Chapitre 92
PDV Yuki
Boum. Boum. Boum.
Une rengaine qui me prend la tête. Elle résonne, dans mon esprit, dans mon corps tout entier. Mon crâne me fait un mal de chien, alors que j'ai la sensation de ne plus sentir mon corps.
Je ne me sens pas respirer, ni l'air parcourir ma tranchée.
Il n'y a que ce bruit assourdissant et cette noirceur dans laquelle je suis plongée.
Je voudrais que cela s'arrête. Ouvrir les yeux, et retrouver le silence.
Je voudrais comprendre. Pourquoi tout est noir, et que ma conscience semble être en dehors de mon corps.
J'essaye de me souvenir, mais rien. Rien d'autre que ce battement insupportable.
Je tente d'ouvrir les yeux, ou bien la bouche, pour respirer, mais je n'ai aucune conscience de mon propre corps. A l'exception de ce mal de crâne qui me compresse l'esprit, et brouille un peu plus mes pensées. Où je suis, qu'est-ce qu'il m'arrive, des questions auxquelles je ne parviens même pas à réfléchir aux réponses.
Une nouvelle fois. Boum. Boum. Boum. Un rythme régulier, qui me paraît naturel. Trop pour qu'il ne soit étranger. Et puis je saisis, cette musique horripilante qui se joue en moi. Les battements de mon cœur. En écoutant un peu plus, je saisis chaque goutte de mon sang qui glisse le long de mes veines. Je suis comme enfermée dans une boite où résonne tout ce qu'il se passe à l'intérieur de moi. Je voudrais pouvoir me boucher les oreilles.
Je sens mon esprit devenir fou devant la profusion de ces sons.
Et puis une vague d'électricité parcourt mon corps, tel un électrochoc. Les sensations me reviennent en masse, et je n'ai pas le temps de réagir que déjà, mes yeux sont grands ouverts, mes mains entourent mon cou, et ma bouche s'ouvre pour reprendre son souffle.
Pourtant, je n'ai aucune sensation d'avoir été en apnée pendant un long moment.
Les bruits horripilant de mon système interne se font plus discrets, et mon esprit retrouve le calme dont il a besoin pour réfléchir.
Mon premier réflexe devant l'étendue blanche qui remplace la précédente noirceur est de porter mes mains à mon visage. Je les vois. Je ne suis pas privée de ce sens, alors la couleur éclatante qui règne autour de moi doit avoir une explication.
Je serre les poings. Pas de colère, mais simplement pour sentir mes muscles se tendre. Je veux tout ressentir. Cela me raccroche à la réalité, et m'évite de me poser trop de questions. Je sais pertinemment que je n'en trouvais pas les réponses. Alors je me force à aller contre mon tempérament, et à les laisser venir à moi.
Mes ongles s'impriment dans mes paumes et la légère douleur que procure ce contact me rassure. Je ressens, autant que je vois.
- Te souviens-tu ?
Il se tient devant moi, droit comme un I. Une prestance que je n'ai jusqu'à lors jamais aperçue se dégage de lui. Sa voix est douce, presque trop, presque irréelle. Trop belle pour être vraie. Comme son enveloppe charnelle. De long cheveux blonds, ondulés jusqu'au bas de son dos, des traits fins sans pour autant fragiliser sa silhouette. Une robe aussi blanche que l'espace qui nous entoure. J'y distingue à présent des murs, un sol et un plafond. Une pièce sans rien d'autre qu'une étendue de cette couleur pure.
- Pourquoi es-tu là.
Ce n'est pas une question, seulement la continuité de sa phrase. Est-ce que je me souviens, pourquoi je suis ici ?
Non. Pas plus que je ne sais qui il est. Mais il n'est pas humain. Il est trop grand, trop beau, trop parfait. Comme un mythe. Pas un vampire. Pas un loup. C'est autre chose.
Il dégage un tel pouvoir, et pourtant, rien ne me force à plier l'échine. C'est comme être enveloppée dans une chaleur protectrice.
Un mot me revient. Un loup. Ce n'est pas un loup.
