Chapitre 32
« Comment te sens-tu ? »
Hanako éluda longuement la question, essayant de trouver les mots juste pour décrire son état. Le docteur Kawasaki la regardait à travers ses lunettes et ses yeux noirs. Il patientait, lui laissant le temps de réfléchir. Il n'était pas pressé après tout.
« Je crois que... ça va. Je dors encore mal mais... la journée je vais bien. J'arrive à écouter en cours, je n'ai plus besoin des notes de Katsuki. Je mange. Je contrôle mon alter. Je n'ai pas le choix avec Hawks. Je dois me donner à 200% pour le suivre.
- Si je résume, c'est lorsque tu es seule que les souvenirs te reviennent. »
Hanako ne s'en était pas rendu compte, mais maintenant qu'il le disait, ça collait parfaitement. Dès qu'elle se retrouvait seule dans sa chambre, les visions pouvaient lui revenir. Lorsqu'elle allait voir Shoto, tout disparaissait. La nuit, elle dormait mais les cauchemars la hantaient. Les somnifères l'empêchaient de se réveiller. Alors elle hocha la tête.
« C'est très encourageant, sourit Kawasaki. C'est même un sacré progrès. Avant, tes traumatismes prenaient le dessus sur toi, de manière intrusive. C'est toujours le cas, mais seulement lorsque tu es censée te reposer. Lorsque tu es seule, tes pensées sont libres et se mélangent. Nous avons encore du travail, mais tu es sur la bonne voie. C'est pourquoi je te demanderai de continuer à prendre tes médicaments. D'accord ? »
Hanako hocha de nouveau la tête. Elle n'aimait pas ça, mais elle voulait être débarrassée des chaînes qui la retenaient au passé. Elle ferait tout pour ça. Elle voulait avancer. La séance se passa ensuite sans vagues. La jeune fille avait beaucoup plus de facilité à se livrer, donc le docteur Kawasaki pouvait l'aider au mieux désormais. Ce qui était très plaisant à constater pour le psychologue.
Une fois la séance finie, ce fut autour d'Eri d'entrer. Craintive, elle hésita à avancer. Hanako se leva et se mit à son niveau, un petit sourire sur son visage.
« Eri. Je te présente le Docteur Kawasaki. Il aide à soigner... les bobos du coeur.
- Les bobos du coeur ? répéta-t-elle. »
Hanako hocha la tête et lui prit la main, la guidant jusqu'à l'un des canapés du bureau. Elle s'assit à côté de la petite fille, gardant sa main dans la sienne tandis que le Docteur Kawasaki s'asseyait en face d'elles.
« Bonjour Eri. Comme l'a dit Hanako, je suis là pour t'aider. Mais aujourd'hui, nous allons juste faire connaissance. »
Eri n'osait pas regarder l'homme en face d'elle. À la place, elle se tourna vers Hanako.
« Tu as des bobos au coeur ? »
La bouche de la jeune fille s'ouvrit dans un « oh » silencieux. Petite mais maligne. Elle serra un peu plus la petite main dans la sienne.
« Tout le monde a des bobos au coeur, finit-elle par dire. Mais parfois, ils font tellement mal qu'on ne peut pas les soigner nous-même. Alors un docteur nous aide à panser les plaies. La seule chose que nous devons faire, petite Eri, c'est de faire confiance au docteur Kawasaki. Je lui fais confiance, alors tu peux tout lui dire. Il peut tout entendre, tout accepter. »
Les larmes montèrent aux yeux d'Eri. Elle fut incapable de les retenir et elles roulèrent sur ses petites joues.
« M-Mais, hoqueta-t-elle. C-C'est de ma faute ! T-Tout ça... »
Elle sanglota. Hanako ne dit rien, la laissant faire. L'empêcher de pleurer ne servirait à rien. Ce serait même une erreur. Elle avait l'impression de se revoir. Elle aussi disait ça au départ. Elle le pensait encore parfois. La seule chose qu'elle avait envie de crier à Eri était que non, rien n'était de sa faute.
