Chapitre 7
PDV Cyrus
Il manquait quelqu'un. Il manquait cette femme, qui avait sauvé ce petit garçon. Celle qui a enduré bon nombre de torture pendant que nous attendions à l'extérieur de cette grotte. Je regardais toutes les personnes que nous avions sorti de ces cachots. J'étais certain qu'elle ne s'y trouvait pas. Ils n'avaient pas suffisamment de hargne sur leurs visages pour endurer tout cela. Mais où était-elle ?
Pendant que mes loups s'occupaient de ligoter celui qui semblait être le chef de ce petit groupe, je retournais à l'intérieur. Rien. Il n'y avait que des corps sans vie, depuis bien trop longtemps pour qu'elle ne se trouve parmi eux. Alors j'ai avancé, un peu plus loin chaque fois. Et alors que je pensais avoir tout vu, un repli dans la roche a attiré mon attention. Un passage bien dissimulé, que nous n'avions pas trouvé. Je m'avançais dans un nouveau couloir, totalement vide.
Et je l'entendis. Une respiration, faible, mais bien présente. Encore quelques pas, et je me trouvais devant elle. Difficile de décrire ce qui me traversa à ce moment là. Elle était dans un état pitoyable. Une jambe ouverte, des os brisés, sûrement plus de chair apparente que de peau encore intacte. Et pourtant elle était consciente. Elle me fixait, sans rien dire. Il n'y avait aucune expression de douleur sur son visage. Aucune expression du tout d'ailleurs. Je ne saurai dire si elle était surprise, heureuse ou non.
Des yeux rouges sang sans expression se plantèrent dans les miens après qu'elle ne m'ait parcouru rapidement. Elle était aussi consciente de ma nature que moi de la sienne.
Et c'est sûrement à cause de cette nature, que je ne savais pas comment réagir. Je me doutais bien qu'elle n'était pas humaine, en entendant sa résistance, mais je dois avouer que j'ai espéré trouver une louve. Surpris, amère, et soulagé. C'est tout ce qui me traversa à ce moment là. Surpris de la trouver alors que je n'y croyais pas, soulagé d'avoir enfin devant les yeux celle qui s'est donnée pour un enfant, amère qu'elle soit de l'espèce que je dois détester.
Alors j'ai hésité. La laisser là ? Depuis des siècles, nous nous haïssons. Si elle m'avait trouvé là, enfermé, elle m'aurait laissé dans cette cellule. Et puis dans un sens, elle finira bien par guérir, et par s'enfuir. Alors devrais-je la laisser ici, ligotée, alors qu'elle vient de subir des heures, des jours de torture ? Quelques heures avant, j'ai ordonné à mes loups de sauver les vampires si ils en avaient la possibilité. Ne devrais-je pas faire de même ?
Elle ne me demanda pas d'aide. Elle n'en voulait probablement pas. Je suppose qu'elle a pensé, à juste titre, que j'allais la laisser ici. Mais c'est cette fierté, ce regard si puissant alors qu'elle était si mal en point qui m'a fait tirer sur la grille qui l'enfermait. Je me suis avancé doucement, hésitant encore. Mes doigts ont défait ses chaînes, pour laisser apparaître des poignets et des chevilles brûlées par l'acier.
Aucun son n'est sorti de sa bouche, elle s'est contentée de m'observer, sans rien dire, mais je savais qu'au fond d'elle, elle était surprise. Je l'étais tout autant, sans rien laisser paraître.
Une fois ses liens défaits, je me suis écarté, m'attendant à ce qu'elle me suive. Mais elle n'en a rien fait. Évidemment, elle était bien trop amochée pour faire un pas. Alors sans que je ne le contrôle, je me suis approché d'elle. Elle a semblé se demander ce que j'allais faire, et je suis sûr qu'elle ne s'attendait pas à ce que je la soulève dans mes bras. Il faut dire que je ne m'y attendais pas non plus, alors que quelques secondes avant, j'hésitais à la laisser dans cette cellule, attachée et complètement amochée.
Elle était légère, mais je n'avais aucun doute sur la présence de muscles bien développés. Son sang est venu tâcher mes vêtements. De toute façon, ils étaient foutu. Elle a enfin arrêté de me regarder et s'est concentrée sur ce qu'elle voyais autour d'elle. Elle a eu l'air de découvrir l'environnement dans lequel elle a pourtant passé plusieurs jours.
Quand nous sommes arrivé à la surface, je l'ai installée auprès des otages précédemment libérés. Son corps se détendit dès l'instant où les rayons de la lune lurent atteint. Elle les a observé, avant de porter son regard sur le Sancoeur que nous avons capturé. Je me suis demandé ce qui lui passait par la tête à ce moment là, avant que mes loups ne râlent.
