Crinum Lily

Ecrit par MeiKusakabe02

"La nature est un prodigieux dessinateur et un incomparable coloriste. Elle a fait le ciel et ses nuages ; elle a fait la terre, ses rochers, ses arbres, ses fleurs, ses scarabées, ses colibris et ses paons."

Victor Cherbuliez, L'art et la nature (1892)

*****

D'aussi loin que je me souvienne, la nature avait toujours été synonyme de refuge pour moi.

Je passais mon temps à courir dans la forêt, esquivant les épaisses racines des arbres et sautant par-dessus les petits ruisseaux, le sourire aux lèvres et le cœur battant.

Ma grand-mère me criait souvent dessus car j'avais pris l'habitude de fuir le déjeuner et de revenir tout boueux le soir. Mais, elle avait bien vite compris que c'était mon moyen à moi d'extérioriser et de me sentir bien, vivant. C'était un monde à part, un endroit dans lequel je me sentais heureux. Lorsque le monde autour de moi devenait trop bruyant, trop ennuyant, trop gris, je partais me cacher loin de cette myriade de personnes fausses et égoïstes.

Le soir, avant de dormir, elle venait me border, et j'avais le droit à l'une de ses aventures, lorsqu'elle était zoologiste en Afrique. J'étais à chaque fois passionné par ses histoires aussi incroyables que dangereuses au point même où j'avais fini par avoir le même rêve qu'elle: devenir zoologiste et découvrir une espèce encore jamais vue à ce jour.

Lorsque j'avais parlé de ce futur projet à mes parents, les deux n'avaient pas sollicité un grand intérêt pour celui-ci. Pour eux, ce n'était qu'un rêve passager, une lubie que ma grand-mère m'avait mise en tête pendant mes deux semaines de vacances chez elle.

Ils ne comprenaient pas vraiment pourquoi je m'intéressais à la Nature. À cette chose qu'ils définissaient comme dangereuse, meurtrière et bien trop précaire pour y dédier sa vie. Pourtant, il y a une tonne de façons pour définir la Nature. Mais, ils en revenaient toujours à un seul et même point. L'argent.

C'est pour cela que, lorsque mon vingt-deuxième anniversaire a pointé le bout de son nez, et que j'ai eu la possibilité de partir en plein cœur de la forêt amazonienne en tant que chercheur animalier pour le laboratoire de Séoul, on s'est un peu disputés, mes parents et moi.

Le cœur lourd, j'avais quand même pris la décision de partir. C'était mon rêve depuis bien longtemps et je ne voulais pas perdre cette chance unique d'étudier des animaux sur un continent que je ne connaissais pas tellement.

Nous étions cinq dans notre petite équipe. Nous étions sous la directive du Professeur Kim Namjoon, chercheur réputé dans le monde pour ses missions toujours fructueuses et surprenantes, et c'était un honneur de pouvoir l'assister pour cette première expérience.

Avec nous, il y avait une fille, Momo, qui était entomologiste, se passionnant pour les insectes et leurs propriétés à la fois destructrices et bénignes, et un homme, Adriel, originaire d'ici, qui était chargé d'être notre guide pour cette mission.

Enfin, la dernière personne composant notre équipe c'était cet homme, Kim Taehyung, mon camarade de promo, et aussi un biologiste surprenant que je ne connaissais que grâce à ses résultats. Au premier abord, il faisait assez froid dans le dos. Il souriait rarement, et d'aussi loin que je me souvienne, je ne l'avais jamais vu entouré de plus de trois personnes.

Après deux heures de route en 4x4, Adriel nous avait demandé de prendre nos sacs, et le de suivre à pied. On avait longé la forêt, carnet en main et appareil photo autour du cou, restant attentif à tout ce que l'on voyait. Adriel nous avait expliqué qu'on camperait en plein cœur de la forêt, et qu'on ferait tout le reste à pied. Nous étions en communication avec le poste de recherche du Brésil qui se tenait prêt à intervenir en cas de soucis.

