Chapitre 94

 Qui n'a pas remarqué qu'on était dimanche y'a deux jours ? C'est bibi. Tellement décalée dans ma tête qu'un peu plus et je n'allais pas bosser x) 

Le voilà donc !

PDV Yuki

Je lâche le corps de l'homme quand je sens la main de mon père se glisser sur mon épaule. Je me tourne vers lui, et plonge mon regard dans le sien.

Ai-je un jour vu mon père avec les yeux tant rempli d'émotion ? Il n'a pas besoin de me dire ce qui lui travers le cœur, je le comprends sans difficulté. Il a eu peur. De me perdre. Que je ne me réveille pas. Malgré toute la foi qu'il a en moi et en ma force, il a craint pour ma vie.

D'une main, il essuie les gouttes de sang qui recouvre mon visage, avec une certaine application.

- Je pourrais me laver après.

Mais il ne répond pas, et n'arrête pas pour autant. Est-ce qu'il n'a pas seulement besoin de se rassurer, en touchant ma peau pour être certain que je suis bien ici ?

Je lui offre un sourire, le mieux que je peux, et attrape sa main dans la mienne, pour l'arrêter contre ma joue.

Il n'est plus le fort représentant de notre espèce, à cet instant, pas plus que je ne suis Shadow. Nous sommes seulement un père et sa fille, qui se retrouve après avoir cru l'un comme l'autre que tout était fini.

Je me fiche des personnes qui nous regardent, je les oublie presque. Je me fiche de n'être pas avoir de douceur, j'ai besoin de la partager avec le premier homme de ma vie.

- Je suis là.

Il souffle et ses épaules s'affalent, me révélant l'ampleur de son affliction. A quel point est-ce dur, d'attendre pendant des jours sans savoir si la personne que l'on aime va ouvrir les yeux ? L'aperçu court que j'en ai eu avec Jeiran et ma sœur me laisse à supposer que c'est une douleur incommensurable. Même pour le plus fort des hommes.

Son front vient se poser sur le mien, et ses yeux s'ancrent dans mon regard. Exactement la même teinte que les miens.

- Ne t'avise plus de me refaire un coup pareil, fille ingrate.

- Pourtant j'avais bien envie de me faire transpercer à nouveau par des lances. Dommage.

Je parviens à lui tirer un sourire et nous restons comme cela un instant, avant que je me tourne vers Bahram qui approche. Il pose une main sur mon épaule, et je sens que lui aussi en a gros sur le cœur. D'autant que son fils n'est pas à côté de moi.

- Cyrus va se réveiller, maintenant.

- Alors nous devrions y aller.

Un hochement de tête, et j'avance avec les deux patriarches et mes loups vers la sortie. Avant de passer les portes, en lambeau, je remets mon masque et me tourne vers les deux gardes humains.

Ils frissonnent, se rappelant de mon avertissement. Les êtres en vie ayant vue mon visage se comptent sur les doigts de mes mains.

- Bravo. Vous rejoignez mes mains.

J'entends leurs soupirs de soulagements, et ils me tirent un sourire. Ce dernier s'efface bien vite. Et je ne le laisserai monter à nouveau sur mes lèvres que pour une seule raison : les yeux verts de mon loup plongés dans les miens.

**

J'ai fait l'entièreté du chemin jusqu'à la meute avec une détermination sans faille. Et pourtant, je me sens vaciller, devant cette porte. Il est derrière. Mais dans quel état ? Au fond, je le sais. Je le sens. Mais j'ai peur de me tromper. Peur que le Destin se soit joué de moi.

Bahram est déjà entré. Mon père attend dans le salon, et Ramin a jeté un œil avant de sortir de la maison.

Seul Nader se tient derrière moi, en silence. Sa présence me fait du bien. Il est tel l'ombre de l'ombre. Mais aussi l'ombre de la femme, pas seulement du soldat.

Je lui jette un coup d'œil, avant de sentir sa main dans mon dos. Il pousse légèrement, juste assez pour me donner de l'impulsion.

Assez pour que je franchisse enfin cette porte.

