Vanité Humaine
Ecrit par : Shiikaamaru
"Préjugé, vanité, calcul, voilà ce qui gouverne le monde. Celui qui ne connaît pour règle de sa conduite que raison, vérité, sentiment, n'a presque rien de commun avec la société."
Nicolas de Chamfort
L'hiver de l'an 1962 avait été affligeant, les conditions avaient été plus que difficiles et désavantageuses, la famine, les maladies, le froid qui s'attaquait avec cruauté aux plus démunis, le manque de ressources naturelles faisait qu'il était dur de nourrir tout le peuple, le pays était pauvre et cela s'était aggravé après la guerre qui avait séparé la République en deux, dix années plus tôt. Tant de terres avaient été détruites, tant de familles séparées, tant de foyers démolis, tant de soldats avaient péris.
Cet hiver avait été bien plus éprouvant que les précédents. C'était donc avec joie que les citoyens sud-coréens accueillaient le printemps qui apporterait avec lui du beau temps et une chaleur agréable, accordant un minimum de répit aux misérables ayant souffert pendant de longs mois.
JeonGguk, lui, n'avait pas souffert.
Il était de ces enfants issus d'une famille aisée et qui n'avaient pas besoin de mendier pour avoir un bout de pain, de quoi se remplir le ventre et faire taire leur faim.
Il était de ces enfants qui s'endormaient dans un lit douillet et confortable, avec une cheminée non loin d'eux pour les réchauffer, de ces enfants qui avaient beaucoup de jouets à Noël, de ces petits garçons gâtés qui, au fond, n'étaient que faussement heureux.
Il regardait depuis sa fenêtre l'horizon, en quête d'inspiration. Il vivait avec ses parents dans une demeure assez éloignée des autres habitations. Sous ses yeux brillants se dévoilait une énorme étendue verdâtre, des forêts aux grands arbres, des champs de fleurs à perte de vue.
La neige avait visiblement fondue et le vent fort et glacial n'était plus, les montagnes qu'il apercevait lui donnaient le sentiment d'être minuscule et insignifiant, la nature, dans tous ses aspects l'intimidait beaucoup, elle était si vaste que ça lui prendrait plusieurs vies pour la décrire avec des mots, et la découvrir dans son entièreté lui semblait inenvisageable, un rêve qu'il ne faisait que frôler du bout des doigts.
JeonGguk aurait aimé sortir, sentir l'air pur , courir sur ces chemins de fleurs et arpenter les vallées, gambader sans avoir à se soucier de beaucoup de choses.
Mais malheureusement, son handicap l'en empêchait.
Il était incapable de se mettre sur ses deux pieds, il se déplaçait en chaise roulante, une sorte de fauteuil à trois roues, il avait de ce fait un employé derrière son dos pour l'escorter et l'aider à accomplir les moindres tâches de son quotidien la plupart du temps, même lorsqu'il pouvait se débrouiller seul, ses parents lui refusaient toute liberté et indépendance, ça en devenant étouffant avec le temps. Mais il se disait souvent qu'il n'était pas à plaindre, il y avait bien pire dans ce bas monde.
Il ne sortait que très rarement de chez lui, et se contentait de rester dans le jardin lorsqu'il le faisait.
Le jeune homme âgé de dix-neuf ans voyait le temps défiler à toute vitesse sous ses yeux , et bien souvent il ne prenait pas conscience de la rapidité à laquelle il filait. Que pouvait-il bien faire de ses journées, la richesse de ses parents et l'héritage de ces derniers lui permettaient de vivre aisément sans se soucier du travail, qu'il ne pouvait de toute évidence pas faire au vu de son état de santé.
Il avait dix-neuf ans mais c'était comme s'il n'avait jamais grandi. Qu'il était toujours un enfant innocent, qui vivait paisiblement à l'abri du monde et de ses dangers, se cachant lâchement chez lui à longueur de journées. Il n'était qu'une âme fragile qui avait tant à découvrir, tant à ressentir. Et qui ignorait à quel point l'être humain pouvait être mauvais et vicieux, à quel point la vie n'était pas toujours facile et toute rose.
Enfermé, il ne connaissait personne si ce n'était ses voisins, qui habitaient à quelques kilomètres à peine.
Il s'entendait bien avec le fils aîné, Kim Taehyung.
Celui-ci vivait avec sa mère et son jeune frère. Ils étaient une famille modeste qui possédait une ferme, cette ferme n'était pas grande, mais au moins, elle leur permettait de tenir le coup.
