Chapitre 48

Et le prix du meilleur bisou revient à...

Amélie

Dernière ligne droite : rentrer. J'ai l'impression qu'un bulldozer m'a passé dessus tellement tous mes muscles et mon mental crient à l'aide. Cinq jours de compétition dont un jour entièrement annulé à cause du temps trop violent pour sortir. J'ai survécu, non sans peine mais avec rage. Mes adversaires étaient incroyablement douées, moi pas autant, mais j'ai fait avec. J'ai utilisé toutes les émotions qui mûrissaient dans mon ventre pour faire des performances dont je peux être fière.

Les deux premiers jours étaient très difficiles physiquement et psychologiquement, avec un vent fort, une mer bien formée et quelques frayeurs. C'est pour cela que le jour d'après a été annulé pour vent trop fort. J'avoue avoir été soulagée quand la nouvelle est tombée, parce que mes pauvres bras n'auraient pas pu lever la voile avec tout ce clapot et ces rafales.

Les deux derniers jours, quant à eux, au top. Le vent est totalement redescendu avec un peu de vent hier mais pas grand-chose aujourd'hui : mes spécialités. J'ai tout donné à m'en blesser plusieurs fois dans l'unique but de remonter mon classement. Honnêtement, je ne sais pas du tout si ça a payé. Sur la ligne et entre les courses, nous sommes tellement que personne ne sait réellement son classement. Les meilleures savent garder une régularité, d'autres comme moi arrivent aussi bien à être dans le haut du classement que dans le bas.

Mais je croise les doigts, dans tous les cas, je suis fière de mon classement.

-    Laisse-moi ta voile, me dit Baptiste en arrivant.

Il dépose un doux baiser sur mes lèvres avant de prendre ma voile, s'en foutant de mouiller sa chemise à fleurs horrible. Sans broncher, il la soulève au dessus de sa tête pour la ramener vers l'endroit où nous dégréons, et je me contente de prendre ma planche qui est quand même plus légère.

Je pense que sans Baptiste, je n'aurais pas eu la même rage. Les premiers jours, surtout ceux des entraînements, j'ai eu de gros doutes quant à ma légitimité en temps que coureuse. Elles étaient toutes déterminées, à fond et très entraînées. Beaucoup d'entre elles naviguent à haut niveau alors que moi... Je me débrouille, mais je n'irai pas jusqu'à dire que je vais faire les Jeux Olympiques.

Je pose ma planche près de la voile que mon copain vient de poser. Je n'ai même pas le temps de dire « ouf » qu'il se précipite sur moi pour me prendre dans ses bras et me faire tournoyer comme une princesse. J'éclate de rire en protestant un peu — je sais que ma combinaison est humide, je ne veux pas le salir — mais il ne s'arrête pas. C'est qu'au bout de deux bonnes minutes, dès que nous avons le tournis, qu'il me repose au sol. Pour le remercier, je me mets sur la pointe des pieds et dépose un baiser sur son nez, comme il l'a fait tous les soirs pou m'encourager.

-    C'est enfin fini, je chuchote avec une certaine émotion dans la voix.

-    Oui, tu as été fabuleuse.

Je lui souris de toutes mes dents et embrasse ses lèvres, ignorant les gens qui nous observent du coin de l'œil.

-    Il faut que je range tout ça... On se retrouve après ? Je ne sais pas trop quand est la remise des prix mais...

-    Non. Je vais t'aider, on ira plus vite à deux.

Je soupire et me recule mais Baptiste me rattrape par la taille.

-    Je t'ai dit que je voulais être le mec parfait, non ? Alors laisse-moi t'aider. Plus vite on aura rangé, plus vite tu prendras une bonne douche pour survivre à ta famille.

-    Où sont-ils d'ailleurs ?

-    Partis t'acheter un poney.

