Chapitre 69
PDV Yuki
Le sang pulse dans mes tempes. Mon dos me tire, mais les blessures ne sont que superficielles. Quelques coupures qui vont rapidement disparaître, et que je préfère mille fois endurer que d'avoir laissé Emna se faire exploser.
Je l'ai senti directement, cette atmosphère néfaste. Quelque chose n'allait pas, et il a suffit que mes yeux se posent sur les hommes qui apparaissaient à quelques mètres de moi pour comprendre. J'avais le choix. Les arrêter, ou bien attraper la louve avant qu'il ne soit trop tard. La question ne s'est même pas posée, dans mon esprit. Mon corps a bondit de lui-même, propulsant la jeune femme le plus loin possible de la porte. Nous nous sommes violemment écrasées au sol, avant que les débris ne se logent dans mon dos.
La douleur n'a durée qu'un instant, à peine dérangeante. Rien que je n'ai déjà enduré, rien à côté de ce que j'ai pu connaître.
Mon cerveau tournait à mille à l'heure. Quelque chose nous échappait, quoi qu'en vérité, nous pouvions dire que tout partait en vrille.
J'ai déjà été dans des situations bien pire que celles-ci. Mais je n'ai jamais eu d'autres vies en jeu que la mienne, et éventuellement celle de Maï lorsqu'elle était là. Cette fois-ci, il y avait bien plus d'âmes à protéger. Et j'ai eu beau savoir qu'ils n'étaient pas des louveteaux sans défense, je ne pouvais empêcher mon cœur de se serrer.
Mais j'ai compris que les choses allaient définitivement mal tourner quand j'ai entendu leurs cris. Son cri. De la peur, de la douleur. Jamais je n'ai entendu ma sœur hurler de cette façon. Et je ne parviens pas à accepter qu'elle puisse ressentir ces deux émotions. Tala non plus.
A peine un regard échangé avec Cyrus, et je m'élance. Comme tous les autres. Au diable les précautions, au diable les Sancœurs. Je me fous presque de les attraper, tandis que je me faufile entre les arbres. Je veux seulement qu'elles aillent bien. Pourtant, j'ai l'horrible sensation que ce ne sera pas le cas. Et je dois dire que cela me terrifie, comme jamais rien ne m'a fait ressentir cette émotion.
Je sens la détresse de Tala sur la toile. Elle affecte chacun de nous. Mais je n'ai pas besoin d'être liée à ma sœur pour ressentir la sienne. Je sais qu'elle est là, vivace. Si l'adrénaline ne me faisait pas avancer, je crois que je me serais effondrée, sous le poids de leurs sentiments conjugués.
J'aperçois le corps de Tala fermement retenu entre les bras de plusieurs de ces types. Ils sont grands, costaux, et nombreux. Comment aurait-elle pu s'en défaire ? Elle n'est pas faible. Mais elle n'a jamais été une guerrière. Et si la voir dans cette situation m'est insupportable, c'est le fait de ne pas trouver Maï qui me retourne l'estomac.
Je laisse les autres foncer pour la sortir de là, tandis que j'essaye de trouver ma sœur. Jeiran abat son poing sur l'un des types, tandis que Ramin, sous forme de loup, en attrape un autre à la gorge. Le sang colle contre sa fourrure, mais il ne perd pas de temps à en mordre un second.
Je bondis sur l'un de ceux qui tentent de fuir, et l'attrape à la gorge, le soulevant sans mal de terre, malgré sa carrure bien plus impressionnante que la mienne. Ces hommes ne sont pas habitués à avoir peur. Et pourtant, alors qu'il plonge son regard dans le mien que je sais devenu noir, j'y lis une expression de pure terreur. Est-ce dû à mes pupilles glacées, à ma main qui l'empêche de respirer, ou à la puissance qui exalte de mon corps ?
Peut-être est-ce un tout. Je ne suis pas en mesure d'en vouloir la réponse pour l'instant. C'est autre chose, que je veux.
- Où est-ce qu'elle est ?
