VII
Qui c'est qui a géré pour se retrouver à l'intérieur lors du voyage retour ? C'est bibi ! Ok j'ai peut-être abusé en m'installant dans la voiture une heure avant le départ mais c'était le prix à payer pour être bien sûr de ne pas devoir faire aussi le retour à l'arrière. Je suis encore passé pour un idiot mais cette fois aucun regret, et Lola qui se foutait bien de ma gueule est celle qui finit dehors (avec Isaac, le pauvre va encore devoir la supporter pendant des heures !).
La tête posée contre la vitre – puisque quitte à choisir son siège avant tout le monde autant saisir tous les avantages – j'observe le paysage défiler lentement. Jason conduit comme un papi alors il nous reste encore de nombreux kilomètres à parcourir.
Je ne peux m'empêcher de repasser dans ma tête ces quelques jours de vacances que nous avons passé tous ensemble. Même si le plan de départ était assez foireux – nous ne nous connaissions pas tous très bien avant le départ alors le pourcentage de risque qu'on ne se supporte pas était élevé – au final ça c'est plutôt bien passé. Entre plage, balade et histoire paranormale (merci Josh), j'ai pu collecter d'excellents souvenirs qui me seront bien utiles pour tenir bon jusqu'aux prochaines vacances.
Et je ne vous parle même pas des levers de soleil.
La perspective de retourner en cours ne me réjouit pas trop, il faut bien être honnête, mais c'est inévitable. Au moins, maintenant que je suis à peu près sûr que Kirsten ne va pas m'enfermer dans les toilettes pour se venger, j'aurais l'esprit plus tranquille au lycée. Enfin j'espère. En parlant du loup, elle est assise à la place juste devant la mienne : à l'avant aux côtés de Jason – un plan ultra foireux quand on connait leur façon de se sauter à la gorge si vous voulez mon avis mais passons. Malgré les nombreuses (et bruyantes) protestations de notre chauffeur et propriétaire de la voiture, Kirsten a les pieds nonchalamment appuyés sur le dessus de la boite à gants et, après avoir jeté quelques coups d'œil par-dessus son épaule (moi, intrusif ? jamais) je suis en mesure de vous dire qu'elle traine sur instagram. Je ne sais pas comment elle fait d'ailleurs, le simple fait de détourner mes yeux de la route plus de cinq minutes me donne une affreuse nausée. Y en a qui ont de la chance. Bref, Jason a visiblement laissé tomber l'idée de lui faire retirer ses pieds de là où ils sont.
-Mais qu'est-ce qu'ils foutent les autres à l'arrière ? lance-t-il après un énième coup d'œil dans le rétroviseur (sécurité oblige).
D'un même mouvement, Kirsten, Judith, Josh et moi nous retournons pour regarder par la lunette arrière les trois malchanceux installés plus ou moins confortablement dehors. Effectivement, ils ont l'air en pleine engueulade, c'est intrigant. Pour être plus précis, Lola et Jeremy sont lancés dans un débat houleux qui implique de grandes gesticulations pendant qu'Isaac regarde le bitume avec l'air de quelqu'un qui se demande si ça ferait vraiment mal de sauter d'une voiture en marche. Après, est-ce que cette réflexion est motivée par un besoin désespéré de fuir la situation ou bien par l'envie irrépressible de balancer Lola par-dessus bord, je ne saurais vous le dire.
-A votre avis c'est quoi le débat ? demande Judith.
-Pour ou contre l'ouverture de la PMA à toutes les femmes.
Même Jason, qui n'est pourtant jamais le dernier à dire des conneries, regarde Josh de travers par son rétroviseur.
-Ben quoi, c'est un vrai débat de société ! se défend Josh.
-Peut-être mais Lola a le QI d'une moule donc je doute que ce soit le sujet de leur conversation, rétorque Kirsten.
Une authentique relation d'amitié que nous avons là, sans ironie : c'est à ça qu'on reconnait les meilleures amies.
-Pour une fois qu'on est d'accord, soupire Jason.
