Chapitre 3
Chapitre 3
Aujourd'hui - 12 octobre 2016
Je lâche un autre cri étouffé. Ça brûle, ça fait mal. Monsieur Carter ne m'a pas manqué. Pas du tout, à part ça. Une fois de plus, je n'aurais pas dû tenté de m'enfuir. À chaque fois que j'essaie une évasion, je me fait prendre, je reçois une leçon, je me dis que plus jamais je ne recommencerai, mais je finis toujours par faire le contraire parce que je crois encore que je peux sortir de cet endroit. Allongé sur le ventre, madame Carter appuie sur mes blessures -qui sont, d'après moi, assez profondes- à l'aide d'un coton imbibé de désinfectant. Mon dos me fait atrocement souffrir, j'ai l'impression que je vais mourir.
La violence, les coups, les claques, les cris, les ordres, les punitions, le respect, la douleur, le son et le silence sont tous des termes dont je sais parfaitement la signification. J'y suis emprisonné depuis maintenant 12 ans. Jour pour jour. Je sais exactement à quoi ils font référence. Ils me traitent comme un animal mal dressé depuis aussi loin que je me souvienne, mais c'est comme si mon cerveau voulait penser que je mérite tout ça. Ils font bien de me frapper, de me ramener à la réalité lorsque je suis trop dans les nuages en croyant que je pourrai voir la lumière du jour bientôt. Parce qu'ils ont raison: je suis condamné. Et ce, depuis que monsieur Carter m'a posé un sac sur la tête, alors que je n'avais que 8 ans, dans l'espoir de me faire perdre connaissance pour ensuite m'emmener ailleurs. Ils me considèrent comme leur fils, et je les considère comme mes parents, car ce sont eux qui m'ont vu grandir.
La première fois que j'ai ouvert les yeux, je me rappelle avoir eu un mal de crâne horrible et de m'être demandé où était maman, où était papa et où étais-je. Dans cette salle sombre en béton sans fenêtre y régnait un désespoir absolu, le même que je ressens présentement. Je me trouvais dans ce petit lit à la mince couverture, un oreiller sous ma tête et j'ai eu la nausée en me relevant. Je me suis vidé l'estomac par terre et la première voix que j'ai entendu m'a crié de ne rien salir, sinon j'allais recevoir une fessée. Et évidemment, en voyant que j'avais vomi sur le sol, le monsieur aux cheveux bruns m'a frappé à deux reprises. D'une main aussi forte l'une que l'autre.
Les deux premières années, je pleurais constamment. Chaque fois qu'ils me faisaient mal, chaque fois qu'ils me criaient dessus, chaque fois qu'ils me touchaient, je pleurais, je tremblais, je criais. Par après, vers 10 ans, j'ai pris conscience qu'être faible n'était pas la solution parce que j'allais être condamné à la douleur et la peur chaque jour avec ces monstres. Ma mère et mon père me manquaient, mais lorsque la haine envers ces deux personnes qui me rendaient la vie dure prenait place en moi, je ne pensais plus à eux. J'ai dû les oublier, les effacer de ma mémoire pour pouvoir survivre psychologiquement. Ils ne faisaient plus partie de ma vie et j'étais encabané à un endroit où tout le monde ignorait l'existence, donc je pouvais déjà oublier de les revoir. Je devais accepter mon sort. J'ai fini par arrêter de jouer à la victime et de faire ce qu'ils me disaient. Plus jamais je n'ai pleuré. J'ai fini par m'habituer à la souffrance, car c'était rendu mon mode de vie.
-Tu n'aurais pas dû essayer de partir, amour.
Bizarrement, sa voix m'aide à prendre de grandes respirations. Je ferme fortement les yeux et pris dans ma tête pour que ce calvaire finisse. Ça me fait un mal de chien...
-Les entailles sont profondes, il n'aurait pas dû te frapper avec sa ceinture aussi fort que ça. Tu sais, parfois, il a de la difficulté à contenir sa colère. Ça le met vraiment en furie quand tu nous désobéis ou que tu essaies de partir de la maison.