Lui n'en est pas un.
Mais je connais des loups.
J'oublie cet individu en face de moi. J'oublie mes instincts de soldat qui devraient me forcer à rester sur mes gardes. Je me laisse emporter dans mes pensées. Dans mes souvenirs.
Des loups.
Un meute.
Ma meute. Mes loups.
Leurs noms s'inscrivent en moi. Leurs visages. Je me sens submergée. Le poids de nos souvenirs s'abat sur moi. Notre rencontre, dans cette grotte. Notre arrivée, chez eux. Nos premiers échanges, nos premiers contacts. Jeiran, Emna, Arman. Nos premiers rapprochements, Tala, Ramin, Nader. Nos premiers sentiments. Cyrus.
Son prénom s'imprime dans mon esprit et se grave sur mon cœur. S'en est douloureux. Moins que l'image de ma louve étendue au sol. Moins que celle de mon loup se mourant devant moi.
Je baisse le visage et passe les mains sur mon torse. Rien. Pas de blessures, pas de sang, pas de douleur. Pourtant mon cœur saigne. Parce que je ne peux pas avoir rêvé. Parce que je sais au fond de moi que tout est vraiment arrivé.
- Tu te souviens.
Une autre affirmation, et cette voix si particulière et presque envoûtante qui ramène mon attention sur cet homme. Sur cette créature, puisqu'il ne s'agit définitivement pas d'un homme.
- Je suis morte ?
J'ai presque du mal à parler. Ma langue est sèche, et mes émotions encore embrouillées. Y faire face pour tenter de saisir ce qu'il se passe n'est pas chose aisée. Pourtant, elles s'effacent bien plus vite que je ne l'aurai pensé. La peine et la douleur se rangent dans un coin de mon esprit, vite remplacées par une sensation de tranquillité. Je ne parviens pas à la comprendre. Ou peut-être que si. Peut-être qu'au fond, j'ai simplement déjà accepté avoir perdu.
- Pas pour l'instant. Mais tu n'es pas vraiment vivante non plus.
Une phrase qui n'a pourtant aucun sens, à mes yeux. Comment pourrait-on n'être ni mort ni vivant ? La traditionnelle légende humaine des morts vivants est ce que son titre indique : une légende.
- Qu'êtes-vous ?
Je devrais être sur mes gardes. Prête à me défendre contre cet individu que je n'ai jamais vu et dont la puissance ne peut qu'être une menace. Pourtant, je me sens détachée face à tout ça. Comme si plus rien n'avait d'importance.
Un sourire s'affiche sur ses traits, et le tableau ne paraît que plus irréel, encore. Pourtant, cette même impression de bienveillance se dégage.
- Tu es bien plus calme que tes prédécesseurs.
Il y aurait tant de sens à donner à cette phrase. Il pourrait être celui qui garde la porte de cette entre-deux, entre la vie et la mort. Celui qui pèse les âmes. Mais tandis qu'il se tient là, devant moi, je sais qu'il est autre chose.
Et son nom s'imprime dans mon esprit aussi facilement que si j'avais toujours su qui il était. Amour.
Il sourit simplement. Comme si il connaissait mes pensées, et qu'il savait que j'ai compris. Peut-être est-ce le cas, après tout.
- Nous sommes là où tout se joue. La dernière manche.
- Un décor très cliché, digne d'un film de science-fiction.
- Je te l'accorde. J'ai eu autre chose à faire que de la déco, ces derniers millénaires. Comme vous maintenir en vie.
J'ai envie de rire, mais pas de bon cœur.
- Je n'ai pas l'impression que cela ait été une réussite jusqu'ici.
- Pourtant tu es là.
- Justement parce que je suis là.
Il lève une main et lance un regard sur le côté comme pour m'accorder le point. Le silence règne dans la pièce, et j'ai l'impression qu'il ne compte pas le briser. Il me laisse m'en occuper. J'aurais des milliers de question à lui poser. Sur Cyrus, sur mes loups, sur ce qui se passe exactement, ce qu'il va se produire, ensuite. Je devrais vouloir partir au plus vite.