Il fut un temps où lui et Taehyung avaient été inséparables.
Curieux, l'enfant assoiffé de découvertes s'était aventuré dans le jardin de la famille Jeon et c'était ainsi qu'ils s'étaient rencontrés. La mère de JeonGguk avait grondé le pauvre petit garçon mais avait finit par lui proposer de revenir plus tard pour jouer avec ce dernier.
Elle était bienheureuse en voyant son fils se faire un ami, Taehyung était un garçon poli et gentil, il s'était excusé à plusieurs reprises pour son intrusion accidentelle et avait tout fait pour se faire pardonner. Finalement, les deux enfants s'étaient tissés des liens d'amitié forte et sincère.
Mais le temps qui filait à toute vitesse avait su les éloigner, trop de choses les opposaient et ils ne venaient pas du même monde, lorsqu'ils étaient enfants, ces choses là ne se faisaient pas ressentir, elles n'étaient pas importantes, elles ne se remarquaient qu'en grandissant, ils avaient compris pas mal de choses et cela avait mis des barrières dans leur relation, une gêne qui les éloignait l'un de l'autre.
JeonGguk aimait écrire des poèmes.
Il aimait fermer les yeux et sentir les mots mélodieux faire écho partout dans son esprit, il aimait graver sur du papier tous les maux qu'il se retenait d'exprimer à voix haute. Il appréciait voir les vers qu'il avait plein la tête prendre forme sous sa plume à l'encre noire.
Mais, à rester trop renfermé et seul, le jeune homme perdait peu à peu toute son inspiration et son envie d'écrire. Pourtant, c'était sa passion, le passe-temps qui animait ses journées et qui embellissait ces dernières depuis qu'il était enfant.
Il était effrayé à l'idée de perdre la seule chose qu'il possédait. Il avait perdu tant, et il espérait sincèrement que ce doux printemps qui ouvrait ses portes allait lui inspirer des airs.
Plusieurs festivals étaient organisés partout dans le pays pour célébrer la venue de la saison des fleurs de cerisier. Beaucoup de lieux sacrés et de temples étaient décorés et illuminés pour l'occasion. Il donnait cher pour admirer tout cela de ses propres yeux, il était plus que certain que ces paysages printaniers et joyeux lui apporteraient le confort qu'il cherchait désespérément depuis de longues semaines.
Et inconsciemment, JeonGguk avait apporté ses mains jusqu'aux roues avant de sa chaise roulante, poussant légèrement sur celles-ci pour se diriger vers le coin de la pièce, là où se trouvait un téléphone fixe.
Très peu de gens possédaient ce gadget de technologie révolutionnaire. C'était un moyen de communication qui facilitait leur quotidien, et il s'imaginait souvent un futur dans lequel tout le monde pouvait se permettre de posséder un téléphone. Il ne savait si cette idée était terrifiante ou magique. Quelles sont donc les limites de l'Homme ?
A-t-il seulement des limites ?
Il prit soin de saisir le petit livre dans lequel étaient répertoriés plusieurs numéros, des amis de la famille, des employés, des numéros d'urgence, il cherchait un numéro en particulier et il espérait le retrouver rapidement.
Il voulait demander à Taehyung de l'accompagner aux festivals, mais il hésitait fortement, pourquoi Taehyung accepterait une telle demande ? Ils n'étaient plus amis, ils ne s'étaient plus échangés de nouvelles depuis plusieurs années. Le plus vieux était bien trop occupé avec son travail à la ferme familiale et le plus jeune avait tendance à croire qu'il dérangeait son aîné avec sa simple présence.
Ses mains tremblaient d'appréhension alors qu'il faisait tournoyer les chiffres pour composer le numéro du domicile de son vieil ami.
Il eut à peine le temps d'apporter le combiné à son oreille que la voix féminine de madame Kim le saluait joyeusement. Demandant de ses nouvelles.
De nature réservée, JeonGguk répondit poliment en échangeant des paroles formelles. Il ne voulait qu'une chose ; entendre la voix rauque du Kim.
Ce n'était qu'à ce moment-là qu'il se rendait compte d'à quel point Taehyung lui manquait terriblement. Pendant longtemps, il avait juste voulu oublier leur amitié et s'interdisait d'y repenser, comme pour se protéger.