Dangereuse. Voilà comment ressort ma voix. Pleine de promesse des plus affreuses tortures si il venait à me cacher la vérité. Il trésaille, tremble de tout son être sous ma force. Et pourtant il ne dit rien. Parce qu'il ne sait pas. Ni de qui je parle, ni d'où elle se trouve. Il n'essaie même pas de le feindre, pour sauver sa peau. Non pas que cela soit utile, puisque j'ai bien l'attention de l'abattre dans tous les cas. Mais il n'a même pas la présence d'esprit d'essayer.
Et je m'énerve encore plus des précieuses secondes que j'ai perdu à m'occuper de ce minable.
Mes doigts se resserrent, fort, bien trop fort pour un humain. Il n'a pas le temps de suffoquer que déjà ses vertèbres se brisent sous mes doigts. Son corps devient plus lourd qu'il ne l'était déjà, et je le laisse tomber sans le moindre remords. Je n'en ai pas pour les monstres.
Je sens une vague de froid parcourir mes membres. Ma magie monte, déborde, témoin de ma colère. Mais ce n'est pas le moment de la libérer. Mon esprit doit rester lucide. Il faut que je la trouve. Il faut qu'elle aille bien, et surtout, que je détruise les connards qui s'en prennent à elle.
Elle n'est pas sur la toile. Mais elle est ma sœur. Sa peur, je la ressens. Elle me vrille le cœur, me retourne les tripes. Et je ne suis pas la seule.
Mon regard se pose sur Arman, un peu plus loin. Sa rage résonne sur la toile. Sa douleur, sa peur, son inquiétude aussi. C'est comme si je me regardais dans un miroir. Les mêmes émotions, la même force de ressentiment. Et les secondes qui passent, qui augmentent tout ça.
Mon sang pulse dans mes oreilles. Ma respiration est lourde. Je le sens. Je sens au fond de moi qu'il va se passer quelque chose. De suffisamment grave pour que même moi, je le craigne. Je détourne les yeux quand un homme vient pour me percuter de plein flan. Il est bien bâti. Il a l'air de s'y connaître en combat.
J'esquive son premier coup, mais il m'atteint à la hanche. La douleur du choc ne me fait pas perdre l'esprit, et je lui en renvoi un sec dans l'abdomen. Ma force est supérieure à la sienne. Mais je sens sans trop de mal la plaque métallique qu'il porte sur le torse. Il ne sent pas mes coups, c'est moi qui reçoit la douleur.
Je grogne, et attrape le poing qu'il lance vers mon visage. Je le tiens fermement, l'empêchant de se dégager.
Je me déconcentre un instant. Juste une seconde, quand je l'entends. C'est si court. Mais suffisant pour qu'il m'envoie un coup de pied qui me fait reculer de plusieurs pas. Je veux m'élancer vers ma sœur, mais il me plaque au sol. Une silhouette prend la direction du cri. Nader. C'est le seul qui parvient à se dégager assez vite des hommes qui l'assaillent. Arman hurle, tentant sans succès d'écarter les trois hommes qui lui sautent dessus de toutes parts.
L'humain au dessus de mon corps tente de serrer les mains autour de mon cou, en bloquant mes bras avec ses genoux. Rien qui ne peut m'arrêter. Surtout pas quand une colère sourde résonne en moi à ce point.
Cependant, je n'ai pas besoin d'user de la force. Le pelage noir de Ramin fauche l'homme. Je vois du coin de l'œil une tête voler, mais je me fiche bien du sang qui gicle ici et là.
Je suis déjà partie, Arman sur les talons.
- Shadow !
Sa voix tonne, froide et dure. Inquiète aussi. Un ton que je n'ai jamais entendu chez Nader. Un ton qui me laisse savoir avant même que je ne l'ai sous les yeux l'horreur qui va m'apparaître.
C'est comme si tout s'arrêtait autour de moi. J'oublie même de respirer.
A genou, Nader compresse tant bien que mal la blessure. Ses avant-bras sont recouverts de sang. De son sang.
Je cligne des yeux, et quand je les ouvre, mon corps a bougé de lui-même pour se retrouver devant le sien. Mes mains se posent sur les bords de son visage tandis que le loup tente en vain d'arrêter l'hémorragie au niveau de sa jambe.
