Chapitre 31
Bercée par les mouvements du métro, Hanako regardait par delà-la fenêtre. Le temps était pluvieux et plutôt froid, l'été étant fini. Ce n'était pas très agréable. La rame était presque vide, plongeant les passagers dans un silence léger. La jeune fille avait pris le soin de bien d'habiller et de mettre dans l'ordre dans ses cheveux. C'était important, elle sentait que ça l'était. Elle était vêtue d'une petite jupe blanche et d'un pull bleu marine. Avec la pluie, elle avait opté pour des petites baskets blanches. Un petit sac pendait à son épaule tandis qu'elle tenait un grand parapluie de l'autre main. Elle s'était protégée du froid avec une grande écharpe elle aussi blanche. Ses cheveux étaient relevés par une demi-queue, dégageant ainsi son visage.
À ses côtés, Shoto se sentait légèrement nerveux, triturant ses doigts. Il s'était habillé plus sobrement, plus décontracté avec son pantalon noir et son sweet gris. Il avait une petite veste brune sur lui et tenait également un parapluie. Sans un mot, les stations défilaient à travers la ville de Musutafu. C'était un peu sur un coup de tête qu'ils se retrouvaient ici.
La veille, un samedi, Hanako était rentrée relativement tard de ses missions avec Hawks. Ses camarades avaient mangé sans elle mais elle avait été surprise de voir Shoto dans la cuisine, qui l'attendait. Il lui indiqua une assiette dans le réfrigérateur, juste pour elle.
« Demain, je vais rendre visite à ma mère. »
Hanako se stoppa dans son action un instant, avant de placer correctement son assiette dans le micro-onde. Elle régla la puissance et le compte-à-rebours avant de se retourner.
« C'est une bonne chose, déclara-t-elle. »
Il hocha la tête et attendit que Hanako s'installe à la table pour continuer.
« Je ne t'ai jamais raconté mon enfance. Pourquoi ma mère m'a jeté cette eau bouillante, pourquoi je me fichais des autres... Pourquoi je n'ai rien fait alors que je savais que tu étais harcelée... »
D'un regard, Hanako lui intima de continuer. Elle était à l'écoute, prête à boire chacune de ses paroles.
« Le mariage de mes parents n'a pas été fait par amour, mais par intérêt. Endeavor savait qu'il ne dépasserait jamais All Might. L'alter de feu possède trop de faiblesses. Son utilisateur peut vite se retrouver brûlé avec une température corporelle trop élevée. C'est pour ça qu'il a épousé ma mère et son alter de glace. Il voulait une progéniture possédant les deux alters, capable de réguler la température de son corps et de surpasser All Might. Il y a d'abord eu Toya. Je ne l'ai pas beaucoup connu... Il possédait l'alter de mon père mais la faible constitution de ma mère. Il y a eu un accident... Je ne connais pas les détails mais c'est pour cette raison que mon second grand-frère, Natsuo, en veut à Endeavor. Ma grande-soeur, Fuyumi, essaie de recomposer notre famille mais c'est compliqué.
Et puis il y a moi. Je possède tout ce que désire Endeavor. M'empêchant de jouer avec mes frères et ma soeur, il m'entraînait sans relâche, m'isolant des autres. Ma mère n'a pu supporter une copie conforme de son mari, ni la perte de son premier fils. Prise de folie, elle m'a lancé cette eau bouillante pour que mon visage ne ressemble plus à celui d'Endeavor. Je me souviens juste qu'elle a beaucoup pleuré ensuite, me demandant pardon. À partir de là, elle a été internée dans un hôpital psychiatrique. Chaque jour qui passait nourrissait ma haine envers Endeavor, au point où je refusais d'utiliser son alter. La seule chose que je voulais, c'était le dépasser, dépasser Endeavor et reprendre ma vie en main. Mais j'étais juste en train de fuir. Je fuyais tout ce qui ne m'aiderait pas à devenir le plus fort. Mais j'avais tort.
- Ça a dû être dur. Tu as été courageux. »
Shoto plongea son regard dans celui de la jeune fille. Aucune pitié ne la trahissait. Hanako le comprenait, elle comprenait ce qu'il avait ressenti toutes ces années, sans aucun jugement. Puis la jeune fille songea au récent classement des héros, datant juste avant sa rencontre avec Hawks.
« Le héros numéro 1... souffla-t-elle. C'est Endeavor maintenant non ? N'a-t-il pas atteint son objectif ?
- Il voulait surpasser All Might par la force. Pas parce que ce dernier a dû prendre sa retraite. »
Dans ce cas, son rêve s'est échoué en même temps que l'ancien numéro 1. Mais Hanako préféra ne rien dire.
« Je m'en veux de ne pas t'avoir aidé au collège, avoua Shoto. Ce n'est pas le comportement d'un héros.
- Tu sais de quoi je me souviens au collège ? dit-elle dans un sourire. Je me souviens d'un garçon qui a déposé un joli mouchoir à côté de moi, et qui est parti sans jamais me le réclamer. »
Embarrassé, Shoto ne put s'empêcher de rougir à l'entente de ce souvenir.
