Chapitre 1


À toutes celles et ceux qui ont inspiré
ce roman, on en a quand même passé,
de bons moments

Premiers pas chez les crevettes bleues

Amélie

Je tire de toutes mes forces sur ma combinaison noire en néoprène beaucoup trop compacte, espérant faire passer mon postérieur d'un seul coup pour m'éviter plus de souffrance.

—    Et on n'oublie pas, 14 heures sur l'eau donc on anticipe, nous réprimande notre coach Lissandre d'un ton agacé. Je ne vise personne bien évidemment, mais pas de retard aujourd'hui... Sinon, vous savez ce qui vous attend.

Mon regard trouve celui de Lissandre — alias Lays pour Charline et moi — et je lui souris de toutes mes dents en sachant qu'il me vise totalement. L'homme se met à taper plusieurs fois dans ses mains pour m'inciter à accélérer, et au même moment, mes fesses passent enfin dans ma combinaison, me libérant de mes souffrances.

—    Bon, je vais toujours sur mon bateau, on se rejoint sur l'eau, explique Lays assez fortement pour que tout le monde puisse l'entendre malgré les occupations de chacun. Sacha partira un peu après moi, je crois. Donc s'il y a un problème, voyez avec lui ou vous vous débrouillez.

Nous acquiesçons tous sans un bruit, trop occupés à se mettre en tenue ou à faire nos derniers réglages sur les voiles. Après cinq ans à nos côtés, Lissandre n'a toujours pas compris le principe de briefing qui pourrait lui éviter de nombreux problèmes d'inattention. Réunir tout le monde cinq petites minutes pour leur donner des consignes, ce n'est pas bien compliqué. Si Sacha est un entraîneur carré, qui ne perd pas de temps et qui veut toujours maitriser ses séances à la perfection, Lays a encore quelques trucs à revoir.

Mais bon, on l'aime quand même.

Je passe enfin le haut de mon vêtement, dégoulinante de sueur sous cet effort. J'ai beau faire des sports nautiques depuis mon enfance, la phase de préparation a toujours été la plus éprouvante pour moi. Tant que nous ne sommes pas mouillés, la combinaison nous colle au corps, nous tient beaucoup trop chaud sur la terre ferme, limite nos mouvements tellement le néoprène se moule à notre peau. On passe vingt minutes à s'équiper dans la douleur pour au final, parfois, ne même pas aller naviguer ou rentrer très vite pour tierces raisons. Ces jours-là sont ceux que je hais le plus.

—    Tu veux que je t'aide à la fermer ? demandé-je en souriant à Charline, mon amie de toujours, qui tourne sur elle-même pour attraper la fermeture à l'arrière de sa combinaison rose.

—    Je veux bien, chef ! Faut vraiment que j'en achète une autre comme toi, avec une fermeture à l'avant, parce que c'est plus possible de galérer à chaque séance !

Je ris doucement en me mettant dans son dos, puis remonte la fermeture éclair avec précaution jusqu'à son cou tout en faisant attention à ne pas bloquer un bout de peau dedans ou sa grande tignasse bouclée qui lui donne des airs de lion. La hantise de toutes les personnes utilisant ces vêtements de la mort.

—    Merci girl, t'es au top comme d'hab' !

Comme si nous lisions dans les pensées de chacune, nous nous mettons à nous étirer pour détendre le tissu rigide, mais aussi pour nous échauffer un peu. Vu l'attitude énergique de Lays, je pense que l'entraînement va nous faire souffrir.

—    Tu peux jeter un coup d'œil à ma voile ? me questionne mon amie en enfilant son harnais, une sorte de ceinture avec un crochet qui nous permet de nous lier à la voile pour supporte son poids. J'ai un doute sur les réglages, t'es bien plus forte que moi pour ça.

J'acquiesce en attachant mes cheveux roses dans une ridicule queue de cheval, puis appuie sur le bout de la voile. Celle-ci se lève à l'autre extrémité, révélant de nombreux plis sur le plastique de la voile.

—    Trop étarquée, déclaré-je en la lâchant.

Je lui montre le petit bout de cordage qui dépasse de son mât, la partie rigide de la voile, et lui dis de desserrer. Mon amie semble un peu dubitative à mon diagnostic, mais après un bref coup d'œil à la rade bleue en face de nous, elle s'empresse de faire les réglages que je lui ai préconisée en s'asseyant sur le sol pour mieux gérer la tension de bout — le cordage — qu'elle réduit. Les plis disparaissent doucement, jusqu'à qu'il n'en reste qu'un ou deux.

