Chapitre 42
Fausse alerte, rien n'est joué
Amélie
Merde, descendre sur la grève est plus dur que ce que je pensais. Déjà que c'est casse gueule en général, je ne pensais vraiment pas galérer avec un peu d'alcool dans le sang.
Je me retourne pour voir Charline derrière moi, déjà en train de dévaler le sentier sur les fesses. Pauvre jupe, elle doit être toute marron, comme si elle c'était chier dessus. À cette pensée, je me mets à rire ce qui agace Lucas devant nous. Il a absolument tenu à ouvrir la marche en voyant le moyen d'accéder à la plage. Même si l'une d'entre nous tombait, il ne pourrait pas nous rattraper vu la pente mais soit. Je glisse une nouvelle fois mais me rattrape de justesse à une branche qui passait par là.
— Putain Amélie ! râle Lucas avec une goutte de sueur sur la tempe. Fais attention s'il-te-plaît... j'aurais dit non à vos conneries si je savais que c'était ici !
— Mais tu verras en bas, le spot est fun.
Il ne répond pas et reprend la descente, arrivant à la corde qui permettra de se tenir pour descendre le rocher glissant en pente. Lui aussi commence à sentir la connerie arriver car il galère à atteindre les galets. Quand c'est bon, il nous jette un coup d'œil inquiet et je suis presque sûre que Charline sourit autant que moi pour le rassurer.
Tant pis pour la robe, je ne suis pas suicidaire, je me mets sur les fesses et glisse jusqu'à ce que mes pieds touchent du plat. Cha' fait pareil, et Lucas finit par marmonner qu'il aurait dû faire comme nous. On se met à danser, Charline et moi, bras dessus, bras dessous, puis une lueur dans la nuit me rappelle notre objectif.
— Ils sont là-bas ! crie mon amie en s'arrêtant d'un coup, manquant de nous faire basculer.
Je lève la tête vers l'endroit où il y a un feu sauvage, un peu comme un suricate, puis on se prend la main, direction la petite fête. Lucas nous suit, un peu mal à l'aise, mais ne nous arrête pas pour autant. Je le soupçonne d'avoir un peu peur de nous.
Plus on approche, plus je me rends compte que je ne connais personne. Il y a beaucoup de femmes, beaucoup d'hommes très apprêtés mais pas de Baptiste en vue. On s'incruste dans la foule dansante, observant toutes les deux d'un œil de faucon chaque visage mais rien du tout. Peut-être que je me suis trompée au final... mais je ne vois pas où il pourrait être.
— Attends, dit Cha' en s'arrêtant d'un coup sans lâcher mon bras. Je vais demander à quelqu'un.
Elle garde ma main dans la sienne et me tire jusqu'à un mec qui passe par là. Il est vraiment super grand, le teint un peu mât et la mâchoire bien carrée. Avec ses cheveux bruns et ses yeux verts, il doit faire tomber les femmes à ses pieds, c'est évident.
— Excuse-moi ? On cherche un ami à nous que tu connais peut-être.
L'homme nous dévisage un instant en buvant une gorgée de sa bière, puis nous répond dans une autre langue incompréhensible. Charline grimace et je retiens un petit rire parce que moi non plus, je n'ai pas plus compris qu'elle. Merde, il doit penser qu'on se fout de lui parce qu'il nous regarde mal maintenant. Il ne pourrait pas parler en anglais comme tout le monde ?
Pas vaincue pour autant, Charline tente le tout pour le tout.
— Baptiste ?
Les yeux de l'homme deviennent un poil plus bienveillant, il regarde de haut en bas Charline avant d'hocher la tête et de nous montrer un homme à la peau foncée un peu plus loin. Il n'est pas seul car Baptiste l'accompagne. Il rit doucement, dévoilant ses dents blanches. Il porte une chemise beige ouverte, dévoilant son torse sculpté, ainsi qu'un short noir des plus basiques. Ses cheveux humides lui tombent sur le front en petites mèches noires, signe qu'il a dû se baigner. Charline remercie l'homme à la hâte puis elle se précipite vers mon copain.
