Chapitre 21 - Terreurs nocturnes

Je suis assise au milieu d'un pré et l'air frais de l'aurore me caresse la peau. L'herbe verte mouillée par la rosée et les pâquerettes dansent au gré du vent, agitant mes cheveux devant mes yeux. Malgré la brise qui redouble d'intensité sur mes épaules, je ne frissonne pas. Je me sens bien, enfin je le crois parce que mes joues me tiraillent comme si je souriais. Soudain une brindille craque sur le côté, et c'est seulement à ce moment que je réalise qu'il n'y avait aucun bruit auparavant. Une silhouette apparait alors devant moi, comme apparue de nul part. C'est un homme grand et musclé aux boucles brunes qui me regarde et au regard de glace qui me dévisage.

« Papa ? »

Il ne répond pas et se contente d'ouvrir ses bras dans ma direction, comme pour m'inviter à y entrer. Je me lève aussi vite que je peux et cours vers lui, la main en avant pour le toucher plus vite. Je pousse de toutes mes forces sur le sol avec mes pointes de pieds pour accélérer mais j'avance très lentement. Une ombre s'interpose alors que je le rejoins presque. J'essaie de la contourner mais elle se replace systématiquement entre mon père et moi.

« Papa ! »

Je l'appelle mais il ne répond toujours pas. Prenant mon courage à deux mains, je fonce au travers de l'ombre qui s'évapore comme du brouillard. Lorsque la vue est dégagée, j'aperçois mon père au bord d'une falaise qui baisse la tête pour regarder en contrebas.

« N'oublie pas Ali, il y a toujours du bon en chacun de nous, personne n'est uniformément bon ou mauvais. »

« Papa attend ! »

Je crie en courant vers lui aussi vite que je peux, essoufflée par les durs efforts que je dois fournir pour avancer. Il ne m'écoute pas et se penche dans le vide en pliant les genoux comme pour mieux distinguer quelque chose dans l'obscurité de la falaise.

« Papa ! »

Un cri strident sors de ma gorge lorsqu'il saute, au moment même où j'allais agripper sa veste. Mes doigts se perdent dans le vide et j'ai seulement le temps de sentir le tissus de son vêtements les effleurer. Je tombe à genoux au bord de la falaise en hurlant de désespoir.

Je me relève d'un bond, haletante. La pièce est plongée dans le noir et je n'ai pour seul repère que la texture de mes draps trempés que je sers dans mes mains. Ma respiration est sifflante, et je comprends immédiatement que je suis en train de faire une crise. Un bruit de pas pressés résonnent dans le couloir et j'entends le bruit de ma porte de chambre qui tape contre le mur en s'ouvrant. La lumière m'aveugle, et même avec ma vision trouble je reconnais la silhouette d'Alexandre. Il a du se réveiller à cause de mes cris cauchemardesques, qui auraient tiré en ours de son hibernation.

- Qu'est-ce que tu as ?

Il court s'assoir près de moi et me tient fermement par les épaules pour me secouer. Il semble pris de panique, totalement ignorant de la situation qui se déroule devant ses yeux.

- Ventoline... je parviens à articuler en pointant le tiroir de ma table de nuit d'un doigt faiblard.

Alexandre l'ouvre d'un coup en entier et se met à vider son contenu jusqu'à ce qu'il y trouve ma pompe. Il la place immédiatement dans ma bouche et je prends une grande inspiration en posant ma main sur la sienne. Je sens déjà mes alvéoles se rouvrir et l'air remplir mes poumons. Je reprends encore deux autre doses avant d'être totalement calmée. Je laisse retomber la ventoline sur le lit et me cale contre la tête de mon lit. J'avais oublié comme cela était douloureux, cela fait plusieurs mois que je n'ai pas fait de crise avec ma nouvelle routine stricte. Je me redresse d'une traite et attrape mon téléphone. Quatre heures du matin.

- Pourquoi n'as-tu pas sonné toi ! Je vocifère dessus sur ce bout de métal.

J'ai parfaitement conscience qu'il ne me répondra pas mais j'ai besoin de me défouler sur quelque chose. Alexandre se racle la gorge.

