Chapitre 37
Bonne nouvelle = apéro
Baptiste
La petite main d'Amélie se serre à la mienne comme si elle ne voulait pas tomber à la renverse. Son regard est perdu dans la foule, paniquée au plus haut point. Je la comprends, c'est le moment décisif.
L'homme appelle d'abord les filles minimes sur le podium puis les garçons. Quand un jeune du club du Vent d'Ouest est appelé à la troisième marche du podium, tout le monde de notre club et de celui de Jocelyn se met à hurler dans tous les sens comme si on était dans un stade de football. Les gens autour de nous nous dévisagent, mais les garçons s'en foutent royalement. Ils ont raison. Jocelyn lui donne rapidement sa veste avec le logo du club pour les photos, puis il revient sous les acclamations de ses amis, la médaille de bronze autour du cou.
- Maintenant, on va passer aux espoirs, annonce l'homme dans le micro.
Il appelle d'abord les femmes et bien évidemment, Lola n'est pas sur le podium. La régate l'a totalement bouleversé, mais elle a tenu bon jusqu'à la fin malgré les pleurs. Ses efforts ont payé, elle n'est même pas dernière !
L'homme appelle maintenant les garçons, et le Théo dont j'ai découvert le prénom hier soir est en deuxième place. Comme pour l'autre, les garçons se mettent à scander son nom comme des sauvages, heureux d'avoir un des leurs sur le podium. La main d'Amélie se resserre dans la mienne en sachant que son tour arrive.
Dans moins de cinq minutes, nous allons enfin savoir si elle est qualifiée.
Un photographe prend la photo du podium, puis c'est le moment.
- Les techno plus, dit l'homme en fouillant ses fiches. D'abord, les femmes.
Amélie est plus pâle que quiconque, j'ai presque peur qu'elle fasse un malaise. Je lâche sa main pour attraper sa taille, mais elle ne relève même pas le nez pour dire quoi que se soit. Elle est fixée sur l'homme qui tient les résultats, pendue à ses lèvres.
- En troisième place, j'appelle Noémie Martin.
La concernée relève d'un coup la tête, étonnée de voir son nom appelé à la troisième place. En effet, elle a fait première une ou deux fois, mais souvent on ne savait pas trop comme elle était perdue dans la masse. Les garçons se mettent à hurler dans tous les sens, la laissant accéder au podium où on lui passe une médaille autour du coup.
- En deuxième place, Inès Petit.
La brune s'avance, un peu surprise comme Noémie d'avoir été appelée, mais accepte largement sa médaille autour du coup. Amélie retient sa respiration depuis déjà deux longues minutes, je ne sens plus son ventre se soulever. Une seule question est suspendue dans l'air, plaquée sur les visages inquiets de tout le monde. Pourquoi la blonde n'est pas sur le podium ?
- Et enfin, annonce l'homme avec un grand sourire, la première place revient à...
Punaise, et il ose faire du suspense. Je crois que plus personne ne respire autour de moi. Moi y compris.
- Amélie Marceau !
Ma mâchoire se décroche et mon corps est incapable de bouger, comme Amélie qui est pétrifiée contre moi. Soudain, des exclamations de joie retentissent dans l'assemblée, puis les garçons viennent en masse à notre rencontre. Ils m'arrachent à Amélie pour la soulever dans les airs, bien décidés à aller la poser eux-même sur la première marche du podium. On applaudit, on crie et on siffle. Amélie pleure toutes les larmes de son corps alors qu'on lui tend un trophée en bois. Elle sèche rapidement ses joues pour la photo puis embrasse ses deux concurrentes avec respect.
Elle l'a fait. Elle a gagné.
Les trois redescendent pour qu'on puisse passer au podium masculin, mais plus personne n'écoute réellement. Près des coachs, Amélie pleure dans les bras de ses parents et de Charline qui a réussi à se frayer un chemin dans la foule. Entre ces trois paires de bras, on ne la voit presque plus.
- À la troisième place, Lucas Guichard !
Rebelotte, les garçons se mettent à crier pour féliciter Lucas qui est aussi surpris que Noémie tout à l'heure. Je ne me souviens pas bien de sa navigation, mais il est loin d'être nul pour être si haut dans le classement. On lui remet encore une médaille, puis la cérémonie se termine enfin pour laisser place à un buffet. Je profite de ce moment de dispersion où les planchistes se jettent sur la nourriture pour accéder à la famille Marceau.
Amélie a enfin séché ses larmes, laissant ses yeux rouges. Ses cheveux roses sont en pagailles tandis qu'elle ne fait que sourire en se remettant de ses émotions comme elle peut.
Ses yeux bruns trouvent les miens quand j'arrive à sa hauteur, et ce qui se passe me surprend plus que de ne pas voir la blonde sur le podium. Amélie se met à courir pour prendre de l'élan, puis se jette sur moi. Je la rattrape de justesse en mettant mes bras sous ses fesses pour ne pas la faire tomber alors qu'elle passe ses bras autour de mon cou.
- J'ai réussi, elle souffle en sanglotant à moitié.
- Je te l'avais dit, j'ai toujours raison.
- Pas sûre de ça...
- Ah bon ?
- Tais-toi et embrasse-moi.
Je ne me fais pas prier et pose mes lèvres sur les siennes. Elles sont chaudes et légèrement humides à cause des larmes, et ça me fait du bien. J'en rêvais depuis qu'on est ici, et elle aussi on dirait. Lentement, elle s'écarte de moi pour rire à nouveau.