Instantanément, les yeux verts de Baptiste se plantent dans les miens, mais il n'a pas l'air surpris, au contraire. Il arbore la même attitude nonchalante et hautaine qu'avant qu'on devienne amis.
— Baptiste, dis-je tout bas comme si son nom brûlait ma langue.
Son ami se retourne, il est plus immense que l'homme de tout à l'heure. D'ailleurs, celui-ci nous a suivit. Il nous regarde de haut en bas, Cha' comme moi, puis se tourne vers Baptiste qui nous dévisage. J'ai mal. Le voir comme ça, verre à la main à une fête avec des inconnus, sans moi, sans m'avoir donné de nouvelles, ça me fait vraiment mal.
— Hello (Bonjour), s'exclame le grand. I'm Ricardo and here's Paolo behind. You know Baptiste ? (Je m'appelle Ricardo et voici Paolo derrière. Vous connaissez Baptiste ?)
— Charline, and my Friends Amélie, The Baptiste's girlfriend. (Charline, et mon amie Amélie, la copine de Baptiste.)
Étonnement, les deux éclatent de rire, laissant Baptiste silencieux et nous avec. Ils pleurent de rire, se tordent dans tous les sens avant de reprendre leur calme.
— Sorry ? Baptiste's girlfriend ? Nonsense. (Pardon ? La copine de Baptiste ? N'importe quoi.)
— Baptiste doesn't have a girlfriend. And even less a girlfriend... like that. (Baptiste n'a pas de copine. Et encore moins une copine... comme ça.)
Mon sang ne fait qu'un tour. Je me tourne vers Paolo et lui claque ma paume sur la joue. La vache, ça fait super mal ! Ma main me brûle et il se tient la joue, choquée de ce que je viens de faire.
— Come again ? (Répète un peu ?) demandé avec dédain. You stupid bastard ! (Pauvre con !)
Ricardo explose de rire à nouveau, se moquant de Paolo qui chouine pour sa joue. Mon nez me pique et les larmes menacent de tomber, mais je me retourne avec rage vers Baptiste qui reste muet. Il a suffi de ça pour que je décuve d'un seul coup.
— Ce sont tes amis ? demandé-je froidement en ayant reconnu leur accent italien.
Baptiste hoche la tête sans détourner les yeux des miens. Son regard est sombre, indéchiffrable. Tout ce que je peux deviner, c'est qu'il n'a pas l'air de vouloir me défendre. Je sais que j'ai les yeux rouges tellement je me retiens de pleurer, mais même ça, ça ne le fait pas réagir.
— Tu ne leur as pas dit que tu avais une copine ?
Il secoue la tête.
— Ahh, but she's the girl you wanted to fuck, Baptiste ? You know, you told us about some chick or something... (Ahh mais c'est elle la fille que tu voulais baiser Baptiste ? Tu sais, tu nous avais parlé d'une meuf ou je ne sais pas quoi.) ricane Paolo qui s'est remis de la baffe.
Je suis obligée de mordre l'intérieur de mes joues pour ne pas pleurer. Je me sens idiote et ridicule. C'est quoi cette histoire de baise encore ? J'en ai marre qu'on me prenne pour une débile.
— No (Non), crache Baptiste en soupirant. Qu'est-ce que tu fais là, Amélie.
— Qu'est-ce que je fais là ? Tu te fous de moi ? Ça fait une semaine que je n'ai pas de nouvelles, merde ! Une semaine ! Je te retrouve, parce que j'étais un peu inquiète quand même, et tu es en train de faire la teuf avec tes potes ? Potes qui m'insultent au passage et tu ne me défends pas.
Il fuit mon regard, c'est bon. Tout ce que je ne souhaitais pas est en train de se passer. Je suis face à un mec qui n'assume pas.