- En vérité j'ai éteins ton réveil hier soir. J'ai pensé que tu avais besoin de repos avec tous les évènements de ces derniers jours.

Je vois immédiatement rouge et la rage me submerge avant que j'ai le temps de me maîtriser. Je me lève de mon lit pour lui faire face.

- Qu'est-ce que tu as fait ? Tu as éteins mon réveil ? Est-ce que te rends compte de ce que tu me fais subir !

Je le menace de la main tenant mon téléphone. Si je n'arrive pas à me calmer il se peut que je lui mette mon poing dans la figure

- Je t'avoue que je ne comprends pas bien ce qui se passe, trouve-t-il pour seule réponse.

Il se passe la main dans les cheveux. C'est la première fois qu'il ôte son masque d'homme fort et sûr de lui, et il semble réellement apeuré mais je m'en moque. A cet instant je suis une lionne en furie.

- Aussi loin que je peux me rappeler je fais des terreurs nocturnes si je dors plus de deux heures d'affilées, c'est pour ça que je programme toujours mon réveil avec précaution. Mais toi, monsieur je sais tout mieux que tout le monde, tu arrives ici et tu pense savoir ce qu'il faut pour moi ! Est-ce que j'ai l'air d'être reposée d'après toi ?

Il ne répond pas et me regarde fixement, perdu. Je tente de prendre une grande respiration comme on me l'a appris, mais rien ne semble pouvoir me calmer.

- Ta mission est d'assurer ma sécurité, point. Ne te mêle pas de ma vie si c'est pour y faire plus de mal que de bien.

Je me mets ensuite en marche pour sortir de la chambre.

- Où est-ce que tu vas ?

Il ouvre enfin la bouche mais je fais comme si je n'entendais pas et descends les escaliers. Je devine au craquement du parquet qu'il me suis mais je ne me retourne pas. Arrivée au rez de chaussée je marche droit vers la double porte vitrée qui me fais face, saisissant des deux mains les poignées pour l'ouvrir. A peine je pose un pied dehors que la fraîcheur de la nuit me vivifie et me revigore. Une brise s'engouffre dans la maison et finit d'ouvrir tout à fait la porte lorsque je la lâche. J'avance tranquillement vers la pelouse et m'assoit par terre. Eggle me manque, il vient toujours courir vers moi lorsqu'il voit que je vais mal. Je l'ai toujours connu, mon père l'a adopté pour mes cinq ans et je n'imagine pas ma vie sans lui. Où peut-il bien être à cet instant ? Voit-il le même ciel étoilé que moi, est-ce que je lui manque aussi ? Des pas s'approchent et un bruit sourd retenti lorsqu'Alexandre s'assoit à côté de moi.

- Qu'est-ce que tu vois dans tes cauchemars ?

- Ça ne te regarde pas.

Je regrette aussitôt d'avoir répondu si sèchement. Je vois bien qu'il essaie de comprendre et peut-être à sa manière de s'excuser.

- Je veux dire, c'est très personnel. 

- Tu as déjà vu quelqu'un pour essayer d'en venir à bout ?

- Oui plus d'une fois, mais il n'y a rien à faire.

Nous restons un moment silencieux. Je retrouve peu à peu un état de calme et mes poumons se rouvrent totalement. Alexandre ne bouge pas d'un pouce.

- Si tu me promets de ne pas quitter la maison demain, je te laisse tranquille toute la journée pour aller travailler avec Conor.

Je hoche la tête pour lui signifier que c'est une affaire entendue. Mon prochain entrainement de danse est dans deux jours, donc je peux lui faire ce plaisir. S'il voit qu'il peut me faire confiance il me laissera peut-être plus d'autonomie.

- Tu ne veux pas rentrer te recoucher maintenant ? Me propose-t-il.

- Je ne dormirais plus cette nuit, je lui réponds, et j'ai besoin d'air. Lorsque je fais mes terreurs j'étouffe littéralement.

- Comme tu veux. Si tu me cherche je serais dans le salon.

- Tu peux aller te recoucher, je vais bien.

- Ce n'était pas une question.

Sur ces mots il se relève et se dirige vers la maison. Je m'allonge sur le dos dans l'herbe, et observe le ciel s'éclaircir jusqu'au petit matin.

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