-Je ne te permets pas, répond Kirsten avec un regard noir.
Exactement ce que je disais.
Judith ouvre sa fenêtre et se penche, non sans avoir vérifié au préalable qu'aucun obstacle ne viendrait lui dégommer la tête au passage. Grâce à la faible allure du pick-up elle parvient à se faire entendre des trois derrière.
-Ils sont pas d'accord sur quel Disney est le meilleur, soupire Isaac.
-Mulan ! hurle – ce n'est pas une hyperbole – Lola.
-T'es folle, c'est le Roi Lion ! s'écrie Jeremy.
-Déconne pas, intervient Kirsten, Mulan est juste au-dessus de tous les autres.
Lola laisse échapper un grand « ah ! » satisfait au moment même où Jason pousse une exclamation choquée – une vraie drama queen je vous jure.
-Le Roi Lion Kiki, le Roi Lion ! (il accentue bien le titre la deuxième fois) C'est la référence numéro un de toutes les enfances du monde !
-Ben pas la mienne. Et arrête de m'appeler Kiki bordel !
Et allez, les revoilà qui se dévisagent en grognant. Merci les gars, merci. Le trajet va être encore plus long maintenant.
.
Une heure et des brouettes plus tard, je peux vous certifier qu'effectivement ça a été long. Ça s'est autant chamaillé dehors que dedans et le niveau du débat ne s'est clairement pas élevé. Et pile alors que je me disais « courage on est plus très loin », la voiture a commencé à faire des bruits bizarres. Puis de la fumée est sortie du capot. Putain.
Pas besoin d'être mentaliste pour deviner que dans la tête de tout le monde le mot « encore » s'est imprimé en majuscule suivi avec une série de points d'interrogation et d'exclamation – surtout d'exclamation.
-C'est vraiment de la merde ta voiture, lâche Judith.
Totalement. Mais c'est la seule qu'on a pour rentrer malheureusement.
Sans plus tarder, Jason se gare sur le bas-côté et sort précipitamment pour inspecter l'avant. Je suis cent pourcents sûr qu'il n'y connait absolument rien et que ça ne nous avancera pas plus mais bon. Ce n'est pas comme si j'étais plus calé que lui sur le sujet. Notre mécano en chef par contre...
Kirsten soupire et sort à son tour pour voir ce qu'il se passe. Pendant ce temps, nous autres en profitons pour nous dégourdir les jambes dans la bande d'herbe qui sépare l'asphalte du fossé. Je retrouve Isaac qui se masse lentement les tempes, sûrement à cause d'une migraine persistante nommée Lola. Le pauvre.
Mais je ne suis pas assez généreux pour échanger ma place avec la sienne.
Un soupir des moins discrets attire soudainement notre attention. Kirsten s'est redressée et referme le capot avec une moue dépitée. Mauvais signe.
-Désolée les gars, dit-elle, ça va au-delà de mes compétences. Il va falloir appeler une dépanneuse.
Lui répond un concert d'exclamations dépitées et quelques injures fleuries. Qu'est-ce que j'avais dit déjà ? « Même si le plan de départ était assez foireux, au final ça s'est plutôt bien passé ». Je retire, le plan est resté foireux du début à la fin. Il ne manquait vraiment plus que ça pour conclure ce voyage en beauté : en panne sur le chemin du retour. Pastèque sur la tarte, le soleil est carrément en train de décliner. A tous les coups, parce que sinon ce serait trop facile, la dépanneuse arrivera quand il fera nuit. Et puis, il ne faut pas oublier qu'on était huit dans cette voiture, je doute qu'on puisse tous s'entasser aux côtés du chauffeur. Charmant.
-Elle est vraiment pourrie ta caisse, commente Lola.
Jason a l'air prêt à frapper le prochain qui le fait remarquer.
-Ouais ben vous étiez bien contents quand elle nous a permis de passer des vacances sans dépendre des parents, rétorque-t-il.