— C'est à cause de quoi, Baptiste ? pleuré-je pour de bon. J'ai fait quelque chose ? Tu ne voulais pas que je rencontre tes amis italiens ? Tu aurais pu me le dire, tu sais. Je ne t'en aurais pas voulu.
— Tu ne comprends pas, Amélie...
— Qu'est-ce que je ne comprends pas ? Tu as honte de moi, c'est ça ? Je ne veux pas d'un mec qui a honte. Je ne veux pas d'un mec qui ne sort pas avec moi en public, qui me cache à ses potes et qui m'appelle uniquement quand il en a besoin. Je suis désolé Baptiste mais ça fait mal. Ça fait mal d'être oubliée comme ça et de se rendre compte que tu ne portes pas autant d'importance à notre relation que moi j'en porte. Je ne te comprends pas.
Il ouvre la bouche pour répliquer mais se ravise au dernier instant. J'essuie mes larmes avec rage et Charline attrape mon bras qu'elle avait lâché entre temps. Ses amis observent la scène avec un certain amusement malsain, comme si j'exagérais à fond.
— Tu sais quoi, dis-je finalement en baissant les bras, reste ici avec tes amis. C'est vrai qu'être vu aux bras d'une grosse, c'est difficile. Reste ici, profite d'eux plus que de moi.
On lui tourne le dos et je le sens faire un pas en avant. Sans le regarder, je déclare froidement en français cette fois.
— Ne me rattrape pas Baptiste. Tu m'as dit vouloir changer en arrivant en France, mais tu mentais. Tu n'as rien changé du tout. Reste ici avec ces sacs à merde, c'est là qu'est ta place.
Il ne répond pas, je ne lui en laisse pas l'occasion. Lucas nous rejoint, silencieux et l'air abattu. Personne n'ose parler jusqu'à ce qu'on arrive au niveau du rocher glissant et de la corde.
— Ça va, Amélie ? demande doucement mon ami.
— Non. Je pensais vraiment qu'il avait changé.
***
Baptiste
Amélie est partie. Le temps que je réalise, elle avait déjà disparu. Depuis, mes potes ne font que rire en reparlant de l'embrouille qui vient de se passer sous leurs yeux.
— Il diritto con cui ti ha incastrato ! (La droite qu'elle t'a collée !)
— Non è il primo, ma non sarà nemmeno l'ultimo. Ve l'avevo detto che le ragazze grasse hanno forza. Ce n'est pas la première mais pas la dernière non plus. Je t'avais dit que les grosses avaient de la force.)
Mon poing part avant que je ne pense. Du sang jaillit du nez de Paolo qui flanche à en tomber sur les galets. Ricardo vient directement vers lui, me regardant comme si j'étais devenu fou.
— Ma non va bene, amico ?! Non ti abbasserai al livello di quella troia vera ? (Mais ça ne va pas mec ?! Tu ne vas pas te rabaisser au niveau de cette connasse quand même ?)
Paolo se relève difficilement avec l'aide de son pote, tenant son nez qui saigne abondamment.
— Stronzo ! Cha male ! (Connard ! Ch'a fait mal !)
Je ferme fort les yeux pour tenter de me calmer, mais j'ai envie de le frapper encore et encore. Mes ongles s'enfoncent dans la chair de ma paume, et je remercie d'avoir une sacrée corne pour ne pas saigner au vu de la force que je mets.
— Ritira quello che hai detto. (Retire ce que tu as dit.)
Je sais que ma froideur soudaine étonne mes potes, mais la honte me bouffe les entrailles. Amélie doit me prendre pour le pire des enfoirés. J'aurais dû réagir, faire quelque chose. Mais j'étais tellement étonné et heureux de la voir en même temps que je n'ai pas su quoi faire. J'aurais dû assumer, voilà tout. Mais au moment où je l'ai vu arriver avec cette magnifique robe qui rend ses formes incroyables, je savais que les gars ne seraient pas du même avis. La discussion sérieuse avec mon père m'est alors revenue en tête, et cette obligation que j'aie de garder mes contacts italiens.
