Nature + Destin = Mort
Ecrit par : Shadow_in_your_mind
"La nature est bien faite, disait-il. Elle nous diminue peu à peu avant de nous effacer complètement."
François-Henri Désérable, Tu montreras ma tête au peuple
Il y a des choses que les mots ne disent pas.
Des choses parfois simples, ou parfois difficiles, mais qui sont toujours trop impressionnantes pour être décrites avec de simples mots.
Il y a des phrases qui sont faites pour n'être jamais dites, des mots qui sont faits pour n'être jamais prononcés, ou même des façons de regarder pour ne jamais être utilisées.
Mais par-dessus tout, il y a des événements qui sont faits pour ne pas être remis en question, pour être vécus sans résistance, sans protestation.
J'appelle ça le destin, d'autres appelleront ça le karma, d'autres l'avenir ou encore simplement la nature, le cycle de la vie.
Le destin, pour moi, c'est cette chose dans notre histoire qui fait qu'on se prend sans cesse des couteaux dans le dos et que nos erreurs nous retombent toujours dessus à un moment ou un autre.
Ma mère m'a dit une fois que lorsqu'un couteau de ce genre était planté dans notre chair, il fallait l'enlever. Mais je ne suis pas d'accord avec sa façon de penser car enlever le couteau reviendrait à laisser la blessure se vider de son sang, ce qui conduirait malheureusement à la mort, le bout du destin, sa fin.
Ma psychologue m'avait dit qu'il ne fallait pas se relever après chaque coup de couteau, qu'il fallait se laisser abattre, parce que selon elle on ne pouvait pas vivre en ayant mal. Autant vous dire qu'elle et moi on avait vite arrêté de se voir.
Se laisser abattre serait pire que d'enlever le couteau à mes yeux.
Alors dans ma tête de jeune garçon en pleine santé, j'étais venu à la conclusion que la solution était de faire cicatriser sa peau autour des couteaux. Ils étaient toujours là, certes, et toujours aussi douloureux.
Il fallait apprendre à vivre avec, à ne pas les oublier mais à les ignorer.
Et cette révélation, cette conclusion, avait changé toute ma perception du destin et de la vie humaine en général.
J'avais compris que la vie était trop courte pour passer son temps à se lamenter sur ses problèmes, que tous les idiots qui se moquaient de nous et qui nous faisaient du mal ne valaient rien en réalité si on les ignorait. Il suffisait de leur prouver que l'on était fort et dans la majorité des cas, leurs enfantillages cessaient.
Seulement, personne de mon entourage n'était du même avis que moi.
Au moins, tout le monde m'admirait pour ma répartie et ma maturité.
C'est ce qui me coûta le plus quand ça arriva, le fait que le regard des gens sur moi change de l'admiration à la pitié.
Tous les regards, même le sien...
✯✯✯
« Hé Taehyung ! Tu viens manger avec nous ce midi ? »
Je lançai un regard en biais au garçon qui venait de me poser cette question, Jimin, un camarade de classe. Il sous-entendait de manger avec lui et ses amis visiblement. Très peu pour moi, désolé.
« Hm...J'ai pas trop envie, désolé. Je suis pas mal occupé en ce moment... Je répondis avec mon sourire forcé le plus réaliste.
- Oh ben c'est pas grave ! Une prochaine fois alors ! »
J'acquiesçai à ses dires, réfléchissant déjà à quelle excuse je pourrais lui sortir la prochaine fois.
C'était bien beau de vouloir manger avec moi comme ils le faisaient tous, mais il s'agirait peut-être d'être là avec moi quand j'en avais besoin, non ?
Ils se proclamaient amis mais ça, ils étaient tous incapables de le faire.
Ils regardaient mes larmes couler quand j'en avais, sans même penser une seule seconde à venir les essuyer ou les faire cesser.
Je pris la direction de la sortie de lycée. J'habitais juste à côté donc je pouvais rentrer chez moi le midi.
Pourtant, ce midi là, ce n'est pas vers mon pauvre appartement miteux que mes pieds me guidèrent mais vers un parc situé non loin de celui-ci.
Arrivé à destination, je posais mes fesses sur un des seuls bancs qui ornaient le paysage pour reprendre mon souffle. Il était froid au contact de mes cuisses nues car je portais un short.
Je pris une grande inspiration pour emplir mes poumons de l'air pur que m'apportaient les arbres. Ça faisait du bien. Toute cette Nature, tous ces arbres, ils me faisaient me sentir bien.
Alors que j'étais perdu dans ma contemplation, mon téléphone vibra dans une de mes poches arrières et je dus me lever pour l'en sortir.
Jungkook ♡
| Tu es où ? On devait pas manger avec Jimin ce midi ?
Devant ce message les coins de ma bouche s'étirèrent rapidement parce que c'était Jungkook, mon meilleur ami, qui me l'avait envoyé.
Mais ils s'abaissèrent tout aussi vite car, encore une fois, il n'avait absolument rien écouté de ce que je lui avais dit.