Et je le vois. Là, assis dans ce lit blanc. Entouré de nos loups. De notre famille.

Il ne faut qu'une seconde pour qu'il plante son regard dans le mien. Et une seconde de plus pour que tous les doutes s'envolent. Il est là. Il est bien là.

Sur un côté, sa mère hoche la tête avec un sourire, dans un geste que je comprends comme un remerciement. Je ne lui rends pas. Je suis incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de le regarder.

Je pensais ne plus revoir ces yeux. Je pensais avoir tout perdu. Mais nous sommes là. Nous avons gagné. Contre le Destin.

- Tu en as mis du temps, vampire.

Et enfin, un sourire, un vrai, monte sur mes lèvres. Oui, ce n'est pas un rêve. Tout recommence. Tout continue. Cette fois, sans une épée de Damoclès au dessus de notre tête.

- Il fallait bien que je m'occupe du sale boulot, pendant que tu faisais la sieste, loup.

Il me rend mon sourire. Ça, c'est nous. Et ça, ça ne se finira pas de si tôt.

Emna rit en pleurant, accrochée à Jeiran, Arman cache ses larmes en détournant le regard, charrié par Maï, Nader observe le tout en silence. Mais Ramin n'est pas là. Et Tala ne le sera plus jamais.

C'est une réalité qui fait mal au cœur. Qui nous fait du mal à tous. Mais pour l'instant nous nous accordons juste un instant. Juste quelque minute pour savourer la victoire de Vie sur Mort. D'Amour sur Destin.

J'avance de quelques pas, et glisse ma main dans celle de mon loup, tandis que ma sœur et Emna se presse contre moi.

- C'est fini.

J'ai besoin de le dire. Pour eux, comme pour moi.

- Oui. C'est fini.


Se fut une pause de courte durée, avant la terrible épreuve de mettre en terme notre louve, notre amie, notre sœur. Tala était un tout dans notre vie, et elle laisse un vide que rien n'y personne ne saurait comblée. Est-ce seulement possible de comprendre cette douleur quand l'on n'est pas dans une meute ? Ce lien porte la douleur de la porte un seuil au dessus de tout ce que j'aurai pu imaginer.

Voir le cercueil se fermer et être recouvert de terre, m'a déchirée de l'intérieur, encore plus que la vision de Tala mourante dans mes bras. Chaque nuit, je la revois. Chaque nuit, mes yeux s'ouvrent dans un sursaut de terreur, et j'espère encore que tout cela n'est qu'un cauchemar. Mais j'ai cette pierre tombale pour me souvenir que le cauchemar prend forme de ma réalité.

Alors je deviens incapable de fermer les yeux, tandis que je ne sais pas quand l'horreur est la plus insupportable. Le jour ou la nuit ?

La respiration lente de Cyrus à mes côtés ne m'apaise pas. Je me relève dans le lit et m'approche de la fenêtre, pour regarder les rayons de la lune qui éclairent la forêt. Je veux trouver un peu de calme dans cette nature dormante. Mais tous ne dorment pas.

Un loup passe entre les arbres, et malgré la distance et la noirceur, je sais de qui il s'agit. Je souffle un bon coup. Je comprends sa douleur, sa peine. Et je ne peux pas en rester éloignée.

Alors je sors de cette chambre, et je prends le même chemin que le loup avant moi.

Je le trouve bien vite.

Là, roulé en boule sur cette motte de terre pas encore recouverte de sa stèle.

Malgré le froid de la nuit, je m'avance vers lui et m'assois à ses côtés, me lovant contre son pelage.

A travers l'épaisse couche de poils qui le recouvre, j'entends les battements de son cœur. Je les entends pleurer la perte de cette femme qu'il aimait, de cette louve à qui il était intrinsèquement lié. Il a mal, comme chacun de nous, peut-être encore plus. Non. Plus. C'est certain.

Son cœur saigne, son âme est brisée, d'une façon que je ne saurai imaginer. Personne ne saura combler ce vide, pas même le lien que j'entretiens avec lui.

- Min'...