-Je suis désolé, que je murmure faiblement.
Une main devant ma bouche, je tente de ne pas pousser un hurlement. Je sais que si je le fais, je vais déranger monsieur Carter et il viendra me punir à nouveau. Une main me flatte les cheveux doucement et des lèvres se posent sur le côté de mon front luisant.
-Shhh, c'est bientôt fini. Il faut vraiment que je désinfecte bien, car il est hors de question qu'on t'emmène à l'hôpital et tu sais pourquoi.
Oui, je le sais très bien. Hôpital est égal à public, public est égal à police, police est égal me retrouver et me retrouver est égal à eux en prison. Normal, pas d'hôpital. Mais jamais je n'ai eu affaire sérieusement à un médecin. Madame Carter est une ancienne infirmière qui reste à la maison, donc elle sait se débrouiller en matière de blessures ou maladies.
-Tu es mon fils à présent, Niall, et je t'aime. Si tu savais à quel point j'en voulais un comme toi. Avec les yeux bleus éclatants et les cheveux blonds. Ça fait aujourd'hui 12 ans que tu es dans nos vies et je suis comblée depuis ce temps.
Je ne réponds pas. Elle me fait peur lorsqu'elle commence à devenir sentimentale avec moi. En fait, mes cheveux étaient blonds, mais avec le temps, ils sont devenus plus foncés, à la limite bruns, mais monsieur et madame Carter me font appliquer de la teinture blonde à chaque deux mois pour les garder enfantins.
-Il ne me reste qu'à te placer des pansements et le tour est joué, s'exclame-t-elle, joyeuse, mais je ne le suis pas. Si tu ne cris pas jusqu'à ce que j'aies fini, tu auras droit à une douche de plus cette semaine.
Le dimanche et le jeudi sont les deux journées qu'ils me donnent droit à une douche. Vu qu'ils manquent assez d'argent, ils ne veulent pas que j'utilise toute leur eau chaude. Par contre, ces deux journées, j'y ai droit. Et ce sont mes deux jours préférés de la semaine. Ça fait un bail que j'ai perdu toute notion du temps, mais je compte les nuits. Ça m'aide à faire une idée. Mais la plupart du temps, c'est eux qui me disent quelle journée nous sommes.
Je souris mentalement à l'idée de sentir l'eau ruisselée sur mon corps et de sortir de la douche propre et frais, et comme promis, je ne fais plus un son jusqu'à ce qu'elle ait fini de poser les pansements dans mon dos massacré.
-Tu devrais t'excuser. Et je t'en supplie, ne recommence plus jamais. Parce que la prochaine fois que tu essaies de t'enfuir, la punition pourrait bien être mortelle et je ne veux pas que tu meurs.
Je réponds:
-D'accord.
Mais dans mon esprit, je me dis que j'aimerais mieux mourir en essayant que d'avoir rien fait du tout pour me sortir de cet enfer. Je suis couvert de cicatrices, d'ecchymoses et de tout ce que vous voulez, donc la mort, c'est environ la même chose, n'est-ce pas? Pour ce qui est de la nourriture, j'ai droit à trois repas par jour si je fais ce qu'ils disent. Sinon, ils peuvent m'en enlever un ou même deux si monsieur Carter n'est pas de bonne humeur: ce qui arrive assez fréquemment. J'ai fait l'école à la maison également, madame Carter m'enseignait des leçons de grammaire et de mathématiques. Donc, oui, je veux partir d'ici, voir le monde dans lequel j'ai vécu les 8 premières années de ma vie. J'ai peine à m'en souvenir, mais je me rappelle encore du visage de mes vrais parents. De la chaleur de ma mère lorsqu'elle m'enveloppait de ses bras ou... de l'odeur de son parfum de rose. J'aimerais la revoir et constater de mes propres yeux si elle a changé ou si oui, ce qu'elle est devenue. Chaque fois que j'essaie de m'enfuir, je pense à ça, je pense à maman, je pense à papa. Dans ces moments, je suis incontrôlable. Quand je crois avoir trouvé un moyen, ce n'est jamais le bon et je me fais prendre au dernier moment. Une fois, je suis arrivé à la porte d'entrée, je l'ai même ouverte et monsieur Carter a été plus rapide et fort que moi pour me tirer à l'intérieur violemment. Cette fois-là a été la pire, ainsi que la punition. Il m'a frappé si fort à la tête que j'avais resté inconscient durant trois jours entiers. Évidemment, je n'ai pas vécu le moment comme eux, j'ai eu l'impression de dormir pendant trois heures seulement.