- Pourquoi tu l'as sauvé ! Tu as vu ses yeux ?
J'ai regardé Emna, avant de lui répondre.
- Je vous ai donné des ordres. Sauvez les vampires si cela ne vous met pas en danger. Il n'y a aucun danger ici.
- Et qui te dit qu'elle ne va pas nous attaquer hein ?
La stupidité de Ramin a cet instant me fatigua.
- Dans son état ? Tais-toi donc.
Tous deux, accompagnés de Jeiran, continuèrent à protester. J'arrêtais d'écouter ces idiots pour tourner la tête vers la vampire. Son état est tout de même particulier, comparé aux autres. Elle a dû résister. Que sait-elle qu'elle n'a pas voulu révéler au point d'endurer tout cela ?
Elle me regarda aussi, et avant même qu'elle ne bouge, j'avais compris ce qu'elle allait faire. Elle a détourné la tête et a détalé. Si je n'étais pas surpris qu'elle parte, je l'étais qu'elle puisse le faire aussi rapidement. Vu son état, il aurait dû lui falloir plus longtemps pour se remettre.
- Putain, et voilà !
- Rattrapons là !
Depuis qu'elle avait mis les voiles, les trois idiots ne faisaient que râler. Moi, je me contente de les ignorer, et ça ne leur plaît pas. Ce moment où je l'ai trouvé dans la grotte tourne en boucle dans ma tête. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis intrigué. Pourquoi l'ont-ils autant torturé ? Pourquoi l'avoir laissé en vie ? Que savait-elle ?
Mais une autre question me vient aussi. Qui est-elle ? Vu sa rapidité de guérison, elle est puissante. Très puissante. Elle n'aurait pas dû être en mesure de bouger si vite. La puissance se caractérise par l'appartenance à une grande famille, une famille noble. Qu'est-ce qu'une fille de son rang foutait dans une forêt ? Depuis quand on leur apprend à résister à la douleur de cette façon ?
Bien des interrogations me viennent, mais les idiots qui m'accompagnent m'empêchent de réfléchir.
- Mais qu'est-ce que ça peut bien vous faire qu'elle soit partie ? Vous vouliez la garder avec vous peut-être ?
Ils se turent, bien conscient de l'absurdité de leurs propos. Ils ne voulaient même pas la sauver, alors ils devraient plutôt être content qu'elle ne soit plus là. Ils aiment seulement râler, alors tous les prétextes sont bons. Cette bande d'emmerdeurs.
- On la sauve et c'est comme ça qu'elle nous remercie !
Ma main vient claquer l'arrière du crâne de Jeiran.
- On ? Si ça ne tenait qu'à vous, vous auriez désobéi et laissée dans son cachot, alors arrête ton cirque.
Pendant que je me rapproche d'Arman, qui rit sous cape, Jeiran continue de pester à voix basse.
Je pointe alors du doigt l'homme que nous avons attrapé.
- On le ramène à la base. Pour les loups, on les emmène aussi. Les humains vont être déposé dans le village avec médecin le plus proche.
Il hoche la tête et attrape la corde qui retiens notre prisonnier, pour le traîner derrière lui.
L'expédition de retour se mit en route, bien plus longue sous forme humaine, avec autant de blessé dans les rangs.
Heureusement, nous finissons par arriver à destination, et pour une fois, je laisse Arman gérer la suite. L'avantage d'avoir un bras droit, c'est de pouvoir lui reléguer le boulot, de temps de temps. Moi, je file sous la douche, laissant tomber mes fringues pleines de sang à présent sec. J'ai passé tout le voyage à imaginer des yeux rouges, et je crois que j'ai besoin d'une bonne douche froide pour me remettre les idées en place.
Mais bordel même ça, ça ne fait pas effet. Je n'arrive pas à penser à autre chose. Je déteste ne pas comprendre. Je déteste quand quelque chose m'échappe. Je veux savoir qui elle est. Pourquoi elle peut tant endurer, et pourquoi ils ont choisi de la garder en vie pendant 7 jours. Tant que je n'aurai pas les réponses que j'attends, je n'arriverais pas à me sortir cette vampire de la tête. Déjà que je déteste rester sur la même idée pendant longtemps, cela m'agace encore plus car cela concerne une fille de l'espèce adverse.
Je sors de la douche et après m'être habillé rapidement, je me dirige vers les pièces communes. J'hésite à faire demi-tour en voyant ma génitrice, poings sur les hanches, qui m'attend dans le salon.
- Cyrus !
- C'est moi.