- Maï ! Tu m'entends ? Maï réponds moi bon sang !
J'essaie de secouer son visage, d'obtenir la moindre réaction de sa part, mais rien ne vient. Alors je lâche son visage et dirige mes yeux vers la plaie. Je ne suis même pas capable d'en trouver l'origine. Sa jambe n'est plus qu'un amas de chair à vif, et je ne saurais décrire avec précision toute l'étendue de ce morbide spectacle. Ce que je sais en revanche, c'est qu'il faut arrêter l'hémorragie rapidement. Et que Nader n'y arrivera pas seul.
J'avance mes mains rapidement mais le grognement du loup m'arrête dans mon geste.
- Acier.
Je veux lui dire que je m'en fous. Que le métal peut bien brûler mes paumes jusqu'à ce qu'elles soient inutilisables, je n'en aurais rien à faire. La vie de ma sœur est la seule chose qui m'importe. Il n'y a plus de Sancœurs, plus de guerre, plus de Destin. Il n'y a qu'elle, elle est tout ce qui compte.
Mais je n'ai pas le temps de répliquer que deux mains prennent la place des miennes. Arman serre les dents, et je ne saurais pas dire avec précision ce qu'il ressent maintenant. La même chose que moi, sûrement. Un mélange d'un peu tout qui nous laisse démunis face à la situation.
Tout s'enchaîne, vite, très vite. Le temps ne se compte plus en minutes mais en seconde. Cyrus arrive, suivi des autres. Parait-il qu'ils ont éliminé ceux qu'ils ont trouvé. L'information me parvient sans qu'elle ne fasse rien naître en moi. Tala effectue un garrot de fortune, Maï est transportée dans la voiture. On démarre à toute vitesse, on roule tout aussi vite.
J'ai l'impression de vivre les évènements au ralenti. Son corps mou soulevé dans les bras de Nader, Ramin qui m'attrape pour me faire monter dans la voiture.
Tala qui se penche sur Maï pour tenter de la réveiller. Elle contrôle son pouls. Il est faible. Je l'entends à peine. J'essaie de me concentrer sur sa respiration. Tant qu'elle respire, je suis encore capable de tenir.
La louve enroule la jambe de ma sœur dans un bandage. Il se teinte aussitôt de rouge. Le sang ne s'arrête pas, malgré les soins. Sa peau devient plus blanche, ses lèvres plus pâles.
Je voudrais m'avancer vers elle, lui caresser les cheveux, lui parler en espérant qu'elle pourra m'entendre. Mais je n'y parviens pas.
Là, devant le corps inconscient de ma sœur, je me pétrifie. Parce que je sais que la mort est à sa porte. Je sais que la possibilité qu'elle n'ouvre plus les yeux n'est pas seulement une hypothèse parmi tant d'autres. Elle est vivace, forte, et elle me détruit de l'intérieur.
Je n'entends pas les sons, outre les faibles battements de son cœur. Je ne saisis pas les instructions précipitées que donnent Tala à Cyrus. C'est le seul dans cette voiture capable de les suivre. Arman à côté de moi reste tout autant figé.
Nous sommes inutiles. Nous aurions sûrement dû laisser notre place dans cette voiture à quelqu'un capable d'aider. Mais il m'était impossible d'envisager me séparer d'elle ne serait-ce qu'une minute.
J'ai l'impression que mon cœur s'arrête quand Tala relève son t-shirt. Il me semble qu'elle pousse un cri, avant de poser ses mains sur l'abdomen de ma sœur. Cyrus la remplace précipitamment pour qu'elle puisse trouver de quoi adsorber le sang qui s'échappe de cette autre blessure.
Et au creux de mes oreilles, les battements de son cœur ralentissent doucement. Les miens suivent la même cadence. Alors que sous mes yeux, la vie de ma sœur semble s'éteindre à petit feu.
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Me revoilà. Que va-t-il arriver à Maï ? Pour le savoir, il va falloir patienter.
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- Prochain chapitre le dimanche 22 mai
- A partir de là, reprise de 1 chapitre tous les dimanches
- Quand suffisamment de chapitres seront écrits, on passe à 2 chapitres par semaine
A bientôt,
Kiss :*
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