Chapitre 66

 PDV Cyrus

Tout m'échappe. Mes loups, la situation, ma vie en général. Je suis en train d'enchaîner connerie sur connerie, et je ne m'en rends qu'à peine compte. Je l'ai senti dès que j'ai foutu un pied en face d'eux. Et pourtant, je me suis enfoncé au plus profond de ma bêtise. Jusqu'à ce qu'elle agisse, elle.

Pas un mot. Juste un geste, et un regard. La lame frôlant mes pieds a agit comme le déclencheur de ma prise de conscience. Ses yeux noirs m'ont laissé entrevoir toutes les erreurs que j'ai commise, et celle que j'étais en train de mettre en place.

Je me sens stupide. A ses yeux, mais également aux yeux de mes loups. J'ai bien vu leur colère. Ressenti leur déception. Ils la soutiennent, mais pas seulement. Ils sont eux-mêmes touchés par la situation. Ils ne m'écoutent plus. Ils écoutent Yuki, et ce n'est peut-être pas plus mal, vu que je ne suis pas parvenue à comprendre ce qui n'allait pas.

Je ne saisis toujours pas leur réticence vis à vis de cette louve qu'ils ne connaissent pas. En revanche, j'ai bien compris ce que j'ai fait de travers. Et ils n'ont pas l'air de vouloir me ménager, en particulier Ramin. Je ne peux que leurs donner raison. Je crois qu'il va falloir que je fasse ce que je déteste par dessus tout, admettre que j'ai eu tort.

J'aurais dû comprendre bien avant que je les mettais de côté. Que je me plaçais entre eux et Negin, comme si j'étais dans un camp et pas dans l'autre.

Je ne sais pas vraiment comment arranger les choses. Et le regard que me lance Yuki avant de rejoindre la maison me laisse penser que je vais avoir intérêt à m'excuser. Et à faire bien plus que cela.

Je souffle un bon coup avant de me décider à la suivre, et je suis à peine arrivé dans la maison que je sens l'atmosphère négative qui y règne. Rien d'étonnant vu la situation actuelle, mais je sais que c'est autre chose. Ce qui ce confirme quand je croise le regard de ma mère, et son étonnante joie. Il n'y a que peu de chose qui peuvent la faire sourire, et ce sont rarement les mêmes que les miennes. Au contraire.

Je ne peux m'empêcher d'afficher une certaine méfiance à son égard, en particulier quand son sourire s'agrandit lorsqu'elle regarde Yuki. Et il n'y a que peu de raison pour qu'elle fasse cela. Il suffit qu'elle croise mon regard pour que je comprenne avant qu'elle ne parle le sujet de sa satisfaction. Pourtant, lorsqu'elle l'annonce, je suis aussi décontenancé que les autres.

- J'ai pris une décision, qui va te ravir sans aucun doute.

Mais le doute est bien là, quoique le mot soit trop faible pour exprimer réellement ce que je ressens.

- J'ai bien compris que Sheila n'était pas une louve pour toi. Je ne suis pas si affreuse. Donc j'ai décidé de te laisser avoir une partenaire à ta hauteur.

On pourrait croire à une bonne nouvelle. Mais je doute qu'une seule personne dans cette pièce n'y croit vraiment. Ce n'est pas mon cas.

- Tu vas épouser Negin. C'est une très bonne femme, jolie, forte, et par dessus tout, c'est une louve.

Elle insiste sur ce dernier point en fixant la vampire à mes côtés. Je la sens bouillir, prête à exploser. Elle est sur le point d'éviscérer ma mère, et je ne suis pas certain de vouloir l'en empêcher. Qui d'elle, de mes loups, ou de moi même est le plus proche de vriller ? Je ne suis pas certain de cette réponse.

Mais la première voix qui s'élève, presque sans surprise, c'est celle de Ramin. Il a un attachement bien plus probant à Yuki que les autres, quoi que c'est peut-être simplement qu'il est plus bruyant.

- Vous avez pété une durite ?

Elle le regarde en biais de façon mauvaise, et je vois qu'elle n'apprécie pas qu'il s'adresse à elle. Après tout, elle a demandé à ce qu'il meurt, alors qu'il soit encore là, à lui répondre qui plus est, ne doit pas lui plaire.

- Nous avons déjà une dominante !

