Je passe l'heure suivante à essayer une dizaine de tenues différentes. Maïh m'a hurlé dessus la seule fois où j'ai tenté d'attraper un bout de légume et, depuis, mon estomac crie famine. Ne pas salir les vêtements, d'accord, mais par pitié laissez-moi manger !

J'enfile une énième robe et m'observe dans le miroir face à moi. Décidément, rien ne me va. La couleur affreusement criarde de cette robe trop volumineuse me fait ressembler à une pierre moussue recouverte de peinture pailletée. Sûm insiste pour voir le résultat et je sors de la cabine au maugréant.

Il a à peine le temps de m'apercevoir qu'il explose de rire et retient de justesse de malheureux postillons qui ont failli voler tout droit sur mon jupon.

Je lui lance un regard noir et me tourne vers Maïh.

— C'est bon, j'abandonne ! Rien ne me va, je laisse tomber !

La pauvre femme a dû me faire essayer la moitié de son stock à l'heure qu'il est, sans trouver quoi que ce soit qui me convainque. J'avoue qu'elle me tapait un peu sur les nerfs au début, mais sa patience m'épate.

J'attrape la jupe de ma robe et l'observe avec dégoût.

— Non, décidément, je ne comprends pas comment on peut aimer porter ça.

— Peut-être parce que, justement, ça donne envie de te l'enlever directement, sans perdre de temps à t'embrasser.

L'argument de Sûm m'arrache un sourire mais Maïh me pousse dans la cabine avec une nouvelle pièce.

— Sayna vient juste de finir celle-ci, ajustée à tes mensurations. Si elle ne te va pas, je ne sais pas ce qui pourrait t'aller !

J'attrape la tenue et jette un coup d'œil à la fille au fond de la pièce qui rougit et m'adresse un sourire timide.

— Ok, mais c'est la dernière.

— Au pire, si vraiment rien ne te va, tu pourras toujours te balader nue. Je suis certain que ça plairait à beaucoup de personnes. Moi le premier.

Je fixe Sûm en me retenant de sourire pendant que Maïh lui assène un coup derrière le crâne. Je tire le rideau devant moi juste avant de l'entendre éclater de rire. Décidément, ce garçon n'a aucune gêne.

Je me débarrasse de l'affreuse robe, soulagée d'enfin me dépêtrer de cet accoutrement, et enfile les deux parties de la tenue de Sayna. Celle-ci est bien moins encombrante que les précédentes et rien ne gêne mes mouvements.

Le short noir moulant couvre juste ce qu'il faut de mes cuisses, ni trop long ni trop court, et le haut en cache cœur s'associe parfaitement à ma brassière noire. Il cache mes épaules du soleil sans pour autant risquer de me tenir trop chaud grâce au profond décolleté qui s'arrête juste au-dessus de mes seins.

Je m'admire un instant dans le miroir, découvrant quelques bleus que je n'avais pas encore aperçus, et sors de la cabine.

Si j'avais fait plus attention, je me serais sans doute rendue compte qu'une voix s'était ajoutée pendant que je me changeais. Malheureusement, il est trop tard pour y songer maintenant, alors que je me retrouve face à face à Kaylan et Sûm, qui me fixent, les yeux écarquillés.

Il s'en suit un silence de quelques secondes, qui me paraît une éternité, avant que Kaylan ne s'éclaircisse inutilement la gorge et détourne la tête en déclarant :

— Je crois que les vêtements de Nephtys ne seront pas nécessaires, finalement.

Sûm de me quitte pas des yeux et je tourne sur moi-même pour présenter la tenue sous tous les angles.

— Alors ? je demande.

— Magnifique, souffle Sûm.

Son regard ne quitte pas ma poitrine et je retiens un sourire en sachant Kaylan à côté de moi. Celui-ci ne souffle mot et c'est Maïh qui s'avance pour examiner les vêtements dans tous les sens.

Ses mains effleurent le tissu, pincent quelques points précis et réajustent l'étoffe. Ses yeux connaisseurs semblent déjà repérer les choses à modifier.

— Il faudra réajuster ici et là, mais je crois que nous avons enfin trouvé quelque chose qui convient.

Je lui adresse un sourire et me tourne vers Sayna pour lui adresser un signe de remerciements. Elle rougit et se replonge dans son travail après m'avoir vue.

— Dans ce cas, je ramène ça à Nephtys tout de suite. Merci, Maïh.

Les vêtements toujours en main, Kaylan m'adresse un signe de tête et s'apprête à partir lorsque je tends la main pour le retenir. Mon geste nous étonne tous les deux.

— Je vais les lui rapporter moi-même. Merci.

Il me dévisage, surpris.

— Vous êtes sûre ?

— Certaine.

— Très bien. Sa tente est voisine de la mienne. Vous ne devriez pas avoir de mal à la trouver.

Il se penche pour poser le tas d'habits sur une chaise et s'éloigne pour de bon, sans m'avoir à nouveau saluée.

Une fois qu'il est parti, je retourne dans la cabine et enfile mes vieux vêtements. Maïh récupère la tenue neuve, le temps de faire les ajustements nécessaires, et me promet de me la faire livrer demain matin au plus tôt.