« Eh bien, tu n'as pas appelé sans raison, je me trompe ? »
« En effet, oui, j'aimerais parler à Taehyung si c'est possible. »
« Évidemment, je te demanderai de patienter quelques instants. »
« Bien-sûr. »
Il pouvait donner l'impression qu'il était froid, voir arrogant, mais c'était en réalité la nervosité qui le poussait à adopter ce timbre de voix détaché. Il savait qu'il perdait toujours ses moyens lorsque Taehyung se trouvait dans les parages. Il buttait sur ses mots et avait du mal à réfléchir correctement.
La raison lui était inconnue. C'était peut-être l'apparence intimidante de l'aîné qui lui faisait cet effet. Taehyung avait toujours été un garçon fort, même lorsqu'ils étaient petits. Il travaillait dur depuis son plus jeune âge pour subvenir aux besoins de sa famille qui était en difficulté à l'époque. Maintenant, tout semblait mieux aller financièrement grâce à la dur labeur des frères Kim.
C'était toutes ces années de travail laborieux qui faisaient que Taehyung était imposant avec un corps bien bâtit. Mais ce n'était qu'en apparence, le brun était vraiment adorable, il était souvent joyeux et jovial, sa bonne humeur était contagieuse et son sourire faisait fondre des cœurs, enfin, c'est ce qu'il était avant, c'était l'image que le noiraud avait gardé de lui, il pouvait avoir changé avec le temps.
Après tout, le temps change lorsqu'il passe. Et il ne laisse que des souvenirs sur son passage, des instants qu'on ne peut rejouer que dans son esprit.
Perdu dans ses réflexions, il en oubliait presque la situation dans laquelle il se trouvait. Et lorsque la voix grave du Kim retentit à l'autre bout du fil, il frissonna, fermant presque les yeux. À cet instant, beaucoup de sentiments l'envahissaient alors que la voix mélodieuse de son ami lui chatouillait les oreilles.
Taehyung n'avait fait que le saluer, et pourtant ça l'avait complètement chamboulé.
« JeonGguk-ah ? Tu m'entends ? »
« Oh oui, excuse-moi. »
Soupirant faiblement, il essayait de rassembler de nouveau du courage, celui-ci s'étant envolé après avoir entendu le son de sa voix. Ses réactions le dépassaient complètement, il ne s'interrogeait même plus sur le sujet à force, c'était comme ça.
« Ça fait longtemps, comment vas-tu ? »
La voix de Taehyung se faisait hésitante et il semblait un peu gêné et perdu.
« Je vais bien, Taehyung. Et toi ? J'espère que je ne te dérange pas. »
« Non, ne t'en fais pas. »
Il y eut un court instant de silence, avant que l'aîné ne reprenne.
« Je vais bien, merci. »
JeonGguk avait été déçu par cette réponse, il s'était attendu à ce que Taehyung lui dise qu'il lui avait manqué et qu'il voulait le revoir. Tant pis, si Taehyung ne faisait pas le premier pas, il le ferait lui-même.
« J'aimerais te demander quelque chose, s'il te plaît. »
Il jouait nerveusement avec les fils en plastique du téléphone qu'il tenait contre son oreille. Le combiner était assez lourd et il commençait presque à avoir une crampe au bras. Il pouvait voir le vent souffler sur les feuilles des arbres depuis sa fenêtre, alors qu'il attendait une réponse.
« Je t'en prie. »
« Est-ce que... Peut-on se voir ? »
Il s'en voulait de paraître si peu sûr de lui même, il manquait de confiance en lui quand il s'agissait de Taehyung, il avait toujours voulu l'impressionner et attirer son attention, et il sentait l'angoisse fuser dans son corps alors qu'il n'avait que la respiration régulière de son vis-à-vis comme réponse.
« Pourquoi me demander cela si soudainement ? »
Son cœur se serrait dans sa poitrine et l'espoir de recevoir une réponse positive se dissipait peu à peu. JeonGguk détestait lorsqu'il n'obtenait pas ce qu'il convoitait, il avait toujours eu l'habitude de recevoir ce qu'il demandait sur le champ, il n'avait qu'à ordonner et ses parents obéissaient. Mais il commençait à se rendre compte que tout le monde n'était pas comme ses géniteurs qui l'avaient gâté, Taehyung avait le droit de dire non et il ne pouvait rien y faire, il était impuissant face à cette situation et ça le frustrait énormément.
« Je voulais assister au festival printanier. »
« Tu veux que je t'accompagne ? »
JeonGguk ne répondit pas, la réponse à la question posée était pourtant évidente.
« Très bien, c'est d'accord. »
[🌻]
Taehyung lui avait donné le jour exact et l'heure à laquelle il avait prévu de venir le chercher chez lui.