Emna fait un pas en avant, véhémente, mais cesse de s'avancer sous le regard de ma mère. Elle ne veut pas que nous nous retrouvions dans une situation que nous avons déjà vécue, où mes ordres doivent jouer contre ceux de ma génitrice. L'ambiance est déjà suffisamment mauvaise.

- Une vampire ne peut être votre dominante. Vos bêtises ont assez duré.

- Je vais t'en foutre des bêtises moi !

Ramin grogne, et puisque personne ne semble avoir la présence d'esprit de l'empêcher de l'étrangler, c'est moi qui le bloque de mon bras.

- Je n'ai pas l'intention d'épouser Negin.

- Tu es déjà très proche de cette louve. Je ne vois pas trop ce que tu pourrais lui reprocher.

Je sens le regard et la colère de Yuki à mes côtés, ce qui me met mal à l'aise face aux dires de ma mère. Pour autant, je n'ai pas envie de la laisser faire. Ça serait lui admettre qu'elle gagne, et elle serait encore plus insupportable après cela.

- La question n'est pas là. Tu n'as pas à choisir mon épouse, et je suis déjà lié. Ton avis ne rentre pas en compte là-dedans.

- Je suis ta mère.

- Cela ne te donne pas le droit de faire ce que tu veux de ma vie. Je n'épouserais pas cette louve, ni aucune de celles que tu chercheras à me présenter. Maintenant ça suffit, nous avons du travail.

Je la contourne en tirant Ramin à ma suite, afin de m'assurer qu'il ne lui sautera pas dessus. Il râle et se laisse difficilement traîner, mais ne cherche pas à se libérer de ma poigne pour autant.

Je préfère écourter le moment. Je sais que ce que je viens de dire ne sera pas suffisant pour qu'elle arrête de me bassiner avec Negin, ou bien avec le mariage en général. Mais pour l'instant, mieux vaut s'éloigner d'elle, car je doute que quelqu'un ici aurait pu garder son calme plus longtemps.

Étonnamment, elle ne dit rien et nous laisse partir, et cela n'est pour moi qu'une preuve supplémentaire qu'elle ne va pas laisser tomber l'affaire. Elle prépare seulement son plan d'attaque. 

Si je pensais que l'ambiance était pesante, l'intervention de ma mère semble avoir tendue la situation à un point que je n'imaginais pas atteignable. C'est comme si j'avais des armes prêtes à faire feu braquée sur moi. Je sens qu'au moindre mots de travers, n'importe quelle personne dans cette pièce pourrait me sauter au cou. A part Maï qui semble un peu plus calme. Il faut dire qu'elle n'est pas sur la toile, elle a donc moins de chose à me reprocher.

C'est donc vers elle que je me tourne, peut-être inconsciemment pour gagner du temps avant que l'un de mes loups ne me lance quelques piques acerbes. Et vu la situation, je ne pourrais que les encaisser et pas y répondre.

- Maï, au niveau des averses prévues cette semaine sur le Mont Adams, qu'en est-il ?

- La météo est restée telle qu'annoncée. Les averses ont cessé il y a deux jours. Le terrain devrait être suffisamment praticable demain comme prévu.

Demain. Quand je vois la tension entre nous en ce moment, je me demande comment nous pourrions mener à bien cette mission aussi tôt. Et pourtant, nous n'avons pas le choix. Une raison de plus qui me fait prendre conscience de mes conneries. Je viens de mettre en péril notre mission, à jouer au con, comme ils disent. Et pourtant j'ai eu l'occasion de l'éviter. Arman a essayé de me prévenir, hier. Et plusieurs fois les loups ont tenté de me faire comprendre les choses. Mais il aura fallu attendre le dernier moment pour que je me rende compte de tout ce que j'ai pu faire de travers.

Il va falloir apaiser les choses, et vite. Mais je sais que ça ne fonctionnera que d'une seule façon. Je dois d'abord calmer la dominante. Et vu l'incroyable puissance noire qui se dégage de son corps, je vais dans un premier temps en prendre pour mon grade. Je suppose qu'on peut dire que je l'ai mérité.

- Jeiran, l'équipement est prêt ?

Affalé dans son siège, un bras sur celui d'Emna, il paraît nonchalant et peu intéressé par ce que je lui demande. Un tel comportement me donne envie de lui envoyer ma chaussure en pleine tête, mais je sais qu'il a très bien entendu ma question. Il cherche juste à me faire bouillir, comme un gamin qui voudrait énerver ses parents. Mais encore une fois, je l'ai bien cherché. Alors je patiente jusqu'à ce qu'il se décide à m'offrir la réponse.