Pourtant, la seule chose que je veux, maintenant, c'est comprendre.
- Pourquoi ?
Je n'ai rien besoin de dire de plus. Je sais qu'il comprend exactement ce que j'attends de lui.
- Parce que j'ai vu en vos âmes que vous deviez être ensemble. Alors que mon comparse refuse de le voir.
- C'est simplement une question d'égo, donc. Qui cédera en premier à l'autre.
- Je comprends tes pensées. Mais tu dois voir plus loin que ta propre réalité. Amour, Destin, Nature, Vie et Mort. Cinq entités pour régir un monde entier. Nos choix impactent des milliers de vies, même le plus petits d'entre eux. Aller contre notre instinct, c'était risquer de provoquer des dégâts que nous ne pourrions imaginer.
- Bahram n'avait évoqué que vous et le Destin.
- Au fil des années, la magie, les légendes et les origines de ce monde se perdent ou se transforment. La mémoire n'est pas figée dans le marbre.
Je ne cherche pas à le contredire. Le fait d'apprendre qu'ils sont cinq ne change pas grand-chose à la problématique. Quoi que cela la rend plus incompréhensible encore.
- Et personne n'a su trancher ? Alors vous avez joué pendant des années avec nos âmes, à nous réincarner, encore et encore, pour mieux nous tuer ?
Il pousse un soupir, et je sens qu'au fond, rien n'est aussi simple que je ne pourrais l'imaginer. Mais comment parvenir à l'accepter, quand il s'agit de sa propre vie qui s'en retrouve malmenée ?
Quelle possibilité subsite-t-il si les entités régissant le monde ne parviennent à s'accorder.
- Nature s'est retranchée depuis des années. Vie m'a soutenu, quand Mort ne s'en est pas vraiment soucié. Il est un peu espiègle, pour tout dire. Voir Destin s'agacer l'a beaucoup amusé, toutes ces années. Et il n'est pas du genre à s'impliquer sans rien y gagner. Tout cela peut te paraître futile, mais notre réalité n'est pas la votre, alors ne juge pas nos actions, quand tu ne peux pas saisir nos responsabilités.
Je reste persuadé que vous devez vivre. Que vos âmes ne sont pas connectées d'un telle manière pour rien. Destin est peut-être moins rêveur que moi. Il pèse les risques. Et vous représentez un risque, pour lui.
- Les risques ne sont-ils pas la base de toute décision ? Parfois, on peut les éviter.
- Et parfois non. C'est sa façon de résonner. Vous êtes un risque qu'il n'arrive pas à se résoudre à prendre. A cause de moi, en partie.
Je me pince l'arrête d'un nez un instant, tentant de rassembler tous les morceaux d'informations qu'il a pu me donner.
C'est cette dernière phrase, qui me tilte.
- A cause de vous ?
Il me regarde un instant, semblant peser le pour et le contre. Alors il n'a jamais rien dit à mes autres réincarnations. Jamais l'origine même de ce qui nous impacte depuis des millénaires n'a été connu. Et pourtant cette fois-ci, il brise ce silence qu'il garde depuis tout ce temps.
A sa manière.
Il me tend sa main, et j'observe un instant ses doigts longilignes à la peau claire. Mais comme depuis mon éveil, rien en lui ne m'inspire de la défiance. Que risque-je de plus ? La mort ? C'est une fatalité que j'ai eu le temps d'accepter.
Alors je glisse ma main dans la sienne, et je n'ai pas le temps de savourer la douceur de cette peau inhumaine que je me retrouve transportée dans une scène que je n'aurais jamais imaginée.
Des monuments grandioses, une nature flamboyante, et des Hommes d'un autre temps. Je ne sais pas exactement où je me trouve, mais je comprends bien vite qu'il s'agit des souvenirs de l'Amour même, quand je l'aperçois un peu plus loin, vêtu différemment.
J'écoute ses explications d'une oreille, en parcourant la scène des yeux.