Moi
Non pas du tout, je t'ai dit que j'allais aller me balader au lieu de manger. |
Mais mange avec lui, ça ne me dérange pas.|
Jungkook ♡
|Tu es au parc Hyung ?
|J'arrive ! Ne bouge surtout pas !
Les coins de ma bouche s'étirèrent à nouveau.
Avant que je n'ai le temps de me rendre compte de ce que signifiait son message, il était déjà là, devant moi, haletant comme s'il avait couru 3 kilomètres.
« Pourquoi tu ne me l'as pas rappelé ? Me demanda Jungkook avec une moue absolument adorable.
- Parce que je comptais passer un peu de temps seul avec les arbres et la nature. »
Jungkook vint s'assoir à côté de moi et sa jambe gauche collée à la mienne me réchauffa, contrastant fortement avec la froideur du banc.
Il regarda droit devant lui, admirant sûrement la vue que les arbres lui offraient.
Je fis de même, avec un air légèrement satisfait. J'étais incapable de lui dire, mais j'étais vraiment heureux qu'il ait sacrifié son temps de repas pour venir avec moi.
« Tu ne trouves pas que l'on respire mieux quand on est entouré d'arbres ? Me demanda soudain Jungkook comme si cette question lui avait toujours brûlé la langue.
- Si et c'est normal. » Je lui répondis.
Il me regarda, perplexe, alors je me sentis obligé de continuer.
« Les arbres libèrent de l'oxygène, et ils respirent du Co², pour nous c'est l'inverse. Tu comprends maintenant ? »
Il hocha vivement la tête et son enthousiasme me fit beaucoup rire.
« Je trouve que la nature est très bien faite, Hyung ! »
Il me rendit le sourire que je lui fis.
Le temps passa très vite et on retourna rapidement en cours.
La journée passa plutôt vite et, à la sortie, je retrouvai Jungkook.
« Alors, Hyung ? Tu as passé une bonne journée ? »
Jungkook avait toujours été quelqu'un de bienveillant et je ne pouvais que le remercier pour ça.
« Les cours de coréen étaient un peu ennuyeux... Mais nickel et toi ? » Je lui répondis avec un léger sourire.
Jungkook faisait partie de ces personnes, ces personnes qui, sans raison, me donnaient envie de leur sourire.
« Il y a un garçon qui m'a fait une déclaration d'amour à la pause... Il lâcha calmement en s'agrippant à mon bras droit, celui qui frôlait le sien depuis le début de notre discussion.
- Ah oui ? Et tu ne l'a pas envoyé balader méchamment j'espère !
- Non bien sûr que non, je lui ai gentiment expliqué que j'aimais les filles. »
Une de mes mains vint lui caresser affectueusement les cheveux mais il s'en dégagea rapidement en rigolant.
« Je suis fier de toi Jungkook. »
On fit le trajet pour rentrer ensemble, je fis d'ailleurs un gros détour pour ramener Jungkook chez lui.
Quand je passais la porte de chez moi aux alentours de dix-huit heures, ma mère se jeta presque sur moi. Je n'eus pas le temps d'enlever ni ma veste, ni mes chaussures.
« Taehyung ! J'ai...Une mauvaise nouvelle... »
Son air attristé m'affola.
« Maman ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je... Les examens que tu as fait la semaine dernière à l'hôpital pour tes douleurs respiratoires ... »
Des larmes prirent place aux coins de ses yeux et je me sentis obligé de la prendre dans mes bras.
« Tae-Taehyung... Tu as un cancer. Je suis désolée. Je suis tellement désolée... »
Ça faisait longtemps que j'avais ces douleurs respiratoires. Tellement que je m'étais habitué à vivre avec. Comment pouvais-je être gravement malade sans que personne ne s'en soit rendu compte ?
Tout autour de moi devint flou. Autant la sensation du corps chaud de ma mère contre moi, que les objets que je ne distinguais plus derrière elle en regardant par-dessus son épaule dans notre étreinte.
Moi ? Un cancer ? Mais pourquoi ?
Suite à cette annonce de ma mère, ma vie changea entièrement. Le regard des gens sur moi aussi.
Au début, je me demandais pour quelle erreur j'avais bien pu être punis. Puis j'étais venu à la conclusion que c'était peut-être juste le chemin de mon destin. La nature, le cycle naturel des choses.
Ma mère voulait me garder avec elle à chaque instant et je me sentais plus comme un enfant de cinq ans pouponné que comme un adolescent de seize ans en phase terminale de son existence.
Au fil des mois, je voyais mon reflet dans le miroir s'affaiblir. Non...Je le voyais mourir. Presque... pourrir. Comme les feuilles des arbres que j'aimais tant observer. Je pourrissais mais c'était naturel en quelque sorte.
Mes sourires ressemblaient à des expressions de tortures et mes yeux exprimaient ma douleur.
Mon reflet me faisait peur.
Je faisais des allers et venues à l'hôpital sans cesse et je n'allais définitivement plus à l'école.
