Chapitre 8

PDV Yuki

Putain, comme j'ai galéré à rentrer chez moi ! Je suis tellement heureuse quand je vois la façade de cette maison, et ça m'arrive rarement. J'ai pourtant l'habitude des tortures, et de longues absences, mais il y avait quelque chose de différent cette fois. Il n'y avait aucun but politique dans leur façon de faire. Juste un attrait pour la destruction et la souffrance des autres.

Je veux savoir qui sont ses types. Les loups les traquaient. Et je doute que ce soit parce qu'ils retenaient des membres de leur espèce. Non, il y a autre chose, autre chose qui me fait penser que ces types ne sont pas n'importe qui. Et mon instinct de chasseuse me pousse à vouloir en savoir plus, à vouloir m'occuper d'eux. Mon esprit a placé une cible sur leurs visages, et il est hors de question que j'abandonne ma proie. Même au profit des loups. Beaucoup sont morts, mais ils en détiennent encore un, qui m'intéresse beaucoup. 

Je passe la grande porte et j'entends vite les talons de ma mère résonner. Je râle intérieurement, et quand elle arrive, elle commence à me faire un sermon. Avant de la fermer quand elle voit mon état. Je remercie les dieux pour ce silence d'un court instant. Malheureusement, sa voix criarde ne tarde pas à reprendre possession de mes oreilles. Qui sont déjà en sang, dû à quelques expériences de mes kidnappeurs. Ça fait mal, mais ça guérit, enfin, ça irait sûrement plus vite si ma génitrice la fermait.

- Tu pars des jours pour revenir dans un état pareil ?! Tu ne peux pas être un peu une femme et arrêter de faire honte à ta famille ?

- Niveau honte, je pense que tu me bats largement.

Son visage rougit et je suis ravie de l'avoir énervée. J'ai passé une mauvaise semaine, alors l'agacer, c'est une peu une bouffée d'air frais. J'adore voir son visage changer de couleur, et entendre ses simulacres de menaces qui me font plus rire qu'autre chose.

- Bon tu m'excuseras, j'ai des choses plus importantes à faire que de discuter avec toi.

- Tu ne vas nul part !

Elle attrape mon bras et je grimace, quand ses ongles s'enfoncent dans une plaie encore ouverte. Ah, décidément, j'adore ma mère ! Elle me lâche et croise les bras devant ma moue de douleur.

- Tu vois, tu n'as qu'à arrêter de jouer à l'homme.

Au loin, la voix et les pas de mon père résonne, faisant taire la femme en face de moi.

- Et toi tu devrais arrêter le sexisme. Ma fille n'a rien à envier aux hommes.

Et oui, mon père est le meilleur homme qui soit sur terre. Il ne me considérera jamais comme faible, pour la simple et bonne raison que pour lui, la faiblesse et la force n'ont rien à voir avec un sexe. Et ma mère fait partie de ces femmes qui font régresser le combat pour l'égalité. Comment voulez-vous qu'on avance avec des personnes comme elle ?

C'est encore un point pour lequel je me demande bien comment ils peuvent être ensemble. Ils n'ont rien en commun, rien.

Il débarque par la grande ouverture qui donne sur le salon avant de froncer les sourcils, observant mes blessures. Pour que je sois encore dans cet état, il ne faut pas être devin pour savoir que ce n'est pas une simple bagarre. Encore moins quand j'ai disparu pendant tant de jours.

- Mayu ! Ramenez un anti-douleur puissant dans mon bureau s'il-vous-plaît !

C'est sûrement la seule chose dont j'ai besoin. Les plaies vont guérir seules, mais la douleur va rester un bon moment. Un cachet d'aspirine, j'en rêve.

- Suis-moi Yuki.

Il avance de quelques pas avant que ma mère la ramène encore. Cette femme ne se tait donc jamais ? Je sais bien que non, mais pourtant, j'ai encore cet infime espoir qu'elle la ferme, de temps en temps. Ou bien que malencontreusement, on lui coupe les cordes vocales. Un malheureux accident évidement. 

- Nous discutions.

- Je n'appellerais pas ça une discussion.

Elle me lance un regard noir et mon père la renvoie bouler. Ah, comme j'aime quand il fait ça.

- Tais-toi et va t'occuper plus loin, tu me donnes mal à la tête.

Il s'avance sans se préoccuper de ses protestations et je le suis, avec un sourire aux lèvres. Nous arrivons vite dans son bureau et loin de l'austérité des fauteuils en face à face, nous nous installons dans les canapés moelleux un peu plus loin.