—    On va souffrir, constate-t-elle en regardant toujours l'étendue d'eau, il n'y a pas de vent, ce qui signifie...

—    Aïe aux bras et aux abdos ! complété-je en enfilant aussi mon harnais.

Charline grimace en se relevant, dépitée de devoir naviguer dans ce temps. Je la comprends. Sur l'eau, on ne distingue aucunes petites vagues qui pourrait trahir la présence de vent. Les drapeaux accrochés à notre club de voile ne bougent pas, restant tristes et affalés sur eux-mêmes tandis que le soleil commence à fortement taper sur nos têtes.

Je crève de chaud dans cet accoutrement, mais je n'ai pas pensé qu'il ferait cette chaleur pour le mois de mars.

J'enfile une couche en plus avec mon gilet de sauvetage qui m'a sauvée plus d'une fois comme son nom l'indique, et jette un coup d'œil rapide à la montre accrochée sur la bretelle.

—    Charline, on va se faire engueuler par le coach, j'annonce sans sourire.

—    Pourquoi ?

—    Il est déjà 13h55. Alors le temps qu'on descende sur la cale, on pourra à la rigueur y être à 14h, mais souviens toi...

—    Mer haute, pas de place sur la cale. Retard, pompes sur la planche.

Elle pousse un gémissement plaintif en mettant son gilet. Pour un week-end de beau temps, vent ou pas, mer haute en plus de ça, la cale qui nous permet d'accéder à la mer va être remplie de bateaux en tout genre. Catamaran, kayak, planche à voile comme nous, paddle... un vrai festival de danger et de bouchons ! Il nous faudra bien un bon quart d'heure, au mieux, pour rejoindre l'eau et enfin partir s'il n'y pas moyen de passer en douce.

—    Au pire, c'est que Lays qui fait notre entraînement, comme Sacha s'occupe des plus petits... Il ne nous dira rien. Un soupir tout au plus.

—    T'as raison, confirme mon amie en rangeant toutes ses affaires dans son sac. Mais ce que je ne comprends pas, c'est comment à chaque fois on ne remarque pas qu'il ne reste que nous sur le parking. Tout le monde était avec nous, comment ça se fait qu'on ne les ait pas vu amener leur matériel sur la cale ?

—    Le grand mystère de notre existence, ris-je doucement.

Nous nous dépêchons de ranger nos sacs dans un conteneur prévu à cet effet, puis nous nous emparons de notre voile. Je la soulève de toutes mes forces pour la placer sur ma tête, la retenant par le mat et le wishbone qui traverse la voile de gauche à droite. Je constate que Charline est prête comme moi, puis m'élance pieds nus sur le bitume bouillant et grouillant de gravier coupant pour rejoindre la cale.

Comme nous le pensions, elle est remplie d'adultes et d'enfants surexcités, prenant toute la place. Le chemin qui mène en bas de la cale est encombré de remorques mal rangées mais tant pis, pas le choix. Je m'élance à travers le chemin entre planches abandonnées, catamarans en train d'être gréés (mise en place de tous les éléments du bateau pour qu'on puisse naviguer — en gros comme un meuble Ikéa qu'on monte), et les remorques des optimists déjà sur l'eau.

Je grimace en levant haut les pieds pour ne pas qu'ils se prennent dans toute cette ferraille, concentrée comme jamais pour ne pas tomber. Tomber signifierait tomber avec sa voile. Ce qui signifierait la casser à coup sûr et/ou blesser quelqu'un par la même occasion si ce n'est pas soi-même. Pas envisageable.

J'entends les pas de Charline qui me suit à la trace, toute aussi concentrée en portant à bout de bras la lourde voile transparente et orange sur les bouts.

Quand j'arrive enfin vers la mer, je me méfie et ralentis l'allure pour ne pas glisser sur les petites algues, jusqu'à ce que je sente le froid mordant de l'eau sur mes pieds. Les vaguelettes rencontrent ma peau avec douceur, mais me lancent quand même des picotements désagréables tant l'océan est gelé aujourd'hui.

Épuisée de cette traversée laborieuse, je soulève la voile au-dessus de ma tête pour la faire passer sur le côté, et l'abandonner dans l'eau. Charline en fait de même, puis s'étire dans un cri de soulagement quand le poids de la voile la quitte.