- Ce que tu vois ici est l'Anatolie, et les gens qui s'épanouissent devant toi appartiennent à la civilisation des Hittites. Pour compter comme les humains le font, nous sommes précisément en 1968 avant J.-C. A cette époque, nous vivions parmi eux. Aussi bien auprès des loups, que des vampires et des hommes. Nous étions complices avec toutes les créatures imaginées par Nature et Vie.
Il me montre du doigt deux grandes femmes, et je n'ai pas de difficulté à comprendre qu'il s'agit de ses « sœurs » entités magiques. Elles sont tout autant impressionnantes que lui. Il se dégage d'eux... une impression divine.
- Nous ne cachions pas notre nature, et l'harmonie n'en était pas pour autant remise en cause. Personne n'avait à cacher qui il était. Ce n'est que dans les siècles suivants que les espèces se sont divisées.
Il fait quelque pas et je le suis dans rien dire, posant mes yeux sur tout ce que je peux. Avoir un aperçu des temps anciens n'est pas une chose que j'aurai l'occasion de revivre. C'est déstabilisant. Mais merveilleux en même temps. J'en oublierais presque la raison de ma présence ici.
C'est quand mes yeux se posent sur un autre être divin que je me souviens de ma vie, et de ma fatalité. Causée par lui. Destin. Sans trop savoir pourquoi, je sais qu'il s'agit de lui. C'est comme si je l'avais toujours connu.
Mais pourtant, je me retrouve à froncer les sourcils, devant cette figure presque humaine qui tresse les cheveux d'une fillette. Il est trop bienveillant. Et je ne peux pas lui trouver cette qualité, quand je sais ce qu'il a fait de ma vie et de celles de toutes mes vies antérieures.
Pendant de longues minutes, j'analyse ses traits. Son sourire chaleureux, trop chaleureux, ce regard, qu'il porte sur la femme en face de lui. C'est la lueur dans ses yeux, qui me fait détourner le regard vers elle.
- C'est Mort ?
Il ne reste que Mort, et pourtant, la perspective qu'elle soit interprétée par une femme aussi belle et douce me perturbe. La raison me vient bien vite.
- Non. Non, Mort était plutôt du genre à se cacher pour nous jouer de mauvais tours. Je te l'ai dit, il est plutôt espiègle. Je crois qu'à ce moment là, il remplissait la chambre de Vie de sable.
J'aurais peut-être souri, dans une autre situation. Mais rien ne me donne particulièrement envie de rire. Je suis à demi-morte, je ne sais pas dans quel état sont mes loups, le Destin cherche à m'achever, et je découvre que l'une des entités qui régissent ce monde agit comme un adolescent farceur.
- Ça... ça c'est la raison pour laquelle Destin refuse que ton âme soit liée à un loup. A ce loup.
Le visage d'Amour se voile, et j'y lis une certaine tristesse. Il met un moment, avant de parler de nouveau. Suffisamment pour que je me demande si il va vraiment le faire ou si cette illusion va brusquement se briser.
- Sentiment. Elle était les sentiments. Et c'était...
Il n'a pas besoin de répondre. Je le fais à sa place. Je le lis dans le regard de celui qui fait de ma vie un cauchemar.
- Celle qu'il aimait.
Je capte du coin de l'œil son hochement de tête, et malgré moi, je m'avance vers cette « femme ». Dans ce souvenir vieux de plusieurs millénaires, je sens encore ce sentiment si particulier qui s'étend entre eux. Il est vivace, beau et puissant.
- Où est-elle ?
- Elle est morte.
- Vous pouvez mourir ?
- Difficilement. Mais ce n'est pas impossible.
- Vous aviez dit que c'était à cause de vous.
- C'est le cas. Sentiment est morte à cause de moi. Et c'est pour cela que Destin refuse que tu sois liée à Cyrus.
Je ne pose pas de question et le laisse m'emmener un peu plus. J'ai la sensation que tout va très vite s'éclairer.
Il se dirige en arrière dans la foule, et s'arrête devant une jeune femme, aux longs cheveux d'or, et aux yeux aussi rouges que les miens.