"Bien, je pense qu'on peut s'arrêter ici. Notre priorité est de sécuriser la zone et d'établir notre campement avant la nuit. Demain, nous nous lèverons à l'aube pour commencer les recherches. Nous n'avons que peu de temps." Déclara le professeur Namjoon.

Sans perdre de temps, nous montâmes les tentes de camping, celle de Namjoon et d'Adriel nous posant plus de difficultés puisqu'elle contenait notre laboratoire. Nous avions décidé d'emmener trois tentes, afin que Momo ait la sienne, étant la seule fille. Nos deux supérieurs avaient une tente de pro, contenant deux chambres et une immense pièce où ils avaient déjà installé la table, ainsi que l'ordinateur et les divers produits qui allaient nous être utiles.

Pour finir, Taehyung et moi partagions la dernière tente car cela ne nous posait pas vraiment de problème de dormir ensemble.

Pour notre première soirée, Adriel nous avait un peu raconté l'histoire de la forêt, et chacun avait appris à faire connaissance avec les autres, puisque nous ne nous étions jamais parlé en vrai.

J'avais beaucoup discuté avec Momo, une fille vraiment charmante venant tout droit du Japon qui était passionnée depuis toujours par les insectes et compagnie. Elle m'avait raconté que, petite, elle avait eu beaucoup de mal à se faire des amies à cause de cette passion. Elle collectionnait les mille-pattes, déterrait les vers de terre, achetait les boîtes d'asticot pour empêcher les pêcheurs de les utiliser, puis elle les relâchait dans la cour de récréation de son école. 

Sa mère la rouspétait souvent quand elle faisait ses poches avant la lessive, découvrant toujours un ou deux insectes en sortir. J'avais beaucoup ri grâce à ses histoires, et je savais que les recherches avec elle ne seraient pas ennuyeuses.

"Et tu sais, j'me disputais même avec mon frère ! Cet assassin"

"Pourquoi, qu'est-ce qu'il faisait ?" Je demandai en me tenant le ventre, bien trop amusé par sa narration.

"Il prenait des pholques phalangides ! Tu sais là, les araignées de plafond toutes gentilles avec des longues pattes ! Il les attrapait et retirait leurs pattes une à une en chantant ~il m'aime, un peu, beaucoup... Tu te rends compte à quel point c'était cruel !? Et ma mère ne le disputait même pas ! Et puis, ça servait à quoi de faire ça !? Une araignée ça n'a que huit pattes !"

D'un rire puissant, Namjoon eut du mal à se contenir, faisant rougir d'un coup la jeune fille qui ne pensait pas que tout le monde l'écoutait, alors que Taehyung, assis en face de moi, affichait un léger sourire sur son visage.

"Eh bah, on a une passionnée parmi nous."

"Oh arrête, je suis sûre que tu es pareil avec les plantes, Kim Taehyung" Elle répliqua, la mine jugeuse.

"Qui sait." Il haussa les épaules avant de reporter ses yeux sur moi, et de me faire un signe de tête. "Et toi Jeon ?"

"Moi quoi ?" Je demandai, et je fus même surpris qu'il ait retenu mon nom aussi vite, alors que c'était la première fois qu'on échangeait réellement.

"Pas d'infos croustillantes sur ton passé ? Ta passion pour les animaux ? Dis-moi que t'as des histoires comme les miennes" me supplia presque du regard Momo, complétant les paroles de Taehyung.

"Pas vraiment non" je rigolai. "On me trouvait juste mignon à l'école à défendre ainsi les animaux"

"Oh" soupira-t-elle, déçue.

"Mais les adultes me trouvaient bizarre, et moi aussi j'me faisais souvent disputer." Je rajouterai, intrigant alors mes deux nouveaux amis.

"Pourquoi ? Parce qu'on te trouvait mignon ?" Me demanda Taehyung.