À quoi bon travailler pour mon avenir si je n'allais pas en avoir ?
Puis je me fis hospitaliser définitivement. Si au début ma mère avait pu dépenser tout son argent pour que je sois soigné en grande partie à la maison, mon état était désormais bien trop grave pour que je puisse y rester.
Par la fenêtre de ma chambre d'hôpital, je pouvais observer les arbres au dehors. C'était vraiment marrant, car nous étions maintenant en automne et les feuilles devenaient réellement aussi pourries que moi.
La nature ? Le cycle de la vie ? Quelle blague. Je voyais juste par la fenêtre ce que j'allais devenir dans peu de temps.
Un corps tout flétri et rongé par la douleur d'avoir vécu et souffert.
Au bout d'un mois d'hospitalisation, Jungkook vint me rendre visite à l'hôpital avec des yeux remplis de larmes.
Ses larmes brillaient comme des diamants et bien que ce soit la douleur qui les avaient provoquées, je voulais les garder avec moi pour les voir briller.
Pour qu'elles éclairent mes derniers jours avec leur pureté.
« Tae... »
Sa droite main se faufila dans mes cheveux, comme pour me rassurer, me dire que tout irait bien.
Mais je n'avais pas besoin qu'il le fasse. La mort était inscrite dans mon destin, c'était ma nature, j'en avais déjà pris conscience. Je le savais, je vivais avec.
« Je suis tellement désolé... »
Ces mots je les avais entendus des milliards de fois depuis que j'étais malade.
Alors certes, c'était pas marrant de voir sa vie se terminer à seize ans mais pourquoi s'excuser de quelque chose qui était absolument naturel ? La mort était, quoi que les gens puissent dire, naturelle.
« Pourquoi ?
- Parce que tu vas bientôt partir ! Mais tu n'as même pas encore découvert ce qu'il y avait à découvrir... »
Les larmes que Jungkook avait dans les yeux, je n'étais pas sûr de vouloir les voir finalement.
Elles me faisaient...Mal ?
« J'ai découvert ce que je devais découvrir, tout va bien pour moi Jungkook.
- Tu parles comme un papi. Me reprocha Jungkook en saisissant une de mes mains pour la serrer dans les siennes.
- Je suis au même stade de ma vie qu'un papi en même temps. » Dis-je en voulant plaisanter un peu.
Mais ça ne fit pas du tout rire Jungkook.
« C'est pas marrant Hyung ! Quel intérêt j'aurai à aller au parc à la pause du midi si tu n'es pas avec moi ? Hein ?
- Tu y iras pour regarder les arbres. » Je lui répondis, sûr de moi.
Jungkook resserra plus fortement ses mains autour de la mienne qu'il détenait toujours.
« Pour que je te vois dedans et je me rappelle que tu es mort ?
- Non, pour que tu comprenne que ce qui m'arrive est naturel. Les feuilles pourrissent aussi, Jungkook, il y a une saison à laquelle elles ne résistent pas. Je suis à la saison de ma vie où je pourris moi aussi. C'est la nature.
- Je retire ce que j'ai dit l'autre fois Hyung. La nature est mal faite si tu dois mourir si tôt. »
Jungkook lâcha ma main pour essayer tant bien que mal de me faire un câlin, puis il déposa gentiment un bisou sur mon front.
Enfin, il m'adressa un regard larmoyant dans lequel je ne pus distinguer que de la pitié.
Jungkook aussi avait pitié de moi, même lui, et c'est ce que je détestais dans la mort.
Le fait que les gens semblaient tous désolés pour nous alors que ce n'était que la nature, que le destin.
✯✯✯
Je n'ai, dans mes souvenirs, jamais demandé aux gens de faire quoi que ce soit pour moi.
J'ai toujours été souriant, sans jamais demander mon reste.
Et pourtant les gens m'ont donné cette pitié dont je ne voulais pas.
Vous voulez que je vous dise ?
Ils étaient tous égoïstes. Ils ne voulaient pas que je parte, même si c'était sûrement la chose la plus naturelle dans la continuité de la vie, mourir.
Je m'appelle Kim Taehyung, j'ai seize ans et je suis atteint d'un cancer.
Pourquoi est-ce que je me suis embêté à écrire ce papier ?
Parce que j'espère qu'un jour, quelqu'un dans le besoin le trouvera et s'en servira comme il faut.
J'espère que ce « quelqu'un » comprendra comment la vie fonctionne.
Je n'ai qu'une chose à dire : Profitez.
Profitez avant que tout ne soit fini car la nature ne fait pas de cadeau ni le destin, le karma ou la vie.
Ils sont toujours là, à côté de nous, à attendre le moment propice.
Vivez en faisant en sorte de ne rien regretter.
Parce que je regrette de ne pas avoir dis à ma mère que je l'aimais et que je la remerciais d'avoir tout fait pour moi.
Et je regrette de ne pas avoir réussi à dire à Jungkook que j'étais amoureux de lui.
- FIN -
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