- Depuis longtemps.

- Ce que tu saurais si tu avais levé le nez du décolleté de l'autre louve.

Je lève les yeux au ciel et préfère ne pas répondre à Ramin, qui je le sais n'attend que cela pour m'en mettre plein la tête.

- Est-ce que tout le monde se sent suffisamment entraîné ? Et à l'aise avec le plan ?

- On devrait te poser la question, c'est toi qui a loupé tous les entraînements. Pas besoin de préciser pourquoi.

- Je prends ça pour un oui, Emna.

- Si ça te fais plaisir.

Je garde le silence quelques instants et passe mon regard sur chacun d'entre-eux. Je m'arrête un peu plus longtemps dans celui de Yuki, avant de reporter mon attention sur Ramin, encore.

- Bon, cette réunion que tu as voulu tenir semble absolument inutile. Au pire si tu veux les détails de la mission il te suffit de lire les rapports fait pendant que tu te goinfrais des repas de la pouffe. On peut y aller ?

Je me mords la langue devant son insolence. Ne rien dire devient compliqué, mais je sais qu'il cherche à me pousser à bout. Et en même temps, j'ai bien compris que ce n'est pas mon aval qu'il attend pour quitter la pièce.

Le regard de la vampire et le mien s'accrochent pendant un moment, et exactement comme plus tôt, elle me fait comprendre qu'elle a le pouvoir. Que ce sont ses mots qui motiveront les actions des loups. Je suis l'Alpha, et pourtant, je me sens profondément affaibli face à elle. Et je ne peux en vouloir qu'à moi-même.

Elle finit par hocher la tête et chacun ne met pas longtemps à se lever et se diriger vers la sortie. Je récolte un grand nombre de regards noirs, contre lesquels je ne m'insurge pas.

En revanche, ma main se lève et vient se saisir de son bras lorsqu'elle passe devant moi. Elle s'arrête, et relève presque au ralenti son regard vers moi.

- Ne me regarde pas comme si tu allais me tuer.

- Vois-tu j'hésite encore, Cyrus.

Cyrus. Mon prénom. Une familiarité qui est normalement signe de rapprochement. Et pourtant, ce n'est pas ainsi que cela sonne dans sa bouche. Parce qu'elle, la familiarité vient de son « Alpha », ou « Loup ». Le fait qu'elle ne les utilise pas montre que sa colère est bien plus grande que ce qu'on pourrait penser. Et pourtant, elle apparaît déjà exponentielle, alors je n'imagine pas la face cachée de l'iceberg.

- Lâche-moi.

Elle le dit avec une telle sévérité que c'est presque comme si elle me plantait un couteau en plein cœur. Le fait de savoir qu'elle refuse que je la touche me retourne l'estomac.

- On doit parler.

- On parle avec la bouche et pas avec la main. Tu n'as donc pas besoin de me tenir.

Je souffle et la lâche, mais elle se dirige vers la sortie. J'ai un mouvement en avant pour la rattraper, mais je m'arrête quand je remarque qu'elle ferme la porte. Elle se retourne vers moi et ne dit rien de plus. Elle n'en a pas besoin. Il suffit que je la regarde pour comprendre que mon temps est compté et que j'ai intérêt à faire rapidement mes preuves. Et si je n'aime pas franchement cette situation, je suis obligé de m'y plier.

- Je sais que j'ai fait le con.

- C'est bien de le reconnaître.

- Je n'aurais pas dû agir ainsi. Vous mettre à l'écart de cette façon, au profit de Negin.

- Ravie de voir que tu comprends enfin ses intentions.

Malgré tout, son ton reste froid. Et je le refroidis encore un peu plus lorsque j'ouvre de nouveau la bouche sans réfléchir.

- Je continue de penser que vous lui prêtez des intentions qui ne sont pas les siennes.

Son regard change. La puissance qui se dégage de son corps exulte.

Merde. Je crois que je viens de dire la connerie de trop.  

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On a envie de lui mettre des baffes n'est-ce pas ? Rassurez-vous, la situation va rapidement, très rapidement s'arranger. 

On se retrouve la semaine prochaine (samedi) pour la suite !

A bientôt, 

Kiss :*

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