« T-Tu étais réveillée ?
- Oui... Enfin, juste au moment où tu partais. Je l'ai encore, ce mouchoir. Je voulais te le rendre mais je ne savais pas comment t'aborder. À l'époque, tu me semblais tellement inatteignable... Et puis, je crois que si je t'avais adressé la parole, mon harcèlement aurait empiré. Tu ne t'en rendais sûrement pas compte, mais tu étais super populaire ! »
Le jeune homme se gratta l'arrière de tête, de plus en plus gêné par la conversation.
« Et puis, continua Hanako, tu m'as aidé. C'est grâce à toi que j'ai pu m'ouvrir aux personnes de la classe. Donc tu n'as pas à t'en vouloir. Tu sais, je te suis tellement reconnaissante pour tout ce que tu fais... En comparaison, c'est moi qui n'ai rien fait pour t'aider, alors que je voyais que quelque chose n'allait pas. Excuse-moi... »
Shoto hocha négativement la tête, lui signifiant qu'elle ne devait pas se préoccuper de ça. Au final, ils avaient eu tous les deux leurs problèmes, un brin similaires. Seulement, le jeune homme avait vu la lumière au bout du tunnel avant elle. Hanako avait remarqué que Shoto appelait son père par son nom de héros. Elle devina qu'il ne lui avait pas encore pardonné.
« Est-ce que... je peux t'accompagner ? »
Shoto la regarda sans cacher sa surprise. Il n'y attendait pas. Devant sa réaction, Hanako sentit le besoin de s'expliquer en regardant son assiette.
« La dernière fois... Tu as dit que tu voulais que je rencontre ta mère lorsque tu aurais ta licence provisoire.
- Oui c'est vrai... Ça ne te dérange pas ? »
Hanako releva les yeux de son assiette et lui sourit doucement. Ça arrivait de plus en plus souvent. Elle commençait tout doucement à aller de l'avant, même si les événements passés la rattrapaient parfois.
« Je veux la rencontrer. »
C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent dans le métro silencieux, bravant la pluie de fin d'été. À un certain arrêt, Shoto se leva. La jeune fille le suivit sans dire un mot. Ils ouvrirent leur parapluie et marchèrent à travers les rues. Au détour d'un fleuriste, Shoto s'arrêta en regardant les fleurs, hésitant.
« Elle aime quoi comme fleurs ? demanda Hanako, passant son regard sur les diverses fleurs.
- Je ne sais pas. »
La jeune fille s'avança et regarda plus attentivement les fleurs colorées aux senteurs parfumées. Elle interpella la vendeuse et lui indiqua plusieurs fleurs pour composer un bouquet. Shoto la regardait, choisissant des fleurs rouges, violette, orange... Toutes plus colorées les unes que les autres. Le bouquet final n'était ni trop gros, ni trop petit, et Shoto paya. En sortant, Hanako expliqua son choix.
« Les chambres d'hôpital sont tristes et ternes. Un peu de couleur peut faire du bien. J'espère que ça te va.
- C'est parfait. Merci. »
Ils continuèrent leur marche vers l'hôpital et après quelques minutes, ils s'engouffrèrent dans le hall immaculé. L'odeur de désinfectant mit mal à l'aise la jeune fille mais elle ne montra rien. Ils prirent l'ascenseur et montèrent jusqu'au cinquième étage. Hanako suivit son ami, progressant dans les divers couloirs qu'il semblait connaître par coeur. Elle songea qu'il devait y aller relativement souvent.
Il s'arrêta enfin devant une porte et toqua. Une voix douce lui répondit et il ouvrit la porte.
« Bonjour maman, annonça-t-il.
- Shoto... Je suis contente de te voir. »
Il s'avança vers elle, tandis que Hanako resta dans l'encadrement de la porte, légèrement troublée par la situation. Elle n'avait même pas réfléchi à la manière de se présenter. Est-ce que Shoto lui avait parlé d'elle ? Sa mère sembla remarquer sa présence et ne fut pas surprise. Elle lui sourit doucement et Hanako sentit une douce chaleur se propager dans son coeur. C'était le sourire d'une mère aimante.
« Bonjour, dit-elle. Tu es une amie de mon fils ? »
La jeune héroïne hocha la tête et avança d'un pas en fermant doucement la porte derrière elle.
« Maman, je te présente Hanako. »
En réalité, Rei Todoroki avait deviné. Plusieurs fois, Shoto s'était confié à elle au sujet de la jeune fille. Que ce soit dans les lettres qu'il lui envoyait, ou de vive voix, le nom de Hanako sortait fréquemment de la bouche de son fils. Pourtant, elle ne fit aucune remarque. Rei ne voulait pas qu'elle se sente mal à l'aise.
« Enchantée Hanako. Je m'appelle Rei. Je suis ravie de te rencontrer.
- Le plaisir est partagé, répondit-elle poliment dans un demi-sourire. »
Shoto plaça deux chaises proches du lit et les deux adolescents s'installèrent. Shoto n'était pas très bavard mais répondait aux questions que sa mère lui posait sans oublier le moindre détail. Ce qu'il avait fait en cours, ses progrès dans le contrôle de son alter, comment allait le reste de sa fratrie, s'il avait contacté son père... Lorsque Rei eut fini, elle inclina son visage vers Hanako et lui posa sensiblement les mêmes questions.