Je lui tire la langue, fais mine d'être vexée mais il me rapproche de lui pour me câliner. Même si je le voulais, je ne pourrais pas lui en vouloir. J'ouvre la bouche pour lui demander à ce moment-là d'aller me chercher de l'eau le temps que j'aille émerger, mais il ne me laisse pas le temps d'en placer une.

-    Le rose. Les poneys. La voile et les films. Eminem.

-    Comment ?

-    C'est tout ce que tu m'as dit la première fois que tu étais mal. La première fois que tu m'as menacée avec un couteau, et presque la dernière. Je pourrais même rajouter la tarte au citron meringuée dans la liste, mais je fais attention avec ce gâteau maintenant.

J'éclate de rire en l'entendant déballer tout ça. Ça me semble tellement lointain ! Et pourtant, ça doit faire à peine quatre mois.

-    Noir, rien, voile et cigarette, je réplique à mon tour. Eminem évidemment, mais moi je rajouterai Animal Crossing à ta page. Et j'enlèverai les cigarettes aussi, parce que tu en consommes de moins en moins j'ai remarqué.

Baptiste me sourit comme s'il était fier que j'aie remarqué ce changement. J'ai envie de lui dire que je remarque toujours les petits changements chez lui, mais mon cerveau m'en empêche par fierté. Si j'avoue que j'ai remarqué ça alors qu'il a commencé à arrêter après notre dispute, ça sera avouer que j'étais totalement amoureuse et faible. J'ai un minimum de fierté à garder au chaud.

-    Bon ! Il me coupe d'un coup en tapant dans ses mains. Je t'aime et c'est très mimi tout ça, mais va émerger avant qu'on ne pense que tu es restée coincée sur l'eau comme une débutante. Je commence à ranger tout ça en attendant.

-    Non, tu peux aller me prendre un truc à boire, s'il-te-plaît ? Et après on range ensemble.

-    Le mot ensemble m'a convaincu, il conclut en hochant la tête. On se rejoint dans dix minutes max.

***

Je vais vomir. Tout le monde applaudit, fait les fous, dansent et chantent, crient et hurlent quand quelqu'un monte sur le podium. Moi je flippe. Je n'ai même pas osé regarder mes classements, et dans tous les cas Lays m'a assuré qu'on ne pouvait pas savoir à l'avance les résultats. En gros, il y a eu tellement de protestation, de courses et de remaniement de classement qu'on est tous plus ou moins dans le flou.

Honnêtement, je m'en fous totalement d'être sur le podium, je veux juste rentrer, redescendre sur Terre, et replacer tous les évènements dans l'ordre dans ma tête.

-    Nous allons procéder à la remise de prix des femmes Techno293 plus, annonce un homme au micro.

Mon pouls augmente, je tourne de l'œil mais la main de ma mère serre tellement la mienne qu'elle me permet de rester consciente. Jusqu'ici il n'y a pas encore eu de français sur le podium. Je sais que ça va changer pour les hommes de ma catégorie car il y en a un qui est chaud patate. Autour de moi, il y a la famille, mes amis, les coachs et toute la team France. Chaque pays s'est regroupé pour mieux célébrer les victoires, ce qui fait monter la pression dans la foule.

Je sais que tout le monde retient son souffle. Tout le monde espère me voir là-bas, sur le podium. Et même si je n'y crois pas vraiment, une partie de moi espère encore que ça sera le cas parce que grâce à ça, je sais que mes efforts auront payés.

-    Bon, ils se bougent ou quoi ? Commence à s'impatienter ma mère.

Elle va me broyer la main si elle continue. Baptiste semble voir ma grimace car il ricane tout seul en nous observant du coin de l'œil. Je lui tire la langue assez discrètement pour ne pas nous griller ce qui le fait encore plus rire.

-    À la troisième place...

La respiration de tout le monde se bloque. Une brise arrivant de la mer derrière le podium fait voler les drapeaux qui se dressent pour décorer la vue. Sur l'eau, on voit de légères vagues se former au passage du vent avant de disparaître, rendant l'eau plus tranquille. Je me concentre sur le grain de sable sur ma main, celui qui a dû échapper à ma douche.

