Assez vite, on se rend compte qu'on sera tranquille grâce aux parents. Mes frères me lancent des regards soulagés de temps en temps, je sais que ça leur coûte de rester calme aussi longtemps. Franck raconte sa vie, il s'en vante. Mes parents ont vite passé l'éponge même s'ils lui ont fait part de leur ressentiment pendant l'apéritif.

Je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais Franck a prévu de leur donner plus de nouvelles. Il est allé jusqu'à prendre des nôtres, mais je ne le pense pas sincère. Pas qu'on ne l'aime pas, c'est notre frère et il y a eu de bons moments. Malgré tout, il nous a jamais porté d'autre intérêt que pour les mauvaises blagues. On ne le connaît pas vraiment, et je suis partisan du fait qu'on ne peut pas vraiment aimer et s'intéresser à quelqu'un qu'on ne connaît pas. 

- Et donc Charlie, rien de neuf ? Tu aimes toujours autant l'enfermement ?

En réponse, je lui offre un sourire crispé et nie d'un mouvement de tête. Mes parents ont la bonne idée de ne pas me reprendre et, soufflé de mon impolitesse, Franck retourne à son plat.

Je me réconforte avec le délicieux repas préparé par ma mère, et je sais que mon plus jeune frère va bientôt vouloir aller dormir. Nous partageons la même chambre, alors souvent il est possible de se calquer à son horaire. Evidemment, Samuel et moi, on ne dort pas si tôt. Il joue sur l'ordi, je lis dans mon lit. Harry a dû apprendre à dormir avec la lumière de mon chevet et celle de l'écran de l'ordinateur. Ce n'est pas idéal, mais on fait tous des sacrifices.

Quand je rentre de mes soirées, je finis toujours par réveiller mes frères, rien qu'à cause de la lumière du plafonnier pour accéder à mon lit. Mais pareil, ils font avec. Heureusement pour eux, ça n'arrive pas si souvent.

Le dessert arrive vite, un fondant au chocolat qui aide à faire passer le récit interminable de sa dernière rupture. 

- Je vous promets, vous l'auriez détesté. Ce n'était pas le genre de femme qu'on ramène à la maison.

Samuel, qui a reçu plus de respect que l'ainé me montre qu'il est choqué par ses paroles. Je le suis aussi, mais je n'ai aucune envie de me battre avec lui, alors je lui chuchote qu'on en parlera à Arthur au prochain appel. 

- Excusez moi. je dis avant de m'éclipser

Je m'enferme aux toilettes et souffle de soulagement : je peux m'offrir cinq minutes de pause. On utilise tous le joker WC pendant ce genre d'évènement, chacun une fois, et je souris. Je souris car je suis le premier à l'utiliser ce soir. 

Je sors mon téléphone de ma poche et check mes notifications.

J'ai envie de te voir :(

Le message de Ru me fait sourire et je décide de lui répondre même si le temps presse.

La semaine prochaine si tu veux ? J'aurai des choses à te raconter à mon avis...

Comme toujours, elle répond à la seconde.

Il faut qu'il y ait du contenu, tu mets de côté ta timidité et tu fais des ravages Charlie !

J'envoie un smiley qui rigole avant de constater la présence de messages de la part de mes deux meilleurs amis, mais aussi de Carl. Maintenant, j'ai tous les nouveaux sur les réseaux. 

- Charlie, c'est le moment café et t'es toujours pas là !

Un rapide coup à l'heure m'informe que ça ne fait que six minutes que je suis là, et je décide de prolonger ma pause le temps de voir ce que m'a envoyé Carl.

- J'arrive, mais j'ai pas encore fini. Dis à maman que j'aimerai un thé s'il te plait. 

- D'accord. répond Harry avant que je n'entende ses pas s'éloigner

Hey Charlie :) Apparemment tu aimes lire (si j'en crois Diego) ! Je lis un roman en ce moment, dont une des citations m'a marqué, je me suis dis que te conseiller un livre pourrait être un bon début de conversation. Alors si tu te motives à me répondre, quel est ton genre de prédilection ? Ci-joint une capture de la citation, si elle te plait, je te passe le lien :) 

cr: Tout ça n'aurait été qu'un soupir. Qu'une respiration. Ou une inspiration ? Avant que nos souffles ne s'échouent l'un sur l'autre, tout ça n'aura été qu'un soupir. 