Je me recouche dans mon lit délicatement à l'aide de madame Carter qui prend soin de ne pas me brusquer. J'étouffe un gémissement lorsque mon dos touche le matelas. C'est douloureux, très douloureux. Et insupportable.
-Tu devrais dormir un peu, tu as l'air épuisé.
-Non, il doit faire son entraînement, intervient monsieur Carter qui descend les escaliers de la trappe du sous-sol. Lorsqu'il me voit, son air fâché se renforce un peu plus.
-Je... (Je me racle la gorge en me redressant.) Je suis désolé pour tout à l'heure, j'affirme en ne le pensant point.
-À chaque fois que tu dis ça, tu refais exactement la même chose un mois plus tard. Tu crois que je n'ai pas découvert ton petit jeu?
-François-, essaie de le couper madame Carter, mais il lève sa main dans les airs.
C'est la première fois en 12 ans qu'elle l'appelle par son prénom et pour être honnête, ça me perturbe.
-Non, il vient avec moi, c'est tout.
-Laisse-le se reposer, je t'en supplie... Tu y as été un peu trop fort cette fois. Il a de la difficulté à se déplacer, son dos est amoché comme jamais.
Monsieur Carter semble hésiter quelques instants. Son visage est le même que le premier jour: les mêmes traits tristes et sournois, mais vieillis.
-C'est d'accord. Mais attends-toi à ce que la prochaine séance soit beaucoup plus intense que les autres, dit-il et il remonte.
Le couple tient absolument à ce que je m'entraîne régulièrement, ils veulent que j'aie un ''corps présentable'', mais honnêtement, à quoi ça sert si personne ne me voit à part eux?
Madame Carter me donne un sourire compatissant et m'installe sur le côté. Elle pose la couverture sur mon corps et me murmure qu'elle est juste au salon si quelque chose ne va pas... comme si tout allait bien. Je souffre le martyr à cause de ton mari qui m'a fouetté à la ceinture une dizaine de fois, mais oui, tout va bien.
J'ai tenté de m'ôter la vie à de nombreuses reprises pour pouvoir en finir, mais jamais je n'ai réussi, encore une fois. Parce qu'il n'y a absolument rien de coupant dans cette chambre, ni de corde, ni de fenêtre, rien. Il y a juste un lit, une table de chevet avec une lampe, une toilette, un lavabo et moi. J'ai déjà essayé de me noyer en me trempant la tête dans la bol de toilette, mais je me relevais à chaque fois, ayant trop la trouille.
C'est ce que je suis: un faible. Et je le resterai toujours. J'ai été assez stupide pour croire un inconnu, et regardez où j'en suis maintenant. Je dois affronter ma conséquence. Même si un autre plan d'évasion ne serait pas de refus. Et cette fois, il va falloir que j'y travaille deux fois plus dur.
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Chapitre 3, fini! En effet... Celui-ci, 3 heures également. Mdrrr j'ai juste trop d'inspiration, il faut que je me calme, je me fais peur, bordel.
Aimez-vous cette histoire ou je l'arrête? Honnêtement, je ne sais juste pas DU TOUT où je m'en vais. J'ai juste... besoin d'écrire ce qui me passe par la tête. J'espère que vous aimez! Votez et commentez, ca fait toujours plaisir de lire vos messages.
Bisous, Xox
PS: Je vous adore!
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