- Sur qui es-tu tombée ?

Je me blottis sous le plaid chaud qu'il me tend, même si la surface douce tiraille ma peau si abîmée.

- Des rebelles humains. Forts, bien organisés, particulièrement agressifs. Pas de simples opposants à Union.

Je le vois froncer les sourcils, comme si il comprenait très bien de qui je parlais. Il semble en savoir plus que moi, et j'espère bien qu'il compte me donner toutes les informations qu'il possède. Mayu frappe à la porte au même moment, et s'avance vers nous un plateau à la main.

A côté du médicament tant attendu, se présente un grand verre d'eau, une tasse de chocolat chaud, et plusieurs gaufres fumantes dans une assiette. Mon estomac se manifeste à leur simple odeur. Je remercie cette femme si parfaite et attentive, et me jette autant sur le cachet que sur les douceurs, tirant un rire à mon père.

- Ne t'étouffe pas non plus.

- 7 jours sans les gaufres de Mayu, c'est un enfer.

La vieille femme me dépose un baiser sur le front avant de nous laisser seuls.

- Tu connais ces hommes ?

- Peut-être. Dis m'en plus.

J'attrape la tasse de chocolat chaud et m'enfonce dans le fauteuil.

- Et bien, ils étaient 6. Sûrement des anciens soldats, ou mercenaires. Bien rodés, ils avaient avec eux tout ce qu'il fallait pour avoir des vampires. Ils m'ont eu avec une dose d'acier pendant que je protégeais un gamin qu'ils voulaient prendre. Ils étaient basés dans une sorte de grotte. Plusieurs otages, humains et loups. J'étais la seule vampire, isolée des autres. Ils avaient dû comprendre vu ma résistance que je n'étais pas n'importe qui. Tortures pendant plusieurs jours.

Mon père pince les lèvres. Je sais que si il était face à ses hommes, il les prendrait dans une tempête de neige avant de briser leurs membres gelés un à un. De cette façon, il ressentirait la douleur monter alors qu'ils décongèleraient. Un sadique ? Oui, mais un père surtout. Il m'a laissé devenir une guerrière, mais ce n'est pas pour autant qu'il apprécie qu'on me fasse du mal.

- Un point commun entre les otages ?

- Le fait qu'ils ne soient personne. Ils ne prenaient des otages que pour le plaisir de torturer, en sachant très bien qu'ils n'auraient aucunes infos à leurs donner. Des psychopathes.

Mon père tente d'attraper un bout de gaufre mais je lui tape sur la main.

- Pas touche, c'est les miennes.

Il me sourit avant de se décider à parler de ce qu'il sait.

- Ce sont les Sancoeurs. Un groupe de rebelles particulièrement violent. Plusieurs de leurs unités ont été débusquées, mais la plus importante subsiste. Il semble que tu sois tombée sur un des sous-groupes de cette unité.

Ah, alors il y en a d'autres de ces merdes ? Mais comme c'est parfait.

- Comment t'es-tu échappée ?

Je pousse un grognement. Le dire ne m'enchante pas.

- On m'en a sorti.

Mon père vient bien que je tarde à lui dire de qui il s'agit, et je crois que cela l'amuse plus qu'autre chose. Au fond, il a très bien compris.

- Les loups en mission hein ?

- Pourquoi tu le demandes si tu le sais.

- Parce que tu as un égo formidable, ce qui rend les choses hilarantes.

- Je le tiens de toi.

Il rit et je lui souris. J'aime mes échanges avec mon père.

Il redevient ensuite sérieux.

- Les loups sont chargés de s'occuper de la dernière unité. Mais je viens d'avoir les membres du conseil. Nous organisons une réunion pour en parler. La meilleure faction de loups a débusqué ce groupuscule, mais depuis le temps qu'ils nous résiste à tous, il est temps de changer de stratégie.

Il ne semble pas décidé à m'en dire plus sur cette stratégie, et je ne l'interroge pas. Ce que décide le Conseil d'Union ne regarde qu'eux, peu importe que je sois la fille de l'un d'eux.

- Tu vas venir avec moi.

Je relève rapidement la tête de mon assiette pour le regarde avec de grands yeux. Mon identité est une affaire de sécurité nationale -ou vampirique plutôt- et il envisage de me présenter au Conseil ? Il y a quelque chose qui cloche.

- Moi ?

Il secoue la tête.

