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13.09.2187
— Eh, Kam ! Tu nous ressers s'te plaît ?
— J'arrive !
La barmaid grommela, si bien que seul Äros l'entendit.
— Ça fait leur quatrième tournée, ils vont finir étalés au sol... On va devoir les porter dehors.
— Et les laisser dans la rue ?
Elle lui jeta un regard à peine étonné, tandis que ses mains s'affairaient en gestes habitués. Elle n'avait même plus besoin d'y penser, ses doigts se refermaient sur les verres qu'elle plaçait sous les pompes reliées aux cuves.
— Non, on les laisse pas dans la rue, c'est un coup à les offrir sur un plateau aux personnes malintentionnées.
— Mais tu les connais à peine.
— Et ? Je vais pas laisser des clients décuver sur le pavé devant le bar, Äros, ce serait vraiment moche de ma part. Et puis... toi, je ne te connaissais pas du tout quand je t'ai invité pour la première fois. Je crois que j'aurais aimé qu'on m'aide, moi aussi, quand j'en avais besoin. Je me vois mal abandonner des gens dans la rue.
Elle s'occupa de porter un plateau à une table, puis revint et prépara le suivant. Äros, les mains plongées dans la vaisselle, l'observait du coin de l'œil. Elle avait l'air préoccupée.
— Tu sais, finit-elle par poursuivre, j'avais une amie, que j'ai aidée quand elle dormait dans la rue. Enfin, elle est devenue mon amie après. On rencontre parfois des gens étonnants, quand on prend la peine de tendre la main.
— Qu'est-elle devenue ?
— Elle a disparu. Elle est partie accomplir une vengeance, et je ne l'ai plus jamais revue.
— C'est une meurtrière, alors.
— Sa cible avait tué quelqu'un de très cher à ses yeux. Je crois qu'elle a réussi à trouver le coupable, mais je n'en suis pas sûre.
— Si elle te contacte, elle se compromet.
— Mmh.
Äros lui jeta un coup d'œil, notant la crispation de ses traits. Il posa un verre propre sur le comptoir, puis se tourna vers elle.
— Tu t'inquiètes pour elle. Mais si les autorités la retrouvent, elle n'aura plus à dormir dans la rue. Elle ne risquera plus de mourir la nuit si elle baisse la garde.
— Mais elle serait en prison.
Äros fronça les sourcils.
— C'est la loi. Mais la peine de mort a été abolie. Elle pourrait vivre sous un toit.
— Certains préfèrent vivre libres et difficilement, à vivre enfermé et nourri, Äros. Elle... aurait préféré mourir, je pense, avant d'être attrapée. Et même si les autorités l'ont coincée, ils pourraient l'éliminer discrètement. Ils n'aiment pas la traîtrise... Alors oui, je m'inquiète.
— Parce qu'elle est ton amie ?
— Oui.
Kam força un petit sourire et souleva un plateau d'une main.
— Äros, si tu as de l'énergie pour parler, tu en as pour laver, taquina-t-elle.
Puis elle se détourna et se mêla à ses clients, laissant son employé perplexe. Il baissa les yeux sur ses mains, qui lavaient les verres à une vitesse constante, peu affectées par sa discussion avec la barmaid. Il fronça un peu les sourcils, mais chassa ses questions et augmenta la cadence de ses mouvements. Juste assez pour conserver une allure humaine.
Ses yeux se levèrent et il observa la salle, glissant sur les visages détendus qu'il reconnaissait parfois. La clientèle se composait d'habitués, ce jour-là. Ils parlaient fort, riaient, dans un bruit de fond qu'Äros avait appris à ignorer. Il contemplait les expressions qu'il pouvait lire, il posait des yeux curieux sur ce monde qui l'entourait et auquel il ne comprenait encore que peu de choses.
Kam revint et rangea son plateau, avant de verser de nouvelles boissons. Un peu de sueur perlait sur son front, alors Äros saisit un essuie et le passa sur sa peau. La jeune femme sourit, et sa main vint lui ébouriffer les cheveux. Äros avait l'habitude, Kam le décoiffait lorsqu'il réussissait une nouvelle technique ou qu'il revenait des courses sans encombre. Il s'y était fait, et y percevait une affection sincère, alors il souriait lorsque Kam s'acharnait sur ses cheveux rouges.
Elle reprit ensuite son plateau, puis fit volte-face et repartit dans la mer de foule. Lui ne dut que servir une ou deux personnes qui prenaient une boisson à emporter directement au comptoir, mais il avait finalement peu de contacts avec les visiteurs. Et ça lui convenait.
*
Le bruit des chaises qu'il retournait sur les tables résonnait dans la salle désertée. Kam rangeait les bouteilles sur l'étagère précaire, et Äros alla chercher le robot ménager. Il passerait sur toute la surface du bar pour en nettoyer le sol avec minutie, une fois qu'ils seraient partis dans les appartements de Kam, à l'étage.
De quelques clics, il le programma, puis revint le poser dans un coin.
— Excusez-moi, nous sommes fermés.
Il releva les yeux. Kam contournait le comptoir pour se diriger vers le centre de la pièce. Un client venait de pousser la porte d'entrée, malgré le panneau « geschlossen » qui y brillait, bien visible. A l'inverse, la faible luminosité du bar masquait une partie des traits de la personne qui venait d'entrer.
Elle portait une ample cape sombre et s'arrêta sur le seuil, le dos bien droit. Ses yeux glissèrent sur la salle, puis ils croisèrent ceux d'Äros. Ce dernier fronça les sourcils.
— Je dois vous demander de partir, renchérit Kam.
Äros se rapprocha de la barmaid, suspicieux. L'inconnu devait savoir qu'ils étaient fermés. Pourquoi être entré, alors ?
— Écoutez, vous devez sortir.
Mais la silhouette muette le resta. Elle ne prononça pas le moindre son et sembla saisir quelque chose sous le tissu de ses vêtements.
Äros la vit dégainer quelque chose. Le métal luisit sous la lumière des néons incrustés dans les murs.
Kam écarquilla les yeux, et se jeta sur Äros pour le précipiter au sol.
Une détonation éclata le silence.
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Un court chapitre, mais il annonce du mouvement! ;))
J'espère qu'il vous a plu et que vous êtes prêts pour la suite... qui arrivera bientôt ! :D
Passez une belle journée! <3
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