"Nope, juste parce que, lorsque j'étais petit, j'habitais chez ma grand-mère, et je passais mes journées seul dans la forêt. Je savais qu'il y avait des ours et des loups, ou d'autres bêtes et plantes dangereuses, mais je me sentais plus à ma place là-bas. Lorsque mes parents l'ont appris, j'ai été privé de sortie et on a déménagé en ville. Et lorsque je leur ai expliqué mon rêve de devenir chercheur animalier, ils n'ont pas vraiment apprécié. À chaque fois qu'on avait des invités, ils remettaient ce sujet sur la table, et les personnes me trouvaient suicidaire de me balader ainsi à sept ans seul dans une forêt."

"J'avoue que ça aurait pu être dangereux mais, ton rêve n'est en rien bizarre. Et puis, ta grand-mère était au courant non ?"

"Ouais, elle arrivait toujours à me retrouver, comme si elle savait exactement où j'étais."

"Ne nous fait pas le coup de te perdre en pleine forêt Amazonienne, Jeon"

D'un sourire complice, je répondis silencieusement à Taehyung avant que Namjoon ne se relève, décidant d'aller se coucher. Bien vite, nous fîmes tous de même, et je me retrouvai dans une petite tente, regardant Taehyung retirer son pantalon et son haut kaki pour se mettre en pull et en jogging.

Lorsqu'il se rassit, je fis de même, la tente étant trop petite pour se changer en même temps, et je me mis dans mon sac de couchage remontant la fermeture jusque tout en haut. Mon nouvel ami me regarda faire en rigolant, me faisant alors reporter mes yeux remplis d'interrogation sur lui.

"J'espère que t'as pas peur des bébêtes ou du noir."

"Pourquoi ? T'as peur que je te réveille en pleine nuit ?" Je lui demandai d'un ton taquin.

"J'veux bien t'accompagner faire pipi dehors, mais si tu me réveilles pour une bestiole ou juste parce que t'entends du bruit, tu vas passer un sale quart d'heure." Il me répondit sur un ton amusé, et je compris bien vite que l'idée de base que j'avais sur lui était totalement erronée. Je le pensais froid, distant et hautain, mais en réalité, il avait un côté très plaisantin et était plutôt ouvert.

"D'accord Monsieur Kim" je répondis mesquinement, le faisant lever les yeux au ciel, puis, il ferma la seule lumière qu'on avait, et s'allongea dans son lit, en me chuchotant un bonne nuit.

Le lendemain, lorsque j'ouvris les yeux, Taehyung et Namjoon étaient déjà debouts. Mon professeur me salua d'un geste de main alors que Taehyung releva la tête de son carnet, faisant un léger signe comme bonjour.

Je pris la thermos à café que le plus vieux me tendit, et je m'assis à côté de mon nouvel ami, guettant d'un œil curieux ce qu'il faisait. Sans grande surprise, je le vis dessiner une plante d'un blanc magnifique qui se trouvait non loin de nous, à la souche d'un arbre.

« C'est quoi ? » je demandai en le regardant d'un air curieux.

« Crinum lily, je ne pensais pas en trouver en pleine forêt. »

D'un œil intéressé, j'observai la finesse de ses traits représenter à merveille la fleur sous ses yeux, mon café toujours en main.

« Pourquoi t'as voulu être biologiste ? » je laissai échapper.

« Pourquoi t'as voulu être zoologiste ? » Taehyung me retourna la question avec amusement, stoppant son dessin pour porter son regard inquisiteur sur moi.

« Yo la famille ! Vous avez bien dormi ? Ce matin il y avait des fourmis dans ma tente elles étaient trop mimi ! » Momo venait de nous rejoindre, nous montrant la paume de sa main où gambadaient cinq-six fourmis rouges.

D'un rire communicatif, on termina de se préparer avant de suivre Adriel dans la forêt, débutant nos petites recherches.

****

Deux semaines étaient passées, et étonnamment, j'avais noué une réelle relation avec les quatre personnes qui m'entouraient, nous n'étions pas que de simples collègues de travail à la recherche d'une biodiversité nouvelle mais bien une réelle petite troupe soudée et animée.