Kawasaki se leva et partit chercher un mouchoir dans un tiroir de son bureau. Il s'approcha d'Eri et se mit à genoux devant elle. Il essuya ses larmes avec des gestes doux, ce qui suffit à calmer la petite fille.
« Eri. Ici, tu as le droit de tout dire. Tu as le droit de pleurer, de hurler même. Tu es libre de faire ce que tu veux. »
Enfin, les yeux d'Eri se posèrent sur le Docteur Kawasaki. La séance pouvait commencer.
*****
Dans la voiture, Eri s'était endormie, la tête posée sur le bras de Hanako tandis que cette dernière regardait par la fenêtre. Aizawa les regardait à travers le rétroviseur intérieur du véhicule. Il était satisfait.
« Merci Otsuka. D'avoir été un soutien émotionnel pour elle. »
Sans détourner son regard du paysage nocturne de la ville, Hanako lui répondit.
« Je n'ai rien fait de particulier. Le Docteur Kawasaki est un bon psychologue, il saura l'aider.
- Je n'en doute pas. Eri est plus jeune, je doute qu'elle supporte chaque semaine des séances. Elle en aura deux par mois, le créneau après ta séance lui est dédié. »
Hanako hocha la tête. Oui, c'était un bon choix. Elle jeta un oeil sur Eri, épuisée par sa séance. Elle la comprenait bien. Elle aussi était fatiguée après chaque séance. C'était très éprouvant moralement. Mais ça en valait la peine.
« Qu'est-ce que vous allez faire d'elle ? demanda Hanako, soucieuse de la petite fille.
- Pour le moment, je suis son tuteur. Son alter peut se déclencher à tout moment et faire des ravages. Lorsque le temps sera venu, je lui apprendrai à le contrôler. Mais pour le moment, elle doit retrouver une vie normale. »
De nouveau, Hanako hocha la tête. Par curiosité, elle avait cherché des informations dans les médias sur Eri. Mais si une petite fille avait été mentionnée, aucune information sur elle n'avait été révélée. Ni son nom. Ni son visage. Ni son alter. Ni son passé. Elle soupçonnait Yuei d'avoir manipulé les médias, ce qui était une très bonne chose. Doucement, Hanako remit une mèche de cheveux derrière l'oreille de la petite fille. Elle n'aura pas à souffrir comme elle.
*****
« Vous allez me dire qui on rencontre à la fin ? »
Cela faisait plusieurs minutes que Hawks et Hanako volaient au-dessus des rues japonaises. Le héros numéro 2 l'avait prévenu qu'ils allaient voir un autre héros, mais il ne voulait rien lui dire de plus. À la place, un sourire énigmatique planait sur son visage. La jeune fille finit par abandonner en soupirant et continua de le suivre. Il était si énervant lorsqu'il se comportait ainsi... Hanako ne l'appréciait pas vraiment.
Finalement, Hawks finit par descendre en piquet, devant un imposant bâtiment. Encore une fois, la jeune fille le suivit. Elle vit une imposante silhouette devant les portes de ce bâtiment. Plus elle s'approchait, plus elle voyait les flammes sur son visage. Et finalement, elle le reconnut. Choquée, elle arrêta tout mouvement, se laissant flotter à plusieurs mètres du sol.
« Ne me dites pas que... Non c'est pas possible... »
Et pourtant, la réalité était bien sous ses yeux. Hawks et Endeavor discutaient, à quelques mètres en dessous d'elle. Lorsque les deux héros relevèrent leurs yeux vers elle, Hanako se rendit compte qu'elle n'avait toujours pas bougé. Prenant sur elle, la jeune héroïne descendit à leur niveau.
« Tu n'es pas sérieux ? À quoi tu joues ? questionna Endeavor, l'air passablement énervé.