D'abord surprise, elle lui répondit. Pendant un instant, un très court instant, c'était comme si sa mère était revenue. Et ça lui fit un bien fou.
*****
De retour dans le métro, Hanako réfléchissait à Rei. Cette femme semblait si fragile et forte à la fois... Elle avait été si douce avec elle. Elle n'avait posé aucune question personnelle, se concentrant sur Yuei. La jeune fille avait rapidement deviné que Shoto avait parlé d'elle à sa mère, de ce qu'il s'était passé durant son enfance et au camp d'été. Et elle lui en était très reconnaissante. Toutes les situations gênantes ou pesantes avaient pu être évitées ainsi. Hanako avait même oublié les événements qui la hantaient pendant leur discussion. Et là, dans ce métro, elle se sentait véritablement apaisée.
Le bout de ses doigts rencontra ceux de Shoto et ils s'entrelacèrent naturellement.
« Merci de m'avoir accompagné, finit-il par dire.
- Ta mère est gentille. Et douce. Je l'aime bien.
- Je pense qu'elle t'aime bien aussi. »
Un petit sourire étira les lèvres de Hanako.
*****
La salle commune était particulièrement bruyante à leur retour. Leurs camarades étaient tous réunis dans le salon et Hanako fut surprise d'y voir leur professeur accompagné de 3 élèves de terminales. Elle avait oublié leur nom. Ils étaient venus pendant un de leur cours et l'un d'eux les avait tous neutralisés. La jeune fille se souvint encore de la douleur à son estomac suite à cet entraînement.
Mais il y a deux semaines, Hanako et les autres ont entendu parler du combat contre un vilain important. Izuku, Ochaco, Tsuyu et Eijiro, ainsi que les 3 élèves de terminales s'étaient retrouvés mêlés dans la bataille. Hanako n'était pas la seule à continuer son entraînement avec des héros professionnels, même si dans son cas, c'était un peu différent. Durant la bataille, l'un des membres du trio avait perdu son alter. Le blond. Mais Yuei ne l'avait pas abandonné, au contraire.
« Ah ! Hanako ! Shoto ! Venez ici, on va vous présenter la petite Eri ! s'écria Momo, excitée. »
Curieux, ils s'approchèrent. Une petite fille était assise sur un fauteuil. Elle était jeune, vraiment jeune, peut-être avait-elle 6 ans. Elle était habillée d'une petite robe rouge assortie à ses grands yeux. Quelqu'un avait coiffé ses longs cheveux blancs en deux couettes. Une petite corne ornait son front. Hanako s'en souvint alors. Certains de ses camarades avaient participé à une mission consistant à arrêter le vilain et à sauver une petite fille qui était utilisée pour des expérimentations. Elle avait tué accidentellement son père lorsque son alter s'était éveillé.
« Eri, je te présente nos deux derniers camarades. Shoto et Hanako.
- Bonjour... fit-elle d'une toute petite voix. »
Gêné, Shoto ne fit que hocher la tête. Il n'était pas à l'aise avec les enfants. Il ne les comprenait pas. Hanako ne sut pas quoi faire non plus. Elle regardait Eri, qui la regardait à son tour. Les deux ne parlaient pas, mais ne détournèrent pas le regard pour autant. Hanako le vit très clairement. Toutes les horreurs que cette petite fille avait vécues. Elle les voyait.
« Otsuka ? »
Rompant le contact visuel, la jeune fille porta son attention sur son professeur qui lui indiqua de le suivre. Ils s'isolèrent dans la cuisine, loin des oreilles indiscrètes.
« J'aimerais te demander une faveur.
- C'est à propos d'Eri ? »
Aizawa acquiesça.
« Ce qu'elle a vécu a forcément laissé des traces. Je pense que tu l'as deviné. J'ai donc pris la liberté de prendre rendez-vous chez le docteur Kawasaki, une séance juste après la tienne. Est-ce que... tu pourras rester avec elle ? Durant la séance ?
- Je... Je ne suis pas sûr d'être la mieux placé pour l'accompagner... Elle ne me connaît pas.
- Je pense que si. Eri est très craintive. Je doute qu'elle se livre au docteur. Mais que ce soit moi, Midoriya ou Togata, nous sommes bien incapables de comprendre la douleur qu'elle ressent. Je pense que tu sauras trouver les mots pour l'aider. »
Hanako réfléchit à ses paroles. Peut-être qu'il avait raison. En-tout-cas, s'il pensait qu'elle pouvait aider cette petite fille à vaincre ses traumatismes et sa peine, elle voulait bien essayer.
« C'est d'accord. Je veux bien essayer.
- Merci. Je suis conscient que je t'en demande beaucoup.
- N'est-ce pas le but d'un héros d'aider les gens qui en ont besoin ? sourit doucement Hanako.
C'est à cet instant qu'Aizawa se rendit compte que la petite fille qu'il avait sauvée il y a plusieurs années avait bien grandi.
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