. J'y vais sans savoir ce qu'il me veut. Si ma mémoire est bonne, nous n'avions pas rendez-vous.
- Bonjour Gabriella, me dit-il, un sourire aux lèvres.
- Bonjour Julien. Nous avions rendez-vous?
- Non non, rassure-toi.
- Ouf, j'ai eu peur.
- Je voulais juste te parler de quelque chose. Tu es ici depuis deux mois maintenant et tu fais vraiment du très bon travail. Tu t'entends bien avec tes collègues et les patients t'adorent.
Bon d'accord, je ne sais plus où me mettre. C'est là que je sens que je rougis comme une tomate. Mais où veut-il en venir? Il ne semble pas s'apercevoir de ma gêne et continue sur sa lancée.
- C'est pour ça que je t'ai choisie pour ce projet.
- Quel projet?
- C'est un nouveau programme qui concerne le bien-être des soldats. Beaucoup d'entre eux ont une famille qui les attend et qui prend soin d'eux. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Ils se retrouvent alors complètement désoeuvrés. Les soldats visés ici sont ceux qui doivent subir une hospitalisation à leur retour du front et qui n'ont personne pour les soutenir.
- En quoi consisterait ma tâche?
- Ce n'est pas une tâche à proprement parler. L'armée est en train de mettre en place un système de correspondance.
- De correspondance?
- Oui. Ils proposent de sélectionner plusieurs personnes, dont tu ferais partie, pour prendre contact, par écrit, avec ses soldats afin de faire connaissance et de les aider à se sentir moins seul.
- Le soutien est un facteur fondamental dans la guérison, tout le monde le sait. Je trouve que cette initiative est une bonne idée mais pourquoi moi? Je veux dire, je ne suis qu'une simple stagiaire.
- Tu n'es peut-être qu'une simple stagiaire comme tu dis mais tu as un grand sens du contact humain et beaucoup d'empathie. C'est exactement le profil que nous recherchons. En plus, ça ressemble au travail que tu fais maintenant sauf que là ce sera par écrit.
- Ce serait via mail donc?
- Et bien non. À l'ancienne. Ils n'ont pas tous la possibilité d'avoir un ordinateur avec les machines qui sont dans leur chambre. Nous avons donc convenu qu'il serait mieux de mettre tout le monde sur un pied d'égalité en utilisant du courrier papier.
C'est plutôt inattendu comme demande. Surtout à l'heure actuelle où le courrier papier a tendance à disparaître. Ceci dit, cette idée ne manque pas de charme.
- Je suis supposée correspondre avec combien de soldats?
- Pour l'instant, vu que c'est encore en phase de test, l'armée a décidé qu'il y aurait un correspondant par bénévole.
- Tu sais déjà qui me serait attribué?
- J'attendais ton accord pour t'intégrer dans le programme. C'est le comité en charge de ce dernier qui décidera qui correspond avec qui. Si tu acceptes, tu seras tenue au courant dans les plus brefs délais.
- Et bien, c'est plutôt inattendu comme proposition. En plus je n'ai pas beaucoup de temps, entre mon travail ici et mes cours. Je ne sais déjà plus où donner de la tête. Cependant j'adore le concept.
- Ça ne te prendra pas longtemps sur ta journée et tu peux très bien le faire quand tu es ici.
- Je devrais donner mon adresse personnelle?
- Non, tu recevras ton courrier ici et tu enverras tes réponses à l'hôpital. Aucune donnée personnelle ne sera divulguée. En tout cas, de notre part. Ce qui se passe entre vous ne nous regarde pas.
J'apprécie l'idée de confidentialité. En même temps, dans l'armée tout est confidentiel.
- Bon, j'accepte dans ce cas. Comment serais-je prévenue pour la suite?
- Je savais que tu accepterais, me dit-il avec un grand sourire. Je te transmettrai toutes les informations nécessaires. Tu ne dois te charger de rien.
- Très bien. Tu as encore quelque chose à me dire ou je peux retourner travailler?
- J'ai fini. Tu peux y aller. Je me retourne pour sortir quand il m'interpelle. Et Gabriella?
- Oui?
- Merci, je suis sûr que ça fera du bien au soldat avec qui tu correspondras.
- Avec plaisir.
C'est avec un sourire mais quelque peu étonnée que je sors de son bureau. Je me demande bien ce que tout ça va donner.
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Chapitre corrigé le 30/06/18
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