31 octobre 2021, 6h30, Centre de Vancouver, départ vers la ville de Nelson

Assise dans le bus depuis maintenant une demi-heure, j'attends tranquillement en espérant que la place à côté de moi restera vide même si j'en doute fortement. Je jette un coup d'œil à la fenêtre sur ma droite et vois deux hommes sortir d'une voiture. Comme la plupart des gens venus en voiture, je comprends que c'est le passager qui va monter dans le bus. Et je suis pratiquement sûre que c'est vers la place encore vide à ma gauche qu'il va se diriger.

Sans surprise, le monsieur en question se dirige vers le fond du bus d'un air enjoué, surtout pour une heure aussi matinale... Le teint pâle et les cheveux de la même couleur, il doit sûrement avoir plus d'une soixantaine d'années, peut-être même plus. Il se place dos à moi et remonte son pantalon qui tombe bas sur ses fesses, sa ceinture ne servant visiblement pas à grand-chose... Il finit par se laisser tomber à côté de moi et je réponds à son salut assez bruyant. Il n'a pas l'air méchant mais il ne m'inspire pas particulièrement confiance non plus. De nature méfiante, je ne lui prête guère plus d'attention et tourne ma tête en direction de la vitre.

Or, c'est sans compter sur l'intention de ce monsieur qui attend qu'une chose, celle de discuter avec quelqu'un.

- Jusqu'où allez-vous ? me demande-t-il avec un accent anglais très prononcé de je ne sais où.

- Je vais à Nelson.

- Oh vraiment ! Moi aussi ! Ça a l'air d'être une petite ville vraiment intéressante. Très petite et vieille où tout le monde connait tout le monde...

J'ai un peu de mal à comprendre tout ce qu'il dit tellement son accent est prononcé. Et puis, ça ne m'intéresse moyennement de faire ami-ami avec lui donc peu m'importe finalement.

- Oui, oui, vraiment intéressante.

- Vous vivez ici ou vous êtes juste pour voyager ?

- Non, non, juste du tourisme.

- Oh comme moi ! Je suis restée à Vancouver ces dernières semaines, il a beaucoup plu ici c'était vraiment horrible. Ça fait longtemps que vous êtes là ?

- Non juste, depuis quelques jours, je n'ai pas connu le mauvais temps encore.

- Ah vous avez de la chance. Et vous, vous allez jusqu'où ? demande-t-il à la fille devant moi qui semblait écouter notre conversation

Naturellement, elle continue la conversation en parlant de Nelson. Je comprends qu'elle habite là-bas mais je ne m'attarde pas plus que ça sur leur conversation. Ça m'arrange presque en me disant que je vais pouvoir être tranquille. Seulement, ce papi voyageur prend quand même pas mal de place et je crains que cela me dérange pour une bonne partie du trajet.

Après plusieurs mini siestes et un long moment sur la route, ce monsieur un peu simplet à fait les présentations. Il s'appelle Jager. Il est sympathique, peut-être même un peu trop. Même si cela paraît être dans sa nature, je préfère quand même le garder à l'œil jusqu'à être arrivée à destination. Et puis, ne dit-on pas qu'il faut toujours se fier à sa première impression ? Être une femme voyageant seule est souvent compliqué et peut parfois s'avérer dangereux. On ne se sait jamais sur quoi ni sur qui on peut tomber même si c'est aussi souvent le moyen de faire de nouvelles rencontres.

When you live with the world, you don't really see the world.

Avec les premiers rayons du soleil, le Canada ouvre ses portes à ses paysages magnifiques qui ne cessent d'émerveiller mes yeux. Les feuillages des arbres, que l'automne n'hésite pas à faire tomber, qui entourent les rivières et subliment ces dernières qui coulent à flots et en cascade. Les éclaboussures de l'eau qui s'écrasent sur les rochers m'émerveillent et finissent même par me faire plonger dans mes pensées les plus profondes.

Le monde, si vaste, avec son bonheur et son malheur est incroyable. L'humain y apporte inconsidérablement sa pierre. En bien ou en mal. Seulement, à la place de le regarder et de l'admirer tel qu'il est, l'humain le vit. Pour lui, la Terre c'est seulement l'endroit où il vit. Et tous les jours, il se lève pour aller travailler dans ce monde sans n'y accorder plus de temps. Parce que l'humain vit, il n'a pas le temps. Tous les jours se ressemblent et même lorsqu'il est en vacances, ses jours sont comptés. Le temps est précieux mais je dirais que la Terre l'est encore plus. C'est un diamant brut tellement beau qu'il faudrait des milliers d'années pour la décrire entièrement. Mais en ajoutant l'humain, la Terre n'est rien de plus que l'endroit où l'on vit, notre monde. Malgré tout, le Monde n'est rien sans l'humain et la Terre, ensemble.

Arrivé à Nelson, trois quarts des voyageurs descendent et l'on se retrouve tous à attendre nos valises. Un peu plus loin, j'aperçois Jager qui attend lui aussi et lorsque je récupère ma valise, je comprends finalement qu'il m'attend moi. Et j'avoue que n'ayant plus de batterie sur mon portable, cela m'arrange bien puisqu'il y a une demi-heure de route.

J'amorce donc la conversation en lui demandant s'il connait le chemin jusqu'à l'auberge pour lui faire comprendre que j'accepte l'idée qu'on y aille ensemble. Sa réponse me semble peut clair mais il finit par sortir son portable pour le GPS et cela me rassure un peu plus malgré le fait que je surveille quand même la direction que l'on prend avec mon portable. On discute jusqu'à arriver à l'auberge de tout et de rien, du fait que je n'ai pas mangé de la journée et que j'aimerai manger un bon steak, le fait qu'il n'a jamais travaillé de sa vie et on en vient à parler finalement d'argent. Et on ne peut pas dire que ce soit une discussion qui me plaise tant que ça...

Premièrement, je n'aime généralement pas parler de l'argent que j'ai sur mon compte. Ça ne regarde personne d'autre que moi, mais bon, cela ne semble visiblement pas être son cas puisqu'il en parle très aisément. Et deuxièmement, je trouve qu'il y a des choses tellement plus importantes que l'argent que ce n'est pas un des sujets principaux de discussion pour moi-même si cela me mène souvent à de grands débats puisque j'ai une vision qui diverge de celle des autres.

J'apprends donc finalement que c'est un homme qui après ses études a hérité d'une assez grande somme d'argent suite au décès de sa mère. Ayant fait des études de commerces, il a ensuite su placer et investir son argent dans une entreprise qui a réussi à faire ses preuves et qui lui a rapporté suffisamment d'argent pour ne pas avoir à travailler de sa vie. Depuis, il voyage sans se préoccuper de l'argent qu'il dépense. Mais voilà, finalement comme je le disais j'ai une vision différente de l'argent et ce monsieur en est la preuve même. Il a voyagé toute sa vie et aujourd'hui, il a 57 ans et il est seul. Je ne dis pas qu'on est forcément malheureux seul, mais lui, il l'est et cela se ressent suffisamment avec cette question : « Mais qu'est ce que je vais faire de tout cet argent ? ». Certes, c'est une bonne question mais à quoi sert tout cet argent si finalement, cela vous rend seul ? Je préfère être bien entourée que ce soit des amis que j'ai choisis ou de la famille que je chérie et garder mon compte en banque avec assez d'argent pour vivre plutôt que d'être fortunée et d'être complètement seule ou entourée des mauvaises personnes. Enfin, c'est ce que je croyais.

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