Depuis combien de nuit dort-il ici ? Si tant et qu'on puisse dire qu'il dort. Depuis combien de nuit pleure-t-il en silence sur la tombe de Tala ?

L'imaginer me brise de l'intérieur. Je voudrais absorber sa douleur, quand bien même sa peine conjuguée à la mienne me mettrait sûrement à terre. Je préférerais.

Pour toute réponse, il couine, un son que j'ai du mal à supporter, et se colle un peu plus contre moi.

- J'aurai voulu la sauver.

J'aurai du la sauver. Mais j'ai échoué. Je sais qu'il pense la même chose que moi. Il s'en veut. Il en veut à Arman, de l'avoir perdue des yeux. A son frère, de l'avoir laissé se mettre entre lui et la lame. Je suis peut-être la seule dont le lien l'empêche d'en vouloir, et pourtant, il aurait raison. La vérité est qu'il n'y a qu'un seul coupable. Celui qui a brandit l'âme. Mais comme moi, il n'est pas encore prêt à l'accepter. Il est tellement plus facile de trouver des coupables proches de nous pour rejeter notre colère.

Il faudra des mois. Des années, avant qu'il ne parvienne à se remettre de cette perte, si toutefois il y parvient. J'ai peur. Peur qu'il ne parvienne pas à faire face à sa douleur, et que celui qu'il est se retrouve complètement annihilé par ses émotions.

C'est peut-être encore plus difficile de le voir ainsi quand on sait comment est Ramin au quotidien. Je crains qu'il ne sourit plus. Qu'il ne soit pas celui qu'il est vraiment. La douleur peut changer inexorablement des hommes. Je ne veux pas que cela lui arrive. Mais je suis incapable de dire comment il faut procéder pour lutter contre tout cela.

J'aurai tellement voulu que Mort ne l'appelle pas. Que Vie la retienne. Pourtant je sais que chaque décision qu'ils prennent à des conséquences que je ne peux pas mesurer. Je voudrais savoir pour quelles raisons ils ont jugés utiles de priver la Terre d'une si belle personne. Quelle cause plus grande peut initier un tel choix ?

Je ne suis sûrement pas objective. Je n'ai ni l'envie ni la force de l'être. Le fait qu'on m'ait laissé vivre moi et mon loup ne change rien à la rancœur que j'éprouve pour l'instigateur de tout ceci. Et celle-ci n'est qu'exacerbée par le chemin qu'il a tracé pour Tala.

La respiration de Ramin se calme, et je sais qu'il s'est endormi. J'en profite pour caresser son pelage, dans un geste presque maternelle. Le dessous de ses yeux est humide, signe de sa tristesse, et je dois retenir mes larmes, devant la peine de cet être que j'aime tant.

Il va avoir besoin de nous, de moi, pour ne pas sombrer. Et j'aimerais savoir comment faire, pour lui éviter de se détruire.

- Il n'y a qu'un seul moyen, à cela.

Je sursaute presque, avant de relever le visage. Mais personne n'est là. Pourtant, je connais cette voix. Et je n'ai aucun mal à la reconnaître.

- C'est l'amour qui le sauvera.

Je t'ai entendu, Amour. Je le sauverais grâce à toi.  

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Ramin va être à surveiller de près... Est-ce qu'il s'en remettra ? Il faudra suivre les aventures de la meute dans le tome 2 pour le découvrir.

La suite dans 2 semaines, le dimanche 23 janvier ! Car, comme pour Amour Sourd pour ceux qui le lisent, il ne reste qu'un seul chapitre et l'épilogue. Et je ne souhaite pas vous mettre les deux séparément. Ainsi le 23, vous découvrirez le dernier chapitre, et l'épilogue. J'espère que j'aurai un peu avancé sur le tome 2 pour ne pas faire de pause, mais à mon avis, il y aura une latence de 2 ou 3 semaines entre les deux, car pour l'instant, je n'ai pas commencé. Et les cours reprennent, alors le rythme d'écriture va ralentir malheureusement... 

A la semaine prochaine sur Amour Sourd pour certain, à dans 2 semaines pour les autres, 

Kiss :*

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