Lorsqu'ils s'étaient retrouvés, ils avaient discuté mais le mur qui se dressait entre eux était toujours présent et son apesanteur gênait le cadet qui était toujours aussi intimidé par le beau brun.
Les parents Jeon avaient accordé une faveur à JeonGguk en le laissant sortir, il avait dû employer les grands moyens leur faire comprendre qu'un après-midi passé en compagnie de quelqu'un, en dehors de la maison ne lui arracherait pas un bras .
Taehyung avait une peau mielleuse, son épiderme teinté par les rayons de soleil démontrait bien son statut social, c'était ainsi que les gens distinguaient la richesse de telle ou telle personne, les simples paysans et les gueux qui travaillaient aux champs avaient une peau brunie, tandis que les bourgeois avaient une peau claire et une apparence soignée pour garder une bonne réputation.
C'était peut-être pour cette raison que les gens jetaient des regards indiscrets à JeonGguk, les murmures s'amplifiaient vicieusement alors que Taehyung poussait son fauteuil, il trouvait le paysage beau, les fleurs exposées fièrement auraient pu le faire rêver mais ces oeillades lui brûlaient la peau, il les sentait se planter dans sa chair comme des couteaux qu'il avait longtemps repoussé, il regrettait sa jolie maison où la solitude était sa seule amie.
Ils avançaient sans se dire un mot, le noiraud regardait avec émerveillement tout ce qui l'entourait, comme un enfant.
C'était le silence dans la place publique, il était l'heure des prières et des remerciements, mais ni Taehyung, ni JeonGguk n'avaient le cœur à joindre leurs mains et à chuchoter des prières désespérées. Les pétales rosées des grands cerisiers se déposaient avec délicatesse sur les cheveux de jais du cadet , il en saisit une et la regarda intensément, il ressentait du vide à cet instant, lui qui avait pensé que cette sortie lui permettrait de retrouver les mots qu'il perdait, Ce n'était pas gagné.
Il n'avait pas sa place ici, il était étranger.
C'était un festival de paysans.
JeonGguk ne se sentait pas spécialement supérieur, mais on n'avait jamais cessé de lui dire que tous les humains ne naissaient pas égaux, que leur richesse et leurs exploits comptaient toujours. Face à ces idées qu'ils subissait, il ne pouvait qu'être influencé.
Ce n'était que le reflet de l'ironie d'une société de service où tout le monde se ressent puis s'efface. Où les Hommes s'offensent et se détachent, les apparences passent avant les gens dans le besoin, on trouvera toujours des privilégiés, ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche seront toujours méprisés par ceux qui n'ont que des terres à exploiter. Mais au final, JeonGguk se disait qu'ils étaient tous responsables de ce manque d'empathie que leur monde abritait.
Plus tard, Taehyung l'avait conduit quelque part, un endroit calme dans lequel les bouches qui maudissaient n'avaient plus rien à dire, où leurs regards ne l'atteignaient pas. La présence de Taehyung lui était bénéfique, il le ressentait.
« Nous sommes des hommes néfastes. »
JeonGguk ne savait quoi dire, que pouvait-il répondre ? Même s'il n'aimait pas l'avouer, son aîné avait raison. Ils étaient néfastes.
Ils se trouvaient dans une clairière, l'astre solaire envoyait ses doux rayons caresser les feuilles et les roses. Taehyung avait refusé qu'il se lève de son siège dans un premier temps, mais il était parvenu à le convaincre de le laisser s'assoir sur l'herbe fraîche. Il cueillait des fleurs aux pétales blanches qui se trouvaient un peu partout auteur d'eux. Sous le regard bienveillant du brunet.
Il cogitait. Les phrases qui trottaient dans son esprit n'avait pas de sens.
« Tu ne trouves pas ça drôle, toi ? »
Il se retourna lentement vers lui, le regardant de ses grands yeux, Taehyung le détaillait intensément, le dévisageant comme si c'était la première fois qu'ils se voyaient vraiment.
Il semblerait que la gêne qu'ils ressentaient auparavant s'était quelque peu atténuée, ils avaient l'air détendus et ouverts à la discussion.
« De quoi ? »
Un fin sourire se dessina sur les lèvres abîmées du plus âgé, qui passa une main dans les bouclettes noires de JeonGguk qui affichait une mine perdue. Il avait abandonné sa cueillette improvisée, reportant toute son attention sur son vis-à-vis.