- Non, pas toi. Shadow. Je veux mon meilleur soldat avec moi.

Je comprends tout de suite mieux. Mais un élément me trouble encore.

- Tu veux que le visage de Shadow soit révélé aux membres du Conseil ?

Il secoue une nouvelle fois la tête.

- Non. Pour l'instant, tu le couvres. Nous aviserons après.

Je hoche la tête et me mets soudainement à rêver d'une douche, et d'un bon lit. Je crois que mon père comprend que je viens de me déconnecter de la situation, car il décide qu'il est temps de s'arrêter là. Avant que je ne passe la porte, il m'annonce tout de même une dernière chose.

- Oh, Yuki. Quelqu'un t'attend dans ta chambre.

Je dévale les escaliers à toute vitesse, quasiment certaine de qui je vais trouver derrière la porte. Quand je l'ouvre, je cours et saute dans les bras de cette personne, me fichant bien de la douleur. Son rire et le mien emplissent l'espace, et là, je me sens parfaitement bien.

Je m'écarte un peu et regarde Maï. j'analyse son corps pour vérifier que tout vas bien, alors qu'elle rit.

- Que veux-tu qu'il me soit arrivé pendant un congrès scientifique ?

- On ne sait jamais.

Maï est une des rares personnes auxquelles je suis attachée. Je crois qu'à part mon père et Mayu, je ne mets personne d'autres dans cette catégorie. Cette jeune vampire, de 40 ans ma cadette, est ma sœur. Ou presque.

L'histoire remonte à 1703, au Japon. Nous vivions encore là-bas. J'avais une centaine d'année seulement, quand un tremblement de terre a ravagé la région du Kanto. On déplore 150000 morts.

Après cette catastrophe, alors que nous découvrions l'état des rues, j'ai entendu des pleurs d'enfant. J'ai cherché leur source, et j'ai trouvé Maï, qui avait à peine 60 ans à l'époque.

Ces chiffres peuvent paraître énorme, mais vu notre chronologie, nous avions au final respectivement 5 et 3 ans.

Ses parents s'étaient fait embrocher lors du tremblement. Un coup du sort, quand on sait le peu de choses qui peuvent tuer des vampires. Mais tous deux avaient reçu un pied de table en bois dans le coeur. 

Au milieu des décombres, Maï pleurait toutes les larmes de son petit corps. Elle était bien amochée, toute sale et seule. A l'instant même où j'ai croisé ses petits yeux rouges, comme les miens, j'ai ressenti un lien contre nous.

J'ai supplié mon père des yeux et il a accepté de la prendre avec nous. Elle a grandi à mes côtés, élevée comme ma sœur. Et c'est ce qu'elle est pour moi. Et mon père la considère comme une deuxième fille, bien que leur relation ne puisse pas être comparée à la notre.

Contrairement à moi, ma sœur n'est pas une guerrière. C'est un cerveau, comme on dit. Alors que je passe ma vie à me battre et partir en mission, elle étudie. La médecine, la science, la stratégie, la chimie, l'histoire. Tous les domaines sont un terrain de jeu pour elle. Si bien qu'avec le temps, elle est devenu le bras droit de Shadow. L'ombre de l'ombre, en quelque sorte. Comme moi, son visage reste un mystère pour tous. Seul son nom la précède. « Tensai ». Le génie.

Un peu prétentieux, mais tout à fait adapté. Elle ne va pas sur le terrain, mais m'aide à distance. Ensemble, nous sommes redoutables.

Je regarde ma sœur et pense à quel point je suis ravie de la retrouver. Voilà plusieurs semaines qu'elle s'est absentée pour un congrès à l'autre bout d'Union, et je n'étais pas rassurée de la savoir seule. Au final, j'aurai peut-être dû m'inquiéter un peu plus pour moi.

Elle me détaille aussi et souffle, avant de m'envoyer à la douche. Je sais qu'elle attend que j'en sorte pour me demander un rapport complet, ce que je lui livre quand nous nous installons dans mon lit.

- Il va bien ce petit garçon au moins ?

- J'espère.

- Je vais me renseigner.

Je la serre contre moi et la remercie, et je crois qu'elle me parle encore. Mais épuisée, je laisse mes yeux se fermer, et je rentre dans un sommeil réparateur. J'en ai bien besoin, pour redevenir Shadow, dès demain.  

------------------------------------------------------

Vous voyez les choses venir ? 

A mercredi, donc à Noël (Youpi !)

Kiss :*

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top