- Maintenant que tu as fini de jouer aux soldats, tu vas pouvoir rencontrer Sheila !
- Et bien, justement, non !
Elle s'apprête à enchaîner, mais mon père entre dans la pièce.
- Fils. Bon travail. Malheureusement, comme je le craignais, vous n'avez attrapé qu'un sous-groupe. Nous travaillons au corps le prisonnier, mais il ne semble pas décidé à parler.
Je me doutais bien que nous n'avions pas éradiquer le problème en une seule offensive. Tant mieux, cela m'assure d'autres missions pour débusquer tous ces enfoirés.
- C'est un humain. Il parlera.
Il hoche la tête.
- Tout à fait. En attendant, j'ai besoin de toi. Tu vas m'accompagner à une réunion du Conseil.
Je fronce les sourcils. Jamais je n'ai rencontré les autres dirigeants. Jamais je n'ai assisté à la moindre réunion. Pourquoi un retournement tel de situation ?
- Une réunion ? A quel sujet ?
- Je t'expliquerais en chemin. Nous partons dans deux heures.
La voix criarde de ma mère intervient alors que j'acquiesce les propos de mon père.
- Et moi alors ?
Sans émotion dans le regard, mon père lui répond froidement avant de quitter la pièce.
- Toi tu n'es pas essentielle.
Comme mon père, je quitte la pièce, laissant ma mère seule. Il peut paraître rude. Mais au fond, pour un loup coincé avec une compagne qu'il n'aime pas, il reste tout à fait correct. Mes parents ne s'aiment pas, c'est indéniable, et mon père ne m'a jamais caché pourquoi. Il n'a jamais fait semblant de l'aimer devant moi. Pour lui l'honnêteté est un point essentiel.
Dans sa jeunesse, mon père aimait une femme. Profondément. Mais c'était une soumise. Son propre père, bien qu'attaché à son fils, ne voulait pas s'y résoudre. A l'époque, la société lupine s'organisait autour d'un conseil de « grands », et mon grand-père en faisait parti. L'un des grands a alors proposé ma mère, sa fille, comme épouse potentielle. Bien sur, mon géniteur a refusé. Mais la tradition voulait que si deux prétendantes étaient en course, qu'elles soient départagées par un duel. Ma mère est une dominante, elle était d'ailleurs la seule louve capable de supporter l'alpha de mon père. Alors elle n'a fait qu'une bouché de l'autre femme.
En plus de voir celle qui l'aimait mourir, mon père a été contraint d'épouser sa meurtrière. Autant vous dire qu'il n'a jamais réussi à ressentir la moindre chose pour ma mère.
Dès son accession au titre d'alpha suprême, il a fait mettre à bat la tradition du duel. Et est contre les mariages arrangés. Chacun est libre d'aimer qui il souhaite.
C'est aussi pour cela qu'il ne supporte pas la lubie de ma mère à vouloir me caser avec cette Sheila. En un sens, je suis reconnaissant à la vie de lui avoir donné un tel passif. Sans toute cette histoire, si il avait accepté sans mal de sortir avec ma mère dès le début, je n'aurai peut-être pas de mot à dire sur mon avenir maintenant.
Je ne veux pas me trouver une femme. Ma place est celle que j'occupe maintenant. Moi, mes loups, des missions. Pas de prise de tête, juste de l'action. La belle vie.
Ne pensez pas que je n'aime pas ma mère. Je l'aime oui, mais elle me prend la tête à longueur de journée. Nous étions plutôt proche, avant qu'elle ne se mette en tête dès mon adolescence que je devais me marier. Bien sûr, je n'ai jamais eu une relation aussi forte avec elle qu'avec mon père. Il est mon modèle. Il l'a toujours été et il le serra toujours. Mais elle reste ma mère.
Malgré tout, je n'arrive pas à m'émouvoir quand il la traite ainsi. Il faut dire qu'elle non plus, ne s'en trouve pas blessée. Cela lui fait juste mal à l'ego. Elle n'a jamais aimé mon père. Elle aime juste le titre qu'elle obtient grâce à lui. Même si je sais qu'elle est blessée de n'avoir jamais obtenu le titre de Luna. C'est un peu l'achèvement qu'elle n'aura jamais.
Mais bon, je me fiche un peu de ce qui se passe entre eux. Tant que j'ai l'appuie de mon père pour refuser ce mariage aberrant, je me fiche de tout à vrai dire.
Je compte bien continuer ma petite vie exactement comme je le fais maintenant. Même si j'ai deux putain de pupilles rouges qui hantent mon esprit.
Petite vampire, je me le jure. Je trouvais qui tu es.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top