- Cette jeune vampire était courtisée par le chef d'une très grande famille de la citée. Mais cet homme cupide n'aurait su lui convenir. Malheureusement, notre présence parmi les hommes n'a jamais empêché les débordements, ni la noirceur d'âme de certains êtres vivants. J'ai trouvé son âme sœur en la personne d'un jeune loup, descendant d'une autre belle et puissante lignée. J'ai lié leurs âmes. Et j'ai sous-estimé à quel point l'égo d'un individu au cœur déjà sombre pouvait être grand.
Humain, vampire, loup. Une même tare à toutes espèces. Des monstres, il y en a partout.
- Il a déclenché la plus grande guerre que la cité n'avait jamais connu. Des milliers d'innocents massacrés. Il nous avait à tous échappé. Même à Destin. Tu ne trouveras mention nulle part de cette bataille. Et pourtant ce fut une nuit sanglante. Qui a scellée à jamais ton destin.
Le décor autour de nous devient flou, et en quelques secondes, la brume se dissipe pour laisser place à la nuit noire. Aux cris d'odeur. A l'odeur de sang et de la mort. J'ai déjà vu des batailles. Des guerres. Des hommes, femmes et enfants se faire massacrer. Et pourtant, je ne saurais dire pourquoi ce qui se passe sous mes yeux me dérange tant. C'est comme... si je voyais des êtres que j'ai toujours connu perdre la vie sous mes yeux.
Au milieu de tout cela, je la distingue. Sentiment. Les larmes ruisselantes sur son visage. Elle observe, impuissante, au milieu de ces êtres qui se déchirent. Derrière elle, Destin cherche à la tirer en arrière, à l'emmener loin de tout cela. Mais elle ne bouge pas d'un pouce. Fermement ancrée sur ses pieds, elle reste là.
- Sentiment n'a pas pu supporter de voir ces êtres vivants qu'elle aimait tant se détruire. Elle a voulu arrêter tout cela. En utilisant ses dons. Mais la quantité de magie dépensée a eu raison d'elle. Elle est morte. Parce que j'ai lié ces deux âmes.
D'un coup, tout redevient blanc. Je comprends qu'il m'épargne la vision de la mort de l'un de ses comparses.
- Quelques années plus tard, la vampire et le loup se sont réincarnés. Et je les ai lié de nouveau. Je ne pouvais pas laisser un tel lien s'éteindre. Destin ne l'a pas supporté. Peut-être qu'à tes yeux, et à ceux de tes proches, cela paraît comme si il n'avait pas supporté un affront. Mais ce n'est pas le cas. Il ne pouvait simplement pas envisager le risque que le même schéma se reproduise. Alors il a tout fait pour vous séparer. C'est à ce moment là que la guerre entre vos peuples a commencée. Et moi j'ai lutté des siècles durant pour vous lier. Ce n'est pas une histoire d'égo.
Non. Non, c'est une histoire d'amour. De tristesse. De cœur brisé. Je l'entends. Mais je ne veux pas le comprendre.
- Lui qui a perdu un être si cher, comment peut-il nous le faire vivre ? Il connaît cette douleur.
- Il a cessé de ressentir. Quand Sentiment s'en est allé, nous avons partagé ses responsabilités. La joie, la tristesse, la peur, nous avons tout géré. Lui n'a pas pu. Il s'est coupé de tout cela. Il a considéré que ressentir des choses pour les êtres peuplant la Terre n'était qu'un risque que nous ne devions plus prendre. Votre douleur ne lui importe pas. Car la sienne a tout annihilé en lui si ce n'est son sens du devoir.
- Pourquoi poursuivre dans cette voie si vous savez qu'il ne flanchera pas ?
Le silence me répond. Et son visage me laisse comprendre ce que je n'avais pas relevé. Il a dit que c'était la dernière manche. Il en a assez de se battre. Assez de jouer encore et encore la même partie.
- Vous n'allez pas nous réincarner.