- Elle est notre meilleure chance de faire sortir Otsuka Akira. Les seules fois où il a fait parler de lui, sa fille était présente. Depuis le camp d'été, nous n'avons aucune nouvelle de lui. »
Gênée, Hanako ne savait quoi dire devant l'air inquisiteur d'Endeavor. Il était effrayant. Peut-être que Shoto avait un semblant de son regard auparavant mais il n'avait plus rien à voir avec cet homme froid aujourd'hui. Lorsque Shoto la regardait, elle n'y voyait que de la chaleur et de la douceur. Incomparable avec le regard de ce héros. C'est ce qu'elle pensait jusqu'à ce que son regard s'adoucisse soudainement.
« Tu es... dans la même classe que mon fils, Shoto. »
D'abord surprise, Hanako hocha lentement la tête.
« Je suis... Otsuka Hanako. Boreas est mon nom d'héroïne. Enchantée... »
Le regard qui lui lança fut indéchiffrable avant qu'il ne reporte son attention sur Hawks. Elle se sentait toute petite à leur côté. Ce sentiment de malaise n'était vraiment pas agréable.
Et ce sentiment s'accentua au fur et à mesure qu'ils avancèrent dans les rues. Hawks ouvrant la marche et Hanako la fermant. Tout en discutant, Hawks envoya diverses plumes aider les gens ou arrêter quelques petits vilains. La jeune fille comprenait mieux pourquoi il était si populaire. Un air jovial, rapide, accessible pour les autographes et photos... Il était l'image même qu'on se faisait d'un héros. Enfin, s'il était moins calculateur...
Très rapidement, les personnes remarquèrent Endeavor. Tous l'admiraient de loin, sans oser s'approcher. Il est vrai qu'il s'est toujours montré très distant avec ses fans, du moins, c'est qu'elle voyait à la télévision.
« Et, c'est qui cette fille qui les accompagne ? »
Le sang de Hanako se glaça, apeurée à l'idée qu'on la reconnaisse.
« C'est pas la fille d'un vilain ?
- Mais si ! Merde comment il s'appelle déjà...
- On s'en fout ! Il a tué sa fille et sa femme...
- Non sérieux ? Qu'est-ce qu'elle fait avec les deux héros en tête du classement ? »
Hanako baissa la tête. C'était à prévoir. Les faits d'Akira lui collaient toujours à la peau. Les gens vont s'imaginer qu'elle se fait surveiller désormais. Elle serra les poings, se disant qu'elle devait endurer les rumeurs pour mettre la main sur Akira. Ce n'était que passager.
« Ne baisse jamais les yeux. »
Surprise, Hanako releva la tête mais Endeavor partait déjà à la rencontre d'un gamin. Il accepta d'écrire un autographe mais il se prit un vent monumental de l'enfant. Hanako se retint de rire et songea à Shoto. Elle était sûre qu'il aurait rigolé et se serait moqué. Cette situation était trop improbable. Le contraste entre lui et Hawks qui distribuait ses autographes et acceptait les photos, était bien trop flagrant. Le numéro 2 était bien plus populaire que le numéro 1.
Après que Hawks eût fini de contenter ses fans, le groupe atypique reprit sa marche et arriva devant un gratte-ciel. Le héros ailé les guida à l'intérieur et ils prirent l'ascenseur jusqu'au trentième étage. Ils arrivèrent dans un restaurant, vide, privatisé pour l'occasion. Seule une table dressée se trouvait au centre de la salle.
Hanako se demanda sérieusement si elle avait le droit d'être ici. Intimidée, elle s'installa auprès des héros professionnels. Le repas fut servi rapidement. Des brochettes de viande, des légumes, du riz... Tout avait l'air appétissant mais l'estomac de Hanako était trop noué pour avaler quoi que ce soit.
« Oh je t'en prie Boreas ! implora Hawks, le sourire aux lèvres. Détends-toi, on ne va pas te manger ! On a nos brochettes ! »
Endeavor ne dit rien, soufflant simplement face à l'attitude du blond. Hanako consentit à picorer un peu dans les plats, écoutant la conversation des deux héros qui étaient des plus banales. Mais que faisait-elle ici sérieux ?