—    Putain, qu'est-ce que c'est lourd cette merde ! râle-t-elle en ignorant un homme qui bouche les oreilles d'un enfant à proximité en lui lançant un regard noir.

Consciente que nous prenons une bonne grosse place au bord de l'eau, nous nous dépêchons de faire un aller-retour pour aller chercher nos planches. Vu comment ça caille aujourd'hui, j'aimerais bien rester au sec sur ma planche.

Pressée, j'emboîte ma voile et ma planche ensemble pour que les deux parties puissent être utilisées en simultané, puis monte sur ma planche qui flotte parfaitement. Personne pour me gêner, j'attrape une corde qu'on appelle tire-veille pour que ma voile se lève dans les airs, et que je puisse avancer. Malgré le vent inexistant, une petite brise très légère me permet de m'écarter de la cale, suivie de près par mon amie.

Je ralentis pour me mettre à sa hauteur, réglant en même temps quelques petits trucs qui m'ont échappé.

—    Tu penses qu'il va encore nous engueuler ? demande ma meilleure amie en posant sa tête sur son wishbone, sans même le tenir avec les mains tellement il n'y a pas de vent et que la voile ne risque pas de retomber.

—    Mais non, regarde, je lui dis en montrant au loin notre groupe qui a commencé l'entraînement sans nous. Comme d'habitude, il s'en fout c'est notre problème pas le sien.

—    T'as raison, j'avais pas envie d'y aller, et j'ai toujours pas envie.

—    Faut te motiver ! J'ai une idée...

Je me recule un petit peu sur la planche, prête à pomper pour créer de l'air.

—    La première qui arrive à Lays gagne... euh...

—    Une bière tout à l'heure !

—    Allez, go. Trois, deux...

Mon amie s'élance en bougeant le bassin et les bras avec puissance, propulsant la planche à la seule force de son corps en créant de l'air.

—    Hé ! Tu triches !

Elle se retourne pour me tirer la langue, puis continue son aventure avec énergie. Ni une, ni deux, je commence à imiter son mouvement, bien décidée à gagner. Très vite, je passe devant elle, focus sur mon objectif à une centaine de mètres. Mon cœur se met à palpiter sous l'effort, mes pieds à s'ancrer de plus en plus à la planche pour ressentir les moindres à-coups de l'eau, ma peau à frissonner quand une brise se fait sentir.

Quand j'arrive au zodiac de Lissandre qui siffle bruyamment pour ramener tout notre groupe auprès de lui, je touche le pneumatique pour assurer ma victoire. Quelques secondes plus tard, Charline me rejoint d'un dernier coup de voile, rouge à cause de l'effort.

—    J'ai g-a-g-n-é, déclaré-je victorieuse en me déhanchant sur mon flotteur sans lâcher ma voile qui retombera instantanément si elle n'est pas maintenue.

—    En même temps c'était impossible que je te batte, tu le sais très bien, souffle-t-elle en boudant.

—    Mais arrête de te dévaloriser ! Un jour tu seras une championne, j'en suis sûre ma belle.

—    Hum hum.

Je me retourne lentement avec un énorme sourire sur le visage, pour observer notre coach qui nous observe, bras croisés sur son torse puissant. Ses cheveux blonds ramenés en chignon approximatif, il passe une main dans sa barbe en soupirant.

—    Qu'est-ce que je vais faire de vous deux ?

—    Au fond, on est tes préférées, tu ne peux pas le nier Lays.

—    Chef, on doit faire quoi ? demande Adam qui arrive à notre niveau. Salut les filles ! Vous êtes en retard.

—    On sait, réplique-t-on en cœur.

Adam nous sourit puis reporte vite son attention sur le coach, tout en se mettant en position d'arrêt. Quelques autres nous rejoignent, attentifs aux consignes que donne Lays.

Adam est un garçon de 18 ans qui est arrivé l'année dernière comme une fleur. À l'aise sur son support, son ascension est assez impressionnante quand on apprend qu'il a commencé à naviguer il y a deux ans. Grand, le corps athlétique, fairplay sur l'eau, je ne connais pas une seule nana qui n'a pas craqué sur lui un jour. Ses cheveux bruns au vent, ses yeux couleur chocolat et sa mine enfantine, il fait rêver Charline depuis le premier jour. Mon amie à la crinière de lion est littéralement tombée sous son charme, cassant la planche qu'elle tenait à cause de l'impact contre le sol dur. Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi in love de ma vie.