Débarrassés de cette corvée, Sûm et moi repartons. Je me rends compte en sortant que nous avons passé une bonne partie de l'après-midi dans la tente et qu'entre-temps, le vent s'est levé.

— Je vais ramener ça à Nephtys.

Je désigne le tas d'affaires entre mes mains. Sûm acquiesce.

— Tu veux que je t'accompagne ?

Je secoue la tête.

— Non, merci. Je devrais pouvoir trouver mon chemin. J'ai besoin d'être seule un moment.

— Pas de problème. Rejoins-nous à l'endroit que je t'ai montré tout à l'heure quand tu auras faim. Tu peux même venir à trois heures du matin si tu veux, je te garderai à manger.

Il m'adresse un clin d'œil et je lui réponds par un sourire tandis qu'on s'éloigne dans des directions opposées.

J'ai envie de rester là.

C'est un constat assez simple, qui ne devrait pas autant me déranger. Pourtant, si mon corps a l'air assez d'accord avec ça, ma tête a plein d'objections à émettre. D'abord, le fait évident que je ne suis là que parce que je suis l'âme-sœur de Kaylan, qu'ils m'ont kidnappée et droguée. Weylin est aussi un argument contre. Tout comme l'idée que j'ai quitté mon boulot, ma vie, ma meilleure amie, mes habitudes, ma ville pour des inconnus.

Cependant, si j'y réfléchis bien, toutes ces choses ne sont pas vraiment des arguments convaincants. Au fond, cette ville traînait plein de mauvais souvenirs avec elle, mon boulot n'était pas si génial que ça, mes habitudes n'avaient que l'attrait d'une routine fatigante et ma meilleure amie m'a vendue à des soldats.

Ici, les lieux ont quelque chose d'apaisant. Les gens sont d'une bonté étonnante et je me suis même fait un nouvel ami. Pourtant, il ne faut pas que je perde de vue la possibilité que tous ces ressentis soient modifiés par mon lien avec Kaylan.

Je ne dois pas perdre ma liberté.

J'arrive devant la tente de Kaylan et jette un coup d'œil aux alentours pour trouver cette de Nephtys. Habite-t-elle avec Weylin ? Je cherche un élément distinctif au moment où je l'aperçois. Je lui fais un signe de la main et elle s'approche de moi, le visage de marbre.

— Aaliyah.

— Nephtys.

On se jauge un instant avant que je ne lui tende ses vêtements.

— Merci. Je n'en ai pas eu besoin, finalement, mais c'était très gentil.

Elle me fixe encore un moment et attrape les habits.

— Je ne suis pas certaine que j'aurais employé le terme « gentil ». J'ai fait ça pour Kaylan, pas pour toi.

Je me fige. J'avais peut-être tort, finalement. Je ne suis pas la bienvenue ici. Tout à coup, elle m'adresse un sourire.

— Ne le prends pas pour toi, je ne te connais tout simplement pas encore assez pour te rendre service. La prochaine fois, ce sera peut-être un acte gentil.

Je ne sais pas trop quoi répondre, alors je commence à m'éloigner lorsqu'elle me lance :

— Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

Je me retourne vers elle et attends la suite.

— Pourquoi est-ce que tu restes là ?

Sa question m'étonne. Ne devrait-elle pas me convaincre de rester, justement ? Pour Kaylan.

— Si ça avait été moi, je me serais enfuie sans poser de questions. Je crois que je n'aurais même pas essayé de comprendre. Toi, on t'arrache à ta vie, on brise en quelques secondes toute la confiance qui aurait pu s'établir et... tu restes. Je ne comprends pas.

Oh. Alors c'est ça le problème. Elle ne comprend pas mes motivations et cela la gêne. Je fais un pas vers elle.

— Je me suis promis il y a longtemps de saisir toutes les opportunités qui passeraient à ma portée. Celle-ci en est une. Peut-être qu'elle est mauvaise, peut-être aurais-je effectivement dû m'enfuir à toutes jambes plutôt que de rester ici. Mais pour faire quoi ? Pour aller où ? Mon seul point d'attache était ma meilleure amie et elle m'a trahie. Je n'ai rien ni personne à retrouver. Ici, au moins, ma présence était voulue d'une manière ou d'une autre.

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Coucou !

Bienvenue dans ce 11e chapitre, un peu lent sans doute mais plein de sages paroles... Enfin, plus ou moins sage, en fonction de qui les prononce xD (Sûm, je te vise.)

J'adore les scènes où Aaliyah se retrouve avec les deux frères, ça me fait mourir de rire à chaque fois. Pas vous ? Entre le tranchant de 'Liyah et le sans-gêne de Sûm, Kaylan fait office de teneur de chandelle... bien fait pour lui, dirons nous !

J'espère que ce chapitre vous a plu ! N'oubliez pas de laisser un commentaire et un joli vote pour l'algorithme ✨

D'ailleurs, est-ce qu'un chapitre "playlist" vous plairait ?

Bon week-end !