Et puis, finalement, après de longues minutes, Endeavor perdit patience et lança le débat sur les noumus. Les humains modifiés. Hanako eut un frisson en entendant ce terme. Comment on avait pu modifier des humains ? Les transformer en monstre ?
« À Kamino, on a pu en capturer des dizaines qui étaient restés cachés. Mais depuis, plus aucun n'est apparu, déclara Endeavor soucieux.
- Donc soit, on a capturé tous les noumus, soit... »
Hawks se tourna vers Hanako, un sourire froid sur les lèvres. La jeune fille déglutit et continua, d'une petite voix.
« Soit ils demeurent cachés...
- Exactement ! »
Un frisson parcourut l'échine de Hanako. Elle en avait aperçu un, lors de l'attaque du SCA. À l'instar des autres, elle s'était retrouvée séparée de ses camarades. Elle et Mashirao avaient eu à se défendre dans un environnement pris aux proies aux incendies. La chaleur avait été étouffante. Elle n'avait jamais été autant en difficulté à contrôler le vent. Mais cette expérience lui a permis de renforcer son alter et de créer des tornades de feu avec Shoto plus tard. Lorsqu'ils ont eu fini, ils ont essayé de rejoindre les autres. C'est là qu'ils ont vu All Might se battre avec l'un de ces noumus. C'était effrayant. Elle en avait fait des cauchemars les nuits suivantes.
« Enfin bref, continua Hawks, j'ai vérifié chaque rumeur qui se trouvait, au final, infondée. Mais le problème est qu'elles se répandent comme la peste. La peur s'insinue de plus en plus chez les citoyens. Si un imbécile clame haut et fort qu'il a aperçu un noumu, ce sera la panique.
- Et donc ? »
Endeavor s'était levé, n'appréciant pas la conversation et souhaitant partir. Mais finalement, les paroles de Hawks l'intriguaient.
« Tu es le numéro 1 ! s'exclama Hawks, visiblement heureux de conclure. Tu dois vérifier les rumeurs. Et tu dois rassurer la population. Leur dire qu'ils ne risquent rien. Que les noumus ne sont pas prêts de les attaquer. Je veux que tu bombes le torse et que tu le déclares au monde entier ! Comme ça, je pourrais me la couler douce. »
Cette dernière phrase ne plut ni à Hanako, ni à Endeavor.
« Le numéro 1 se doit d'être productif.
- Pourquoi tu dis ça, espèce d'enfoiré ! s'écria Endeavor, énervé pour de bon.
- Je veux me la couler douce, reprit Hawks plus sérieusement, le sourire aux lèvres. Je veux que le monde soit un endroit où les héros auront tellement de temps libre qu'ils ne sauront pas quoi faire. »
C'est bien l'une des rares fois où Hanako sentit que le héros ailé était sincère. Ce rêve était tellement simpliste... La jeune fille avait du mal à se l'imaginer, un tel monde... Ils en étaient si loin. Surtout maintenant que le symbole de la paix était tombé.
La suite des événements se passa très rapidement. Un point lointain dans le ciel avait attiré l'attention de Hanako. Un point qui semblait foncer sur eux. Elle s'était levé en même temps que l'arrivée d'une femme dans la salle, addition à la main. Hawks cria.
« Mademoiselle, attention ! »
Dans un même geste, Hanako et Hawks se jetèrent sur elle, souhaitant la protéger. Le héros ailé entoura les deux femmes de ses ailes, les collant contre son torse tandis que la vitre vola en éclats. La femme hurla. En relevant la tête, Hanako vit Endeavor devant eux, ayant amorti le choc causé par la chose qui leur avait foncé dessus.
« Qui est le plus fort ? »
Hanako frissonna en posant ses yeux sur l'être leur faisant face. Sa peau était entièrement noire, de sombres ailes dans le dos et des yeux jaunes. Sa voix était rauque et grave, tremblante sous la folie. Elle songea rapidement aux mots de Hawks, quelques instants plus tard.
Les noumus ne sont pas prêts de les attaquer.
Sur ce coup-là, il s'était bien foiré.
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