Malheureusement, j'ai beau la pousser à l'inviter ou passer du temps seule avec, sa timidité devient presque maladive. Dès qu'on en parle, elle devient rouge pivoine, se met à trembler de tout son corps et à bégayer sans raison. Alors je vous laisse imaginer quand Adam vient lui parler seul à seule. Liquéfaction assurée.

—    Compris ? questionne Lays en observant toute la petite troupe en plaçant des lunettes de soleil sur son nez.

—    Yep, tout le monde répond en cœur.

N'ayant rien écouté à ses explications, je jette un coup d'œil au parcours qu'il a crée avec des bouées. J'espère que c'est le schéma classique à suivre, parce que je ne suis pas sûre de pouvoir me fier aux gens si je suis en tête du peloton.

Tout le monde se met à bouger autour de moi, se préparant au premier coup de sifflet qui indiquera le début du compte à rebours. J'observe rapidement les gens qui sont présents à l'entraînement, puis m'arrête sur quelques uns qui semblent bien jeunes.

—    Lays, pourquoi le groupe de Sacha est avec nous ? Enfin, je m'en fous de faire l'entraînement avec eux, ça ne peut qu'être bénéfique pour leur entraînement, mais tu as dit que Sacha allait sur l'eau aussi et il n'est nulle part.

—    Si vous étiez arrivées plus tôt, tu aurais su ma pauvre, s'exclame-t-il d'un ton moqueur.

Il s'arrête pour siffler les cinq minutes de compte à rebours avant le départ de la course d'entraînement, puis reporte son attention sur moi.

—    Y a un mec qui vient de je ne sais plus où qui va rejoindre notre club, m'explique-t-il en jetant un coup d'œil aux coureurs autour de lui. Il est plutôt prometteur, mais Sacha voulait lui faire un coaching privé au début de la nav' pour l'évaluer. Il va nous rejoindre d'ici peu.

J'hoche la tête en observant la rade, sans voir le bateau de Sacha au loin, ni même la voile de cet inconnu.

—    Nathan ! On ne touche pas le bateau comité en procédure ni même pendant la course d'ailleurs ! réprimande Lays en regardant un garçon qui a touché le bateau avec sa planche. Un 360, tout de suite !

Je ris discrètement en voyant le garçon pester tout seul, avant de faire la manœuvre consistant à tourner sur soi-même en combinant deux façons de faire demi-tour. Lays siffle les quatre minutes, et je me décide enfin à me mettre en mouvement.

Les minutes passent tandis que je cherche de quelle façon aborder la ligne de départ pour être la plus efficace et rapide possible, permettant à mon corps de libérer l'adrénaline qu'il me manque. Vers la dernière minute, alors que Lissandre siffle une avant-dernière fois, je me place sur la ligne de départ imaginaire, délimitée entre une bouée et son bateau. Prête à partir à tribord — la droite —, je reste statique, concentrée à ne pas dépasser pour ne pas prendre de pénalité. Les plus anciens sont déjà placés autour de moi, tandis que les plus jeunes essayent de se trouver une place parmi la foule, tremblant de peur de faire une gaffe impliquant de faire tomber tout le monde dans l'eau.

Je sens quelqu'un pousser légèrement ma planche vers l'avant, manquant de me faire perdre ce fragile équilibre à l'arrêt. Devinant que c'est un adolescent qui ne sait pas gérer sa marche arrière et marche avant correctement, je crie quand même pour le mettre dans l'ambiance.

—    Y a pas de place !

Étonné, peut-être mort de trouille, je sens la planche qui me poussait disparaitre, m'indiquant qu'il a reculé. Je jette un coup d'œil à mon chronomètre m'indiquant plus que 30 secondes avant que le départ ne soit lancé.

—    Tu as été vache avec ce gosse, me dit une voix à ma gauche.

Plus concentrée que jamais pour ne pas bouger, je ne regarde même pas l'homme qui me parle, me préparant à bouger quand le départ sera annoncé.

—    C'est le jeu ma pauvre Lucette, s'il ne respecte pas les règles de navigation, il aura des problèmes en compétition. Je ne fais que lui rendre service.

—    Si tu le dis, en attendant il a tellement dérivé, qu'il ne pourra pas remonter le vent à temps pour le départ.

—    Eh bien, les coachs sont faits pour ça, ils lui donneront des conseils.

La personne lâche un rire grave et profond, mais surtout inconnu. Je me risque à jeter un coup d'œil pour me confirmer que je ne le connais pas, et en effet, un homme de plus ou moins mon âge me sourit sans pour autant m'observer. Il me dépasse au moins de vingt bons centimètres, ce qui le rend un peu moins ridicule avec sa voile.