Comme c'est lui le propriétaire et chauffeur de la voiture, c'est Jason qui s'y colle et dégaine son portable. Jeremy propose alors d'appeler son père qui possède une voiture avec un grand nombre de sièges.
-On n'est pas si loin que ça de chez nous, ajoute-t-il, je pense que ça peut le faire.
Nous soupirons de soulagement en chœur. Ça nous fait une galère en moins. Jason fait des aller-retour le long de la route tout en parlant au téléphone. De là où je suis, je n'entends pas ce qu'il dit mais bon, c'est facile à deviner. Puisqu'on va sûrement être coincés là un moment autant se mettre à l'aise : je m'installe donc en tailleur dans l'herbe et décide de profiter du paysage. Pas que l'environnement dans lequel nous sommes soit particulièrement joli mais la coloration que prend le ciel alors que le soleil descend, elle, vaut le détour.
Après un laps de temps dont j'ignore la durée, je sens quelqu'un s'installer à ma droite, un genou effleurant le mien au passage. Machinalement je jette un bref coup d'œil pour voir de qui il s'agit. Probablement Isaac ou Josh. Raté.
Ma bouche s'ouvre toute seule lorsque je réalise qu'il s'agit de Kirsten (aka mon crush, laissez-moi paniquer !). Après avoir viré ses cheveux de son visage d'un grand coup de main – un geste très banal et pas spécialement gracieux en réalité mais lentement ça change tout, et croyez-moi je l'ai vu au ralenti – elle relève les yeux pour les planter dans les miens.
-Nous revoilà au point de départ, dit-elle simplement.
Je dois transpirer la confusion par tous les pores vu qu'elle ajoute un « regarde » accompagné d'une indication du menton. Le soleil est en train d'épouser l'horizon. Le ciel est un dégradé magnifique d'orange, rose et bleu, avec des touches de rouge et violet sur les nuages.
Je suppose que c'est ça le point de départ : nous deux (mon Dieu j'aurais jamais cru qu'il y aurait un « nous deux » un jour – ok je m'emballe un peu trop) en train de regarder l'horizon. On a juste remplacé l'aube par le crépuscule mais, honnêtement, les deux sont également magnifiques. Mais aussi belle que soit la vision qui s'offre à nous, je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'œil à la dérobée.
Attention je vais dire un truc très niais et guimauve : les derniers rayons du jour se reflètent sur ses cheveux blond-roux et donne l'impression qu'ils s'embrasent. C'est beau putain.
Je dois l'avoir un peu trop fixé parce qu'elle tourne à nouveau son visage vers moi et demande :
-Quoi ?
-Rien.
Elle hausse les sourcils mais ne dit rien. Est-ce l'ombre d'un sourire que je vois ? A ma grande surprise, elle tapote mon genou, le même type de geste qu'on fait pour réconforter quelqu'un, vous voyez le genre ? Mais de quoi ai-je besoin d'être réconforté ? A part de cette vision magnifique qui s'offre à moi je veux dire (et je ne parle pas du paysage), mais pas moyen qu'elle le sache, je ne suis pas si évident.
Non ?
Oh putain dites-moi que non.
Je ne sais pas ce qu'elle lit sur mon visage, peut-être une expression paniquée, mais en tout cas ça la fait rire.
fin
Oui ce chapitre arrive 10 ans après. Oui je ne savais pas du tout comment finir. Le seul truc facile ça a été de trouver une discussion con (je suis douée dans ce domaine) mais le reste... J'avais envie de finir depuis longtemps pour enfin terminer cette courte histoire (totalement imprévue) et de passer à un autre projet (en espérant que ça me donne plus de motivation pour écrire parce que là je tourne un peu en rond). BREF. Désolée d'avoir mis si longtemps, et désolée pour cette fin pas terrible, j'espère que ça ne vous a pas trop déçu quand même.
J'étais tellement en galère que j'ai écrit tous les trucs idiots qui me sont passés par la tête.
Merci beaucoup à tous ceux qui sont arrivés jusqu'ici, à ceux qui ont voté et commenté comme aux fantômes !
A bientôt (j'espère XD)
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