Je n'attends pas de réponse. Pourtant, il le fait. Il confirme ce dont j'étais persuadée devant cette mine fermée.
- C'est votre dernière vie. Si vous ne gagnez pas, elle s'achève ici.
- Cela signifie que Cyrus est toujours en vie.
Je voudrais m'en réjouir. Mais plus aucun sentiment ne semble m'atteindre, tandis que je me trouve dans cet endroit. Parce que je ne parviens pas à faire naître l'espoir que nous allons nous en sortir. J'ai déjà admis avoir perdu, quand ces barres ont traversé nos corps. Je ne suis pas prête à espérer le contraire pour au final ne plus jamais ouvrir les yeux.
- Autant que tu ne l'es. Pas vivant, pas mort non plus. En attente de la fin de ce dernier tour.
- Comment se termine ce tour ?
- Tu dois le convaincre de vous laisser vivre. Mort et Vie lui réclament vos âmes. A toi de faire pencher la balance.
- Pourquoi n'a-t-il pas déjà choisi la mort ?
Pour un être qui essaie de nos éliminer depuis des siècles, je trouve que ce temps d'attente est légèrement sadique.
- Il me semble que l'avenir qu'il entrevoit n'est pas des plus aisés.
J'aimerais comprendre ce qu'il sous-entend. Je ne peux qu'envisager l'hypothèse d'une menace qui nécessite que nous restions en vie pour y faire face.
- Tes pensées ne sont pas mauvaises. Mais il n'est plus le temps des questions à présent. Parle, petite vampire. Il t'écoute. Sauve ton âme et celle de ton loup.
- Je ne souhaite pas mourir. Mais je supplierais pas pour ma vie.
- Ni pour la sienne ?
Cette voix rauque venue de nulle part ne me déstabilise pas pour autant. Je voudrais qu'il soit en face de moi. Que je puisse lui dire tout ce que j'ai sur le cœur et voir les formes que prennent les traits de son visage. Mais je m'en contenterais.
- A quoi bon vivre dans un monde que vous ravagez de guerres et d'horreurs ?
- Je ne crée pas les guerres. Je propose des chemins.
- Vous laissez la possibilité de s'enfoncer dans des sentiers qui conduisent à la mort et la désolation de centaines voir de milliers de personnes. Ce n'est bien différent.
Le silence plane. Pendant un moment, je me dis que c'est terminé. Qu'il est parti, qu'il a définitivement choisi la mort. Pourtant, sa voix tonne de nouveau.
- Si je te laissais vivre, que ferais-tu ?
La réponse me vient sans que je n'ai besoin d'y réfléchir. Je sais exactement ce que je ferais.
- Ce que j'ai toujours fait. Réparer vos erreurs.
A quoi bon tenter de le ménager ? Qu'ai-je à perdre ? Je suis déjà presque morte. Mentir n'aurait aucun sens. Destin ne me répond pas. C'est Amour, qui scelle mon sort. Il plonge son regard dans le mien, sans que je ne puisse y déceler quoi que ce soit.
- Ferme les yeux. Quand tu les ouvriras, tu sauras qui de Vie ou de Mort t'accueillera.
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Le prochain chapitre sortira le dimanche 2 janvier. J'espère que ces vacances, bien que chargées avec les fêtes, vont me permettre d'avancer sur l'écriture du tome 2, mais aussi sur celui de Amour Sourd. Sans compter l'édition de JS...
Pour ceux qui suivent mes anciennes histoires, vous le savez, il se trouve que JS, son tome 2 et Lumen devaient être édités. Finalement, Royal éditions ferme ses portes à peine un mois après la signature du contrat... Jigoku School a cependant su rebondir très vite, et je vous en dirai plus bientôt sur l'histoire en question. J'attends encore de bonnes nouvelles pour Lumen. Cette mésaventure me prend également du temps, ce qui ne me permet pas d'avancer autant que prévu. Je ne sais pas encore si je remettrais en ligne les chapitres de Lumen. Je vais voir.
Je vous souhaite de bonnes vacances, et de bonnes fêtes !
Kiss :*
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