« Comment l'être humain se crée différentes natures, comme si celle que l'on a déjà n'était pas suffisante. »
Il reprit entre ses doigts fins une fleur, la faisant tournoyer plusieurs fois.
« Tu sais, ils disent que la femme est plus faible que l'homme, c'est la nature, c'est comme ça. »
Il arracha avec lenteur un pétale, le posant précieusement au creux de sa paume.
On disait bien souvent que les femmes étaient plus sensibles, moins fortes, qu'elles dépendaient des hommes et qu'elles avaient besoin qu'on les protège , Taehyung trouvait cette manière de voir les choses plus qu'absurde. Les hommes inventent des bêtises et les imposent de force, parce que ça les arrange bien.
« L'homosexualité est contre nature, deux personnes du même sexe qui s'aiment, c'est vrai que ça défie les lois de l'univers, c'est vrai que c'est dérangeant. »
Il répéta la même action. Plissant des yeux, JeonGguk l'écoutait attentivement, trouvant que le fond de la pensée de cet homme était différent.
Il n'avait jamais eu ce genre de réflexions, JeonGguk était un grand rêveur, il se perdait souvent dans les tréfonds de ses pensées, et il écrivait des poèmes de divers thèmes. Mais, la nature était quelque chose qui le dépassait, que ça soit la nature humaine, ou la nature matérielle.
Oui, il décrivait les sublimes paysages de sa compagne qu'il aimait admirer dans ses vers, mais il ignorait involontairement la laideur et l'imperfection de leur monde, ne posant aucun mot dessus.
« La cécité est séduisante lorsque tout devient plus dur, n'est-ce pas ? »
« Nous sommes tous aveugles. »
« Nous ne le sommes pas tous, seulement, beaucoup choisissent de l'être. »
JeonGguk ne fit qu'un geste de la tête pour approuver ses dires.
« Et l'humain voudra toujours s'approprier ce qu'il ne peut avoir. Mmh? »
Un petit coup d'œil vers son aîné et JeonGguk vit que celui-ci le fixait. Les yeux de Taehyung se baissaient vers le bas de son visage, zieutant ses croissants de chair.
Le brun souffla doucement sur les pétales qui formaient un petit amas dans sa main, celles-ci s'envolant, emportée par la légère brise qui faisait danser leurs mèches de cheveux.
« Regarde, cette rivière, ce champ, cette forêt, ne sont-ils pas l'œuvre de l'humain ? Si nous n'étions pas là, nos terres ne ressembleraient pas à ce qu'elles sont actuellement. Est-ce vraiment ça la nature ? »
Taehyung déposa sa fine main sur l'épaule du plus jeune, qui méditait sur ces paroles qu'il se répétait.
« Alors, oui, l'humain se crée des natures, il s'y perd, il s'y détruit au détriment d'évoluer, et cela est drôle. Parce que tôt où tard, il se rendra compte qu'il est bien trop petit pour cela. Et qu'il n'est que de passage. »
La respiration de JeonGguk s'était coupée, alors qu'il comprenait peu à peu les paroles pleines de sagesse de son compagnon. Il ignorait pourquoi Taehyung lui parlait de ce sujet, cela avait peut-être un rapport avec le début de leur matinée qui s'était mal passé.
Le sourire radieux que Taehyung affichait à cet instant valait tout l'or du monde.
Et c'était ainsi qu'il avait compris une chose simple, une chose que beaucoup ne voyaient pas, mais qui avait toute son importance.
Ils s'en iront tous un jour.
Et cet endroit restera le même.
C'était peut-être ça, la vraie nature.
Celle qui évolue, mais celle qui reste.
Taehyung s'approcha doucement, prenant en coupe le visage poupon du noiraud qui ferma les yeux, se laissant aller aux caresses administrées sur ses joues rondes. Taehyung déposa doucement ses lèvres sur son front, c'était si léger, que JeonGguk en avait douté.
Il s'éloigna, croisant ses bras derrière sa tête en se laissant tomber sur l'herbe, regardant le ciel avec un sourire en coin. Alors que JeonGguk le toisait toujours, gêné mais heureux.
Et il sortit son carnet de sa poche, prêt à décrire avec bien des mots ce sentiment plaisant qu'il ressentait dans sa poitrine, quelque chose de planant qu'il ne garderait que pour lui, parce que la nature est belle, qu'elle est bien faite mais que les humains le sont beaucoup moins et que cette attirance qu'il ressentait avait beau ne pas déranger la nature, elle dégoûtait ses Hommes sans visage.
- FIN -
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