- Est-ce que mes parents ont l'air choqués ? Elle demande.
Je penche la tête sur le côté pour les observer, mais ils nous ont tourné le dos alors que Charline ne manque pas une miette de notre échange.
- Ils s'embrassent à pleine bouche, je mens en mimant un air dégoûtée.
- Je ne te crois pas, mais si tu mens c'est que tout va bien alors.
Je lui souris à mon tour puis la repose délicatement au sol.
- Hiiii, crie Charline en sautillant sur place, vous êtes trop mignons ! Je veux monter votre fan club, d'accord ? J'ai la priorité.
- Va voir ailleurs si j'y suis, je souffle à la lionne en levant les yeux au ciel.
- Charline, moins d'enthousiasme, plus de petits fours, plaisante Amélie en enlaçant nos doigts ensembles. Et puis, je crois que Noémie veut te parler. Elle n'a pas eu le temps de le faire plus tôt.
Les sourcils de Charline se froncent mais ça ne baisse pas du tout son hyper-activité. Elle nous offre un salut militaire puis fonce à la recherche de Noémie. Décidément, c'est plutôt cool qu'elle ne se morfonde pas dans le noir avec tout ce qui se passe dans sa vie.
- Maman, papa, continue Amélie en riant toujours. C'est bon, vous pouvez vous retourner.
Les Marceau se retournent comme un seul homme, un peu embarrassés ou en tout cas, ils fuient mon regard.
- Donc vous deux, hum... commence son père en frottant nerveusement sa barbe.
- Henry, on s'en doutait, intervient Sophie en recoiffant ses cheveux blonds.
- Euh... On sort ensemble que depuis aujourd'hui, hein, souligne Amélie avec nervosité. Enfin, on était, est, je ne sais plus, mais on est ami dans tous les cas, c'est juste que les choses évoluent.
- Donc vous n'avez pas... ?
Son père ne finit pas sa phrase pour faire comprendre sa pensée à Amélie qui ne semble pas saisir.
- Baiser dans ta chambre, je termine à sa place en chuchotant à l'oreille de la rose.
Elle se redresse d'un coup, dévisageant son père avec de grands yeux ronds.
- Mais non ! Pas du tout ! On jouait à Animal Crossing la moitié du temps et je te promets qu'il ne s'est rien passé du tout dans votre maison.
Le fait qu'elle parle vite en bégayant un peu me fait rire. Son père acquiesce puis reporte ses yeux sur moi. C'est incroyable comment il a le même regard brun que sa fille.
- Tu as interêt à faire gaffe à mon poussin, me prévient-il en levant un doigt menaçant vers moi. Amélie est la meilleure chose qui peut t'arriver dans la vie, tu as intérêt à en avoir conscience.
- Ah mais Amélie est la meilleure chose qui m'est arrivée dans la vie, je réponds avec sérieux. J'ai changé grâce à elle, et je ne la remercierai jamais assez pour ça.
Elle se retourne pour me faire face, une mine trop mignonne.
- Oh mais je vais t'épouser toi si tu continues de dire des trucs comme ça, elle dit en faisant semblant de fondre sur place.
- Calmos l'albinos ! la réprimande son père avec un air de panique. La majorité c'est à 34 ans chez les Marceau je te rappelle.
- Nianiania, c'est ça oui.
- Bon Henry, tousse Sophie en prenant le bras de son mari, j'ai soif, viens prendre à boire avec moi.
Il acquiesce puis pointe deux doigts sur ses yeux, puis sur les miens comme s'il voulait me dire qu'il m'a à l'œil. Je souris de toutes mes dents, exagérément évidement, jusqu'à ce que la nourriture soit plus importante que nous. Je n'ai pas le temps de parler que Lissandre et Sacha arrivent en duo pour féliciter Amélie.
Elle discute avec eux, excitée comme jamais, sans jamais me lâcher la main. Je l'écoute parler avec passion de la suite, sans jamais lâcher mon regard de son visage.
***
On vérifie une dernière fois que tout le monde est bien calé dans un moyen de transport, puis c'est parti. Le père d'Amélie a préféré conduire lui-même le mini-bus, au-cas-où il se passe quelque chose donc je l'ai laissé faire. Au moins, je me retrouve à conduire une voiture moins grosse avec la mère d'Amélie à ma droite, les deux meilleures amies derrière et Lola qui s'est déjà endormie dans la voiture.
Le début du trajet se passe très bien, on discute, on chante, tout se passe dans la bonne humeur mais au bout de la moitié, ça devient plus compliqué parce que tout le monde s'est endormi. Seule la mère d'Amélie est encore bien en forme, mais je sens ma concentration décliner.
On échange de poste à une station service, puis c'est reparti. J'essaye de me maintenir éveillé en sachant qu'il ne reste que deux petites heures de route, mais les respirations profondes me donnent envie de piquer un somme. Je ferme les yeux, juste dans l'objectif de me les reposer un peu, mais très vite je me mets à songer à la journée. Je pense aux pleurs, aux rires et aux sourires d'Amélie. Je pense à ses formes, son corps contre moi et la chaleur de ses lèvres sur les miennes. Je pense à ses jolies cheveux roses, les barrettes colorées qu'elle met tout le temps et ses vêtements fleuris. Je pense à son attitude de guerrière sur l'eau, sa façon de crier sur ses concurrentes et de rester focus sur son objectif.
Lentement, le sommeil me gagne sans que je ne m'en rende compte, et je me retrouve à rêver d'elle. De nous.
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