-    Amélie Marceau !

Mon monde s'effondre. Tout le monde autour de moi se met à hurler à plein poumon. Je sens qu'on me porte sur les épaules de je ne sais qui, on me donne un drapeau de la France et on me dépose sur la troisième marche en bois du podium. Tout autour de moi semble se dérouler au ralenti, des acouphènes dans les oreilles. On me donne un trophée représentant la planche que je pratique, on m'acclame, on hurle mon nom. Puis l'homme passe à la deuxième place et la première. Je ne fais même plus attention à ce que tout le monde dit. Dans ma tête, c'est un peu comme si tout se déroulait au ralenti dans un monde parallèle.

On nous demande de mettre bien nos drapeaux que je mets en cape derrière moi, puis on pose pour les photos. Maman pleure, papa aussi je crois, Lays a le plus grand sourire que je n'ai jamais vu, Sacha serre Jocelyn comme jamais. Charline pleure dans les bras de Baptiste qui ne cesse pas de m'acclamer en scandant mon nom. On descend de l'estrade puis je me fais saluer de partout, on me fait la bise, on me dit bravo. Je n'avais jamais reçu autant de bienveillance de toute ma vie.

Mes parents viennent me serrer fort et, comme si nous n'étions qu'un seul cerveau, Baptiste récupère mon trophée pour ne pas l'abîmer.

-    Bravo ma poulette, on est fier de toi, me chuchote papa en posant un bisou sur mon front.

-    Je suis la maman la plus ravie de l'univers, renchérit maman en reniflant. On va fêter tout ça en rentrant ! Je vais envoyer des messages à tout le monde !! Il faudra que tu me fasses une photo de toi avec le trophée pour que je puisse mettre sur Facebook.

Je ris doucement quand papa l'écarte de moi par les épaules.

-    Chérie, laisse Amélie respirer. Je crois que quelqu'un attend patiemment de la féliciter aussi.

Maman tourne la tête dans tous les sens avant de voir le sourire de Baptiste. Elle ouvre sa bouche en « o » avant de pincer ses lèvres.

-    Bon. Je suppose que je dois laisser mon bébé partir...

-    Maman, on vit dans la même maison je te rappelle... On se revoit tout à l'heure.

-    On rentre directement et on organise la fête ! Enfin non, pas ce soir comme c'est dimanche et que je travaille demain. Le week-end prochain !

-    Si ça te fait plaisir...

Elle saute de joie, embrasse mon père puis s'écarte pour laisser Baptiste venir vers moi. Il a légué mon trophée à Charline qui calme ses larmes près de Livia qui se moque d'elle.

-    Alors, je t'avais dit quoi ?

Mes lèvres s'étirent toute seule. Baptiste se penche vers moi, je passe mes bras autour de son cou.

-    J'ai réussi, je chuchote sans pouvoir arrêter de sourire.

Mon copain fronce ses sourcils avant d'amener son oreille vers moi.

-    Attends, quoi ? Qu'est-ce que tu as dit ? J'ai rien entendu...

-    J'ai réussi ! Je dis un peu plus fort mais sans crier comme la remise des prix n'est pas finie.

-    Hum... déjà mieux mais tu as intérêt de faire plus la prochaine fois...

Je ne le laisse pas continuer de me taquiner, je presse mes mains pour ramener sa tête vers moi et l'embrasse comme jamais. Baptiste répond aussitôt à mon baiser, ignorant les grognements de mon père. Ses lèvres douces glissent sur les miennes avec amour jusqu'à ce qu'on s'écarte, les joues rosies tous les deux.

-    Une championne.

-    Ta, championne, je le corrige.

Baptiste me sourit une dernière fois avant de replonger sur moi en attrapant ma taille. Ses lèvres sur les miennes, ses mains sur mes hanches, le vent qui souffle sur nos cheveux et la mer en décor... Le meilleur moment de ma vie.

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