Comme je suis petite et que la taille de voile est choisie selon notre âge et niveau, je me retrouve avec une toile qui fait trois fois ma taille. Alors quand on me prend en photo, je vous laisse imaginer comment je rends...

L'homme aux cheveux noirs humides tombant sur son visage tient la même que moi, ce qui me donne encore plus envie de lui clouer son bec. Il porte une combinaison sans manches, dévoilant des bras fins mais musclés, et des épaules très développées. Jusqu'ici, rien d'anormal pour un planchiste. Ses yeux verts sont focalisés devant lui, mais sa peau bronzée m'indique qu'il a des origines quelconques, plutôt méditerranéennes.

Un long coup de sifflet retentit, et je sursaute sur ma planche en l'entendant. L'homme tourne rapidement la tête vers moi pour me faire un clin d'œil, avant de s'élancer pour me dépasser. Dans son mouvement, il m'envoie une bourrasque de vent qui me déséquilibre au point qu'en moins d'une seconde, je me retrouve plongée dans l'eau glaciale.

Je sens les griffes acérées de l'eau rentrer par le col de ma combinaison, descendant lentement jusqu'en bas de mon dos. Un cri de surprise m'échappe et je me dépêche de remonter sur ma planche pour ne plus ressentir ce froid horrible.

Loin devant moi, tous mes concurrents sont déjà en route, atteignant la première bouée.

Bouche bée, je m'assoie sur ma planche avec plus aucune intention de les rattraper, quand j'entends la voix de mon coach m'appeler à quelques mètres de moi. Je tourne la tête vers lui, et vois un grand sourire sur ses lèvres roses.

—    On dirait que tu viens de rencontrer le nouveau, déclare-t-il assez fort pour que je l'entende. Il n'est pas nul, hein ?

—    C'est un con, je suis sûre qu'il a fait exprès de me faire tomber !

Lays explose de rire en constatant que je suis trempée jusqu'aux os, tandis que je tire sur ma minuscule queue de cheval rose pour essorer mes cheveux.

—    Peut-être, mais il ne t'a pas touchée, donc pas de faute. Il est plutôt doué, et plutôt beau gosse.

Il hausse et baisse les sourcils plusieurs fois pour appuyer ce qu'il vient de dire, et cette fois c'est moi qui rit.

—    Rêve, j'ai d'autres objectifs dans ma vie. Ce mec n'est qu'un idiot prétentieux qui aurait mieux fait de faire bonne impression. Maintenant, j'ai juste envie de le défoncer à la prochaine manche.

—    Ça c'est l'Amélie que je connais ! Au moins, tu risques d'avoir un peu de challenge avec ce Baptiste. Tu ne seras plus seule au devant de la course pendant les entraînements. Il va pouvoir t'aider à avoir de la concurrence à d'autres moments qu'en compétition.

—    C'est ça, oui. Faudra déjà qu'il me rattrape sur la prochaine course.

Je me relève pour pouvoir soulever ma voile qui trempe dans l'eau. À bout de bras, je tire sur le tire-veille en amenant mon corps en arrière pour que la voile se décolle de l'eau et tienne en l'air.

—    On m'appelle Flash dans le milieu, rétorqué-je à Lays en lui souriant. Ce « Baptiste » peut faire ce qu'il veut, je serai toujours devant. Et crois-moi, je ne me laisserai plus avoir sur des trucs aussi bêtes que ses beaux yeux.

Lissandre me sourit de toutes ses dents, puis je m'écarte de la ligne pour laisser les premiers coureurs faire leur tour. En attendant qu'on lance une nouvelle manche, je les observe tous pour prendre des notes sur le parcours et la façon de l'aborder, mais sans que je ne sache pourquoi, mon regard trouve Baptiste qui est en tête. À l'aise, élancé, fluide, il manie sa planche et sa voile comme si c'était la continuité de son corps, sous les observations de Sacha qui le suit en bateau.

Je dois reconnaître qu'il est très fort, et qu'il n'a aucun mal à être bien devant tous les autres qui commencent à fatiguer à cause du manque de vent.

Prête à en découdre, je ne cesse pas d'échauffer mon cou, mes épaules, à détendre mes bras et mes jambes. Il faut que je gagne la prochaine course. Je dois lui montrer qui est la patronne.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top