Il m'a fallu cinq minutes de plus pour comprendre qu'Amélie est plus importante que les contacts, peu importe ce qu'en pense mon daron.
— Non stai bene, Baptiste (Tu n'es pas bien, Baptiste), souffle Ricardo. Chi era quella ragazza ? Non dici nulla e appena se ne va, picchi tuo fratello ? Ma che ti prende ? (C'était qui cette nana ? Tu ne dis rien et dès qu'elle part tu frappes ton frère ? Ça ne va pas ?)
- Non è mio fratello, dannazione ! (Ce n'est pas mon frère putain !)
Les deux me dévisagent comme s'ils ne me connaissaient pas. En une semaine avec eux, j'ai replongé dans l'univers que je voulais absolument fuir en venant en France. Il a fallu que cette petite boule d'énergie rose vienne me rappeler à l'ordre pour que je me rende compte de mon attitude. Putain, mais qu'est-ce que j'ai fait ? Ma semaine me revient en pleine gueule avec tous les cours que j'ai séchés, les soirées totalement folles qu'ont organisés mes potes, mon attitude de connard avec n'importe qui... Comment j'ai pu me laisser influencer si vite ? Comment j'ai pu oublier si vite que j'avais une copine ? Putain, je me sens comme une merde de m'en rendre compte seulement maintenant.
— Devo andare (Faut que j'y aille), déclaré-je à l'étonnement général.
— Dove stai andando ? (Que tu ailles où ?)
— A raggiungere. (Rejoindre Amélie.)
— Quellach gracha ? (La groche ?) marmonne Paolo.
Je me précipite sur lui, saisissant son t-shirt par le col. Ricardo me retient par les côtes mais je n'en ai rien à foutre.
— Dillo di nuovo della mia ragazza, e ti faccio saltare i denti. (Redis une seule fois ça de ma copine, et je te pète les dents.)
— È la tua ragazza ? (C'est ta copine ?) s'étonne le plus grand en me lâchant.
J'abandonne Paolo qui retombe sur le cul comme une merde.
— Sì, è la mia ragazza ! È la mia ragazza e la amo de tantissimo tempo. Ho fatto qualche cazzata, non mi perdonerà mai... Non perdonerò nemmeno me stesso ! (Oui c'est ma copine ! C'est ma copine et putain je l'aime depuis super longtemps maintenant. J'ai fait de la merde, jamais de la vie elle va me pardonner... Même moi je ne vais pas me le pardonner !)
— Vaich avanchi... (Fonche...)
Je me tourne vers l'homme a terre, mais il a l'air sérieux malgré son visage défiguré. Merde, je l'ai frappé plus fort que je le pensais.
— Vaich, non ti ho mai vischto cochì. Sei schtato un idiochta. E non ho inchtenzione di dimenticarlo. (Fonche, je t'aiche jamaiche vu comme cha. T'as été con. Et je vaiche pas oubliech ça.)
Je le fixe un instant, mais il a raison. Si je pars, je sais que je coupe les ponts avec eux, mais ils ne m'en empêcheront pas. Ça fait longtemps que nous ne sommes plus sur la même longueur d'onde. Il faut savoir tourner la page.
Sans me faire prier, je les abandonne et cours de toutes mes forces jusqu'à l'autre sortie de la plage, la plus compliquée d'accès. Je sais qu'elle est venue par ici, c'est évident. Je monte le sentier en crachant mes poumons, manque de finir dans les ronces et les orties deux ou trois fois, mais j'atteins enfin le côté plus safe du sentier, tout en haut. Je cours encore en mettant mes dernières forces jusqu'au champ où nous nous sommes garés la dernière fois, mais quand j'y arrive, il n'y a plus que de l'herbe et les traces que la voiture a laissé en se garant.
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