Ils sont vraiment spéciaux dans leur façon de lancer des conversations. Mais au moins lui est renseigné et va droit au but. J'imagine que puisque je le vois samedi, autant tenter de faire connaissance par la lecture. C'est un meilleur moyen de voir si les gens sont bienveillants ou non que la question des chats.

Salut :) Il t'a dit la vérité, je lis beaucoup de fantasy, pas mal de romance aussi. La citation m'intrigue, de quel genre de livre vient elle ? 

Je sais d'où vient cette citation, et ça me fait peur. J'ai l'impression qu'il sait alors que c'est impossible. C'est une pure coïncidence. A moins que quelqu'un d'autre ait écrit exactement la même phrase que moi dans mon dernier chapitre ? 

Il ne peut pas être un de mes lecteurs, pas avec ce que j'écris, pas lui que je vais commencer à fréquenter. Même s'il ne sait pas que c'est moi, je vais me sentir pris au piège.

Voyant qu'il n'est pas en ligne, je verrouille mon téléphone et après une petite minute pendant laquelle je tente de respirer correctement, je rejoins ma famille. 

En buvant mon thé, je fini par craquer et à la seconde où Harry décide d'aller se coucher, je saute de ma chaise et souhaite une bonne nuit à tout le monde. 

Lorsque je me mets dans mon lit, Harry annonce qu'il va aux toilettes et Samuel me rejoins.

- On sait qu'il en a pour quinze minutes. Alors, il t'arrive quoi ?

Mes frères savent que j'écris, ils ne savent pas quoi, ni où, ni à quel nom, mais ils sont au courant. 

- On a rencontré des mecs à la soirée, trois pour être précis. Y'en a un qui m'a envoyé un message avant et il me parlait de livres. Il m'a envoyé une citation qui est exactement la même que la mienne dans mon dernier chapitre. 

- Tu penses qu'il sait que c'est toi ? Après si ça se trouve, vous êtes juste deux à avoir eu la même idée.

- J'ai pas osé regarder mon téléphone depuis.

- Donne, je le fais pour toi. Dans tous les cas c'est pas un drame.

Je ne suis pas d'accord avec lui mais je lui temps mon portable, déverrouillé.

- Il a répondu il y a trente minutes.

- Il dit quoi ? 

- "Je lis du thriller, mais aussi de la romance de temps à autre, quand je veux me détendre. Je suis du genre à lire des thriller papiers, mes étagères en sont remplies ! Par contre, les romances, c'est que sur les applis. Celle-ci, elle est écrite par Corpulence, la personne publie une fois par semaine, elle vaut le coup d'œil !" C'est toi du coup Corpulence ? 

Putain. Si ça c'est pas de la malchance je m'y connais pas. C'est cool que des gens lisent et aiment mon travail, mais pas les gens que je fréquente ! Maintenant, je vais avoir l'impression de lui mentir. Hors de question de lui dire que c'est moi. C'est mon échappatoire.  

Rien qu'à cause de mon angoisse apparente, mon frère a compris que c'est de moi dont il parle dans son message. 

- Je vais pas commencer à te pister relax. Je sais que c'est ta vie privée et on vit littéralement dans cette pièce à trois. On se bouffe assez l'air comme ça. 

- Merci, ça me fait plaisir que tu respectes mon besoin.

- C'est normal, on est frères, pas ennemis. On s'entraide ici. 

Je lui souris, touché par ses paroles même si le fait que Carl lise mon livre me tracasse. 

- Tu veux lui répondre ?

- Je le ferai demain, j'ai pas la force là, puis je suis à fleur de peau. 

- D'accord, je vais aller devant l'ordi avant qu'Harry ne revienne. Si jamais, écris moi !

- On fait comme ça, bonne nuit Samuel.

- De même Charlie, faudra qu'on debrief le sujet Franck demain !

Un pouce en l'air plus tard, notre cadet pointait le bout de son nez.