Je m'entendais très bien avec Momo que je considérais même comme ma meilleure amie. Cette fille mettait toujours de la bonne humeur dans notre quotidien et sa passion pour son métier m'apportait une curiosité nouvelle pour les insectes.

Hormis le temps que je passais en compagnie de Momo, lorsque je n'étais pas avec elle, je me retrouvais avec Taehyung. Lui aussi avait rapidement pris une place dans ma vie, et je savais qu'à l'extérieur, une fois nos recherches terminées, je resterais en contact avec cet homme taquin et intelligent.

Taehyung m'apprenait beaucoup de choses sur la nature. C'est vrai qu'ayant étudié en particulier les animaux pendant un certain temps, je ne connaissais pas du tout les plantes que nous pouvions observer.

On prenait souvent le temps de se balader dans le coin, le soir, à deux, et Taehyung s'amusait à tenter de me faire reconnaître les plantes que nous croisions. 

Lorsque, par chance, on pouvait observer des oiseaux rares, c'était à mon tour de lui apprendre des choses, et j'aimais beaucoup cet aspect de notre relation. Il était aussi très à l'écoute, et j'adorais passer mon temps à discuter avec lui le soir avant de dormir.

****

Un jour, alors que l'on faisait un petit tour habituel, nous avions entendu du bruit à proximité du campement. Intrigués, nous avions alors traversé les nombreuses plantes avant d'atterrir dans une sorte de clairière, vide d'arbres.

Et alors qu'on entendait plus rien, s'apprêtant à faire demi-tour au vu de l'heure tardive car le jour était déjà tombé depuis un moment, nous vîmes débarquer une dizaine d'hommes qui semblaient chercher quelque chose malgré la pénombre.

Nous étions tout d'abord sur nos gardes et Adriel nous avait demandé de nous taire. Lui-même n'était pas sûr que ces gens viennent juste pour faire un tour, ou un stage de survie, ayant déjà vu des promeneurs en faire.

Silencieusement, nous nous mîmes à leur trousse, veillant à ne pas nous faire repérer inutilement, et guettant en même temps le chemin qu'ils prenaient pour ne pas nous perdre.

Au bout d'un moment, ils sortirent de la forêt et nous atterrîmes sur une zone totalement déboisée et remplie de marécages. Ils avaient monté deux tentes, relativement petites, et deux gros camions se trouvaient juste à côté, les énormes roues pleines de boue, montrant qu'ils étaient arrivés il y a peu. 

Et, lorsque les hommes qu'on avait suivi s'approchèrent des deux qui se trouvaient devant les camions, je sentis mon sang bouillir dans tout mon corps, et mes sourcils se froncèrent de colère en apercevant, sous la bâche du camion qu'ils venaient de lever, un gros caïman à lunettes endormi et blessé à la mâchoire.

« Des braconniers... » soupira Adriel, la voix chargée de colère.

« Il faut retourner au camp et prévenir le poste scientifique du Brésil. On ne peut rien faire. » Commenta mon professeur en se retournant, bien vite suivi par Momo et Adriel.

Seulement, j'étais juste incapable de bouger. Seul le caïman m'importait. Il avait l'air affaibli, blessé et, lorsque je vis un homme revenir avec deux bébés caïmans, clamant haut et fort qu'ils seraient parfaits pour leur cirque, mon sang ne fit qu'un tour avant que je ne me relève, prêt à en découdre avec eux.

De quel droit osaient-ils s'en prendre à une famille ainsi, les privant de leur milieu naturel pour un business lucratif et dangereux ?

Mais je n'eus le temps de faire qu'un pas que Taehyung me tira fortement en arrière, me faisant retomber sur les fesses, une douleur dans le dos venant me prendre directement d'assaut.

« Qu'est-ce que tu fais bon sang ?! » Chuchota-t-il sur un ton mélangeant l'inquiétude et la colère.

Vivement, je me retournai vers lui, étant juste derrière moi, son bras maintenant avec force le mien.

« On ne peut pas les laisser faire ! C'est.. C'est cruel ! »

« Jungkook ! Ils sont huit et en plus ils sont armés ! Tu veux qu'on fasse quoi au juste ? »

« Je sais pas mais on ne peut pas repartir comme ça... Ces crocodiles sont en voie de disparition, leur vente est illégale ! Il faut- »

Mais Taehyung posa ses deux mains sur mes joues, me faisant lever la tête vers lui, et son regard doux réussit à me calmer instantanément tout en me faisant soupirer de tristesse.

« Je sais, Jungkook, mais si je te laisse y aller, c'est toi qu'on va perdre. Et je refuse ça. » Il me dit, me faisant serrer les poings, bien que mon cœur loupa un battement face à ses mots si sincères. « La meilleure chose à faire c'est de prévenir le centre du Brésil qui les interceptera à la sortie de la forêt. On ne peut rien faire d'autre, malheureusement. »

Et je ne fus qu'encore plus en colère contre moi car, pour la première fois, je venais de me rendre compte de mon incapacité à réagir face à cette situation. Je voulais être zoologiste pour aider les animaux, sauver les derniers spécimens et faire de nouvelles découvertes mais la seule chose dont j'étais capable, c'était de réagir au quart de tour et de mettre en danger mon équipe et la nature autour de nous.

Résigné, je regardai Taehyung, le suppliant presque de me sortir de là, car j'étais juste incapable de partir de moi-même et d'abandonner des représentants de cette espèce qui était déjà en immense danger.

Le brunet me comprit rapidement, et d'une poignée douce, il me donna la main, me tirant silencieusement vers notre camp où Momo nous attendait, paniquée.



****

Le soir, je n'avais pas vraiment été d'humeur à manger. Momo avait tenté de me faire rire avec ses anecdotes mais mon esprit était trop concentré sur la scène horrible dont j'avais été témoin pour penser à autre chose.

C'était mon premier job, ma première mission, et j'avais déjà l'impression d'avoir tout raté. Le professeur Namjoon m'avait assuré maintes fois que je ne devais pas m'en faire, que ces gens seraient attrapés dès qu'ils quitteraient les lieux et que les crocodiles seraient relâchés en toute sécurité dans leur état naturel. Mais rien de tout ça n'avait réussi à me faire changer d'humeur.

Les animaux, c'était sacré pour moi, et je les aurais sûrement mis en danger si Taehyung ne m'avait pas retenu plus tôt, ou si Namjoon et Adriel ne s'étaient pas précipités au camp pour alerter les patrouilleurs du centre.

Ouais, je ne supportais pas d'avoir perdu ainsi mon sang froid et ça gâchait l'ambiance de notre petit repas autour du feu de camp.

« Désolé mais, j'vais faire un tour. » En prenant tout de même soin de les prévenir, je partis vers la forêt, rejoignant un petit chemin qu'on empruntait souvent le soir avec Taehyung, amenant à un petit espace dégagé d'où l'on pouvait voir les étoiles.

Le sol était parsemé de fleurs, celles que Taehyung dessinait sans cesse, les crinums Lily. J'avais appris que c'étaient ses fleurs préférées. Il m'avait dit qu'elles avaient sûrement dû être importées ici, mais qu'elles avaient su trouver leur place parmi la végétation importante qu'offrait déjà la forêt amazonienne. Et j'avais fini par adorer ces fleurs moi aussi, observant chaque jour Taehyung reproduire à la perfection ce qu'il avait sous les yeux.

Comme je m'y attendais, mon ami m'avait suivi, les mains dans les poches et le regard vissé sur le ciel. Sans parler, il vint s'assoir à mes côtés et je laissai reposer ma tête sur son épaule, fatigué de tout ça.



« Pourquoi suis-je si impuissant... ? »

La main de mon Hyung passa dans mon dos, et cherchant de la chaleur, je me rapprochai un peu plus de lui. Je sentais ses doigts se faufiler jusqu'à ma nuque, avant de masser celle-ci doucement.

« Tu n'es pas le seul à te sentir impuissant. C'est notre première expérience sur le terrain Kook, c'est la première fois qu'on est confronté à ça. Et malheureusement on n'est pas assez équipé pour leur faire face. Nous ne sommes là que pour répertorier les espèces que nous croisons et vérifier leur état de santé, c'est tout » il me confia, bien que je sente sa voix trembler.

« J'aurais tellement aimé faire quelque chose pour ces caïmans... Pourquoi des Hommes détruisent ainsi les animaux pour de l'argent..? »

« Parce que l'Homme recherche le pouvoir et l'argent partout, malheureusement. Beaucoup ne voient la Nature que comme un espace destiné à les enrichir, à détruire et à construire et peu de personnes voient réellement la beauté que celle-ci nous offre » il murmura et je le sentis lever la tête, alors je me redressai à mon tour, noyant mon regard dans le sien.

Taehyung était vraiment magnifique.

 

Plus le temps passait, plus je regrettais de n'avoir jamais osé lui parler durant nos années d'études. Il était incroyable, bourré de connaissances, il savait dessiner, il était très taquin, mais surtout, il était mon pilier ici. Je pouvais lui parler en toute transparence et je chérissais ce genre de relation. Celle où l'on se tirait vers le haut en permanence et où l'on avait pas la peur de se sentir jugé.

« Tae, pourquoi t'as voulu être biologiste ? » je lui demandai de nouveau, puisqu'il ne m'avait pas répondu la première fois. Et maintenant, je me sentais assez proche de lui pour lui reposer cette question qui me brûlait les lèvres.

« La nature est un lieu d'évasion pour plusieurs personnes, pour s'enfuir de la monotonie, du stress et du rythme infernal des villes. » il commença, restant plutôt évasif. « La nature change tout le temps, à chaque heure, chaque saison. Elle est remplie de couleurs, d'espèces, de sentiments et surtout d'honnêteté. » il poursuivit, les yeux remplis d'étoiles.

C'est ainsi que ma grand-mère décrivait la nature. Comme pour toi, c'est elle qui m'a transmis cette passion pour les plantes. Elle était artiste-peintre et ce qu'elle adorait surtout représenter, c'était des paysages qui s'étendaient à perte de vue. Elle me disait souvent que les beaux paysages ne se captent pas dans des toiles ou des boîtes, ils s'installent dans les sentiments. Je n'avais jamais réellement saisi ce qu'elle entendait par là jusqu'à ce que j'étudie les plantes. C'était devenu une passion, et plus je passais du temps en forêt, aux serres ou dans les clairières, plus je comprenais ce qu'elle cherchait à me dire depuis tout ce temps. Et maintenant, je me rends compte à quel point la profession que j'ai choisie est fabuleuse. »

Il soupira, avant de tourner la tête vers moi, sa main venant joindre d'une douce caresse la mienne alors que mon cœur battait à tout rompre, comprenant réellement ce qu'il disait, et ressentant toutes les émotions qu'il transmettait dans ses paroles.

« Alors ne te dis pas que tu es impuissant. On est encore qu'au début de notre aventure Kook, et j'te promets que ce ne sont pas huit braconniers qui vont nous enlever notre passion. »

Et, entendant ses paroles pleines d'espoir, je lui fis un sourire qui signifiait tant de choses que je ne pouvais exprimer verbalement et, sans vraiment réfléchir à mes pensées, je laissai mon coeur s'exprimer, lui montrant à mon tour ma sincérité, avant de sentir la chaleur de ses lèvres venant embrasser les miennes avec tendresse, dans un amalgame de sentiments si forts que les mots qu'il avait dévoilé peu avant devinrent véridiques.

« Taehyung, je t'aime. »




Et ce fut au sein de cette faune et flore que l'on jugeait de sauvage et indomptable que notre histoire vit le jour, dans un endroit magnifique où les crinums Lily avaient trouvé leur place, tout comme Taehyung et moi trouverions un jour notre place dans nos métiers respectifs, découvrant et sauvant de nombreuses